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Loi immigration en France: «C’est pire en Suisse»

Migrants à la douane de Chiasso. 7 septembre 2016. Sandro Cattacin (médaillon).
Migrants à la douane de Chiasso. 7 septembre 2016. Sandro Cattacin (médaillon).image: keystone

Loi immigration en France: «C’est pire en Suisse»

Comparaison des lois immigration française et suisse, avec l'expertise de Sandro Cattacin, professeur à l'Université de Genève, spécialiste des questions migratoires.
21.12.2023, 18:5122.12.2023, 08:13
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Des appels à la désobéissance civile, des départements frondeurs, des députés dénoncés sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron accusé d’avoir pactisé avec l’extrême droite. La France opposée à la loi immigration adoptée mardi au parlement entre en résistance au motif que ce texte introduirait une préférence nationale au mépris de la devise républicaine: «Liberté, Egalité, Fraternité». Qu’en est-il du traitement de l’immigration ailleurs en Europe? Est-ce si différent de la nouvelle loi française (qui doit encore obtenir l’aval du Conseil constitutionnel)?

Nous nous sommes arrêtés à la Suisse. Avec le concours du professeur de sociologie Sandro Cattacin, spécialiste des questions migratoires à l’Université de Genève, nous avons comparé les points qui font polémique en France avec leurs équivalents helvétiques. Commentaire global du professeur:

«C’est pire en Suisse. En Suisse, la discrimination repose principalement sur l’argent»

Entrons dans le détail.

Allocations familiales

En France, avec la nouvelle loi, les allocations familiales sont versées aux étrangers qui travaillent dans un délai de trois mois, de cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas.

En Suisse, le critère discriminant n’est pas le fait d’avoir des enfants, mais d’avoir un travail. «Il faut un travail et un permis de séjour pour avoir droit aux allocations familiales, et bien sûr avoir des enfants», explique Sandro Cattacin. Autrement dit, sans travail, par d’allocations familiales, alors qu’en France, même sans activité lucrative, un foyer pourra en percevoir au bout de cinq ans.

Aides au logement

En France, le versement de l’APL (aide personnalisée au logement) prévoit, comme pour les allocations familiales, un délai de carence de cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas, de trois mois pour les autres.

En Suisse, la gestion des aides au logement est l’affaire des villes et des cantons. Il n’y a pas de différence de traitement entre Suisses et étrangers. Pour l’obtention d’un logement HLM ou d’une aide financière personnalisée, il faut justifier d’un certain nombre d’années de présence dans la ville ou le canton en question. Comme en France, les sans-papiers n’ont pas droit à un logement. «Ce qui fait l’affaire des marchands de sommeil», observe Sandro Cattacin.

«Zurich est l’exception. La ville a instauré une carte de citoyenneté pour ses sans-papiers de façon à leur permettre, entre autres, de se loger. A ma connaissance, la mesure n’est pas encore entrée en vigueur»
Sandro Cattacin

Accès aux soins

En France, les sans-papiers ont accès aux soins gratuits par le truchement de l’Aide médicale d’Etat (AME). Le gouvernement a obtenu de son partenaire de droite Les Républicains (LR) que le sort de l’AME, dont LR souhaite la suppression, soit traité dans un texte à part, à débattre en 2024.

En Suisse, tout résident, y compris l’individu en situation irrégulière, a droit à une assurance maladie. Encore faut-il pouvoir la payer. Les personnes rencontrant des difficultés financières peuvent demander des subsides. Les sans-papiers ne le peuvent pas.

«Parmi eux, nombreux sont ceux qui n’ont pas suffisamment de ressources pour s’offrir une assurance maladie. Pour ceux-ci, les parcours de soins sont extrêmement difficiles. Vivre dans les grandes villes est alors un avantage, car on y trouve des structures médico-sociales d’urgence. Mais il est quasiment impossible pour une personne sans-papiers et sans ressources de commencer en Suisse un traitement contre un cancer, par exemple.»
Sandro Cattacin

Regroupement familial

En France, le nouveau texte durcit les conditions du regroupement familial. La durée de séjour du demandeur est portée à 24 mois (contre 18). Il faut justifier d’un logement, de ressources «stables, régulières et suffisantes», disposer d'une assurance maladie. L'âge minimal du conjoint doit être de 21 ans (18 jusqu’ici).

En Suisse, il faut, comme en France, justifier d’un logement suffisamment grand pour le nombre de personnes accueillies, ainsi que de ressources financières suffisantes. En revanche, il n’y a pas, contrairement à la France, de délai de carence.

«On veut que les choses aillent vite, gage d’une meilleure intégration, juge-t-on»
Sandro Cattacin

«La demande de regroupement doit avoir lieu dans un délai de 5 ans maximum, on parle ici des jeunes familles, avec des enfants en bas âge. Pour faire venir en Suisse un enfant de plus de 12 ans, il faut compter un an.»

Obtention de la nationalité

En France prévaut le droit du sol. Avec la nouvelle loi immigration, toute personne née en France de parents étranger souhaitant être reconnue française devra en faire symboliquement la demande entre 16 et 18 ans. Par ailleurs, une somme modique, 60 euros, est demandée aux personnes effectuant une procédure de naturalisation.

En Suisse, point de droit du sol stricto sensu. La naturalisation facilitée permet de raccourcir les procédures. «Les frais de naturalisation vont de 600 francs, pour un individu, à 3000 francs, pour une famille», explique Sandro Cattacin.

Caution étudiante

En France, la loi nouvellement adoptée prévoit le dépôt d’une «caution de retour» pour les étudiants extracommunautaires, qui leur sera rendue à la fin de leurs études. Le montant de la caution n’est pas encore fixé. Il s’agit d’éviter que des étrangers s'inscrivent en tant qu’étudiants uniquement pour venir en France.

En Suisse, «il n’y a pas de caution, mais c’est pire», affirme le professeur de l’Université de Genève.

«Il faut démontrer qu’on dispose de suffisamment d’argent pour vivre en Suisse. On estime à 2000 francs par mois le coût de la vie d’un étudiant. Si on ne dispose pas soi-même de cet argent, il faut pouvoir compter sur l’aide d’un tiers.»

A noter qu’en France aussi, il faut justifier d’une certaine somme d’argent par mois, 615 euros très exactement.

«Le durcissement de la législation sur l’immigration n’est pas propre à la France. C’est un phénomène global, qu’on retrouve en Allemagne, en Italie, au Danemark», observe Sandro Cattacin. Pour le professeur de l'Université de Genève, «c’est une tendance regrettable, qui précarise davantage encore les migrants».

«Les politiques restrictives en matière d’immigration ne découragent pas les migrants de venir. Ce qui les fait venir, c’est le marché, l’activité économique»
Sandro Cattacin
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