Bien sûr, c'est de la comm'. Mais pas plus pas moins que le remaniement démoulé en toute hâte par Emmanuel Macron, la semaine dernière. Marine Le Pen, comme on le savait déjà, comme on le redoute chaque année, sera candidate à l'élection présidentielle de 2027. Histoire d'offrir un petit biscuit inédit à croquer, la patronne de l'extrême droite française a poussé Jordan Bardella dans la lumière, en le nommant futur premier ministre.
Comme (trop) souvent depuis la réélection d'Emmanuel Macron et le bruyant nouvel arrivage de députés d'extrême gauche à l'Assemblée nationale, il a suffi à Marine Le Pen de laisser l'adversaire faire sa grosse bourde, pour apparaître telle la reine autoproclamée des Français qui n'y croient plus. Sans rembobiner toutes les polémiques qui agitent nos voisins depuis le remaniement, il faut reconnaître à la fille de son père un certain art du timing.
Juste après la décision du président de griller sa dernière cartouche, en hissant son très jeune copycat à la tête d'une nouvelle grappe de ministres, voilà qu'elle intronise calmement son propre fidèle poulain, au sommet de son (potentiel) gouvernement. A force de considérer Gabriel Attal comme le «seul rempart à Jordan Bardella», le macronisme a fortement participé à sa précoce éclosion. Pour l'extrême droite, fatalement, c'est une véritable autoroute qui s'ouvre.
Alors que la nouvelle ministre de l'Education patauge encore dans sa volonté mal assumée de parquer ses propres gosses dans le privé, Marine Le Pen déguste des petits fours en fond d'hémicycle. Son poulain, 28 ans à peine (six de moins que le tout frais premier ministre), conduira la liste du Rassemblement national, franche favorite, aux élections européennes du mois de juin.
Pour le duo, que plus grand monde ne chicane tant la pollution sonore (et politique) vient d'ailleurs, il est grand temps «d'exercer concrètement le pouvoir», puisque «la question n'est plus de savoir» si Jordan va un jour l'empoigner, «mais quand». Voilà qui pose son homme et nécrose les grandes phrases d'un gouvernement qui ne sait plus comment prouver qu'il combat la montée des idées nauséabondes.
Voilà belle lurette qu'Emmanuel Macron ne peut plus se reposer sur sa réélection, pour se vanter de faire «barrage à l'extrême droite». Depuis, le capharnaüm d'une réforme des retraites que personne n'a encore vraiment digéré, mais aussi la très dure loi immigration qu'il a fait gober aux Français au forceps, sont passées par là. On rappellera quand même que la nouvelle mouture de cette loi, si stratégique pour le pouvoir, a été considérée comme une «victoire idéologique» par un Rassemblement national qui a fini par la soutenir, tant elle suinte la «préférence nationale».
Bien sûr, la normalisation de son image a connu quelques ratés. On se souvient des échappées racistes de certains députés RN ou de la récente enquête du Washington Post sur ses accointances avec la Russie de Poutine. Mais avec un président de la République qui a définitivement enterré son fameux «en même temps» et une France insoumise en irrécupérable contestation, Marine Le Pen a tout le loisir de se pavaner en enfant de chœur dans l'actualité politique hexagonale. En silence. Ou presque.
Si Macron ne semble plus tout à fait en mesure de protéger la démocratie de ses plus grands fossoyeurs, c'est d'abord parce qu'il ne danse plus en rythme avec les préoccupations de son peuple et s'agite désormais à la manière d'un leader de l'opposition... que le Rassemblement national n'est plus. Du moins dans de récentes études, qui catapultent Marine Le Pen sur le podium des personnalités politiques préférées des Français. Ce week-end, trempée dans la sauce américaine, la patronne honoraire du Rassemblement national a décidé de présenter un ticket présidentiel. Faisant du jeune Jordan Bardella une espèce de vice-président en gestation, à la Française.
Et ça a méchamment de la gueule.
2027 est encore loin? Certes. Mais si le clan Macron n'inverse pas très vite la tendance, ces trois longues années seront au service d'une extrême droite désormais «présidentiable» et qui «peut apporter des solutions utiles à la France», selon les Français et une étude effrayante, commandée par Libération.
«Si peu que l'on parle, on parle toujours trop. Le chapeau d'un homme d'État ne devrait jamais savoir ce que pense sa tête», dit-on. Mardi soir, Emmanuel Macron sera en direct sur toutes les chaînes de télévision françaises. Une conférence de presse «XXL», un «rendez-vous avec la nation», un «format qui n'a jamais été fait». Objectif avancé: instaurer un nouveau souffle à son quinquennat et rétablir la confiance. Les bonnes résolutions, on le sait, ne survivent jamais bien longtemps à l'effet d'annonce.