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Guerre en Ukraine: jackpot pour Kim Jong-un et la Corée du Nord

Le soutien militaire de Vladimir Poutine à la dictature de Kim représente un danger pour la paix dans la péninsule coréenne.
Le soutien militaire de Vladimir Poutine à la dictature de Kim Jong-un représente un danger pour la paix dans la péninsule coréenne.Image: t-online

Pour Kim Jong-un, la guerre en Europe est un jackpot

Sur le front, plutôt que d'être faits prisonniers, des soldats nord-coréens se suicident avec leurs grenades. Kim Jong-un envoie de la chair à canon à la Russie, mais la contrepartie de Vladimir Poutine est un danger pour la péninsule coréenne.
22.01.2025, 05:2822.01.2025, 05:45
Patrick Diekmann / t-online
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Des touristes russes qui visitent la Corée du Nord, font des voyages en bus à travers le pays, se font bronzer sur la plage ou mangent le soir dans des restaurants nord-coréens. Ce genre de vidéos, même si elles restent rares, sont devenues nettement plus fréquentes ces derniers mois.

Depuis que les vacanciers russes sont autorisés à se rendre dans la dictature sous la stricte surveillance des dirigeants nord-coréens, ils partagent leurs vidéos sur les réseaux sociaux. Ils donnent ainsi aux observateurs occidentaux, parfois sans le vouloir un aperçu de cette autocratie cloisonnée.

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Selon les médias russes, rien qu'en 2024, 1500 touristes russes auraient visité la Corée du Nord, et la tendance est à la hausse. La dictature laisse les Nord-Coréens les plus fidèles au régime s'approcher d'eux et leurs guides touristiques sont des agents des services secrets. Les touristes russes assistent à des visites de propagande visant à présenter la Corée du Nord de la manière la plus moderne possible. Les Russes le confirment ensuite dans leurs vidéos, tout à fait dans l'esprit de la propagande de Kim Jong-un.

Mais les images montrent aussi une autre réalité: surtout en dehors de Pyongyang, la population sous-alimentée, des centrales électriques qui fonctionnent au charbon et quasiment pas de circulation sur les routes. Ce sont aussi les conséquences des sanctions internationales imposées depuis des décennies en raison du programme nucléaire nord-coréen.

Mais la guerre que fait la Russie à l'Ukraine a offert à Kim Jong-un une chance de sortir de cet isolement. Le chef du Kremlin est faible et même son partenaire stratégique chinois ne soutient pas la Russie avec toutes ses armes ou des soldats. La Corée du Nord s'est donc volontiers laissée entraîner par la Russie dans la guerre en Ukraine.

Sur le plan international, le rapprochement avec un paria comme la Corée du Nord montre à quel point la Russie a perdu la face. Pour Kim Jong-un en revanche, c'est le pactole: Poutine apporte au pays des devises indispensables - les touristes russes doivent par exemple payer en dollars américains.

D'autre part, la contrepartie russe au soutien de la Corée du Nord est massive: Poutine aide non seulement Kim Jong-un à sortir de son isolement, mais il souhaite aussi moderniser l'armée nord-coréenne. Ce qui devient un danger pour toute la région de l'Asie de l'Est.

La Corée du Nord prête main-forte à la Russie

Les quelque 10 000 soldats nord-coréens qui semblent avoir été déployés par le commandement militaire russe, principalement dans la région de Koursk au sud de la Russie, sont souvent au centre de l'attention médiatique. Des destins dramatiques à plus d'un titre.

Les guerriers nord-coréens n'auraient même pas été au courant du pays dans lequel ils étaient déployés. Surmenés, ils tirent parfois sur les positions russes. Et ils se suicident avant d'être capturés, souvent en faisant exploser des grenades à côté de leur tête.

Les soldats nord-coréens n'ont en principe pas le choix de désobéir aux ordres. Car en Corée du Nord, la détention des proches est un instrument de pouvoir central du commandement et les familles des soldats sont constamment en danger.

Mais les livraisons d'armes nord-coréennes à la Russie sont encore plus importantes que les soldats. Le quotidien américain The Wall Street Journal a rapporté que la Corée du Nord avait envoyé 20 000 containers de munitions à Poutine en décembre 2024. Des munitions de basse qualité comme des obus d'artillerie de 122 mm et 152 mm jusqu'aux plus récents missiles balistiques de la classe Hwasong-11.

Mais Pyongyang aurait également livré des obusiers blindés et des lance-roquettes multiples. Jusqu'à présent, la Corée du Nord aurait gagné jusqu'à 5,5 milliards de dollars grâce aux ventes d'armes avec Moscou, selon le Wall Street Journal.

Kim Jong-un valorisé par Poutine

La Corée du Nord est l'un des pays les plus pauvres du monde. Parallèlement, les besoins en munitions de la Russie alimentent la production d'armement nord-coréenne. Mais Kim Jong-un reçoit de la Russie bien plus que de l'argent en échange de son soutien.

C’est surtout les Etats-Unis qui suivent la situation de près: ils surveillent les livraisons réciproques de la Russie et de la Corée du Nord par satellite. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a lancé un avertissement le 6 janvier:

«La Corée du Nord reçoit déjà de l'équipement militaire et de la formation de la part des Russes. Maintenant, nous avons des raisons de croire que Moscou a l'intention de partager des technologies spatiales et satellitaires avancées avec Pyongyang.»

Les Américains ont tout à fait raison de s'inquiéter, car la Russie et la Corée du Nord ont tout intérêt à une coopération plus étroite dans les domaines de l'aviation militaire, de l'espace et de la technologie des missiles. C'est précisément dans ces domaines que l'armée nord-coréenne a un grand besoin de modernisation. L'avion de combat le plus moderne de l'armée de l'air nord-coréenne – le MiG-29 – a été développé en 1977, et la plupart de ses équipements sont encore plus anciens.

Par ailleurs, les dirigeants nord-coréens lorgnent la technologie russe en matière de missiles, notamment pour améliorer leurs propres capacités nucléaires. Les premières conséquences du partenariat stratégique entre la Corée du Nord et la Russie se font déjà sentir: début janvier, la Corée du Nord a déclaré avoir testé avec succès son premier missile hypersonique. Si cette information est vraie, cela n'aurait pas été possible sans le soutien de la Russie.

Kim Jong-un sacrifie donc 10 000 soldats nord-coréens, un tas de vieilles munitions conventionnelles et reçoit en échange beaucoup de prestige pour son régime. Il a rencontré personnellement Poutine à plusieurs reprises et le qualifie de «meilleur ami».

Le chef du Kremlin, quant à lui, bloquera de nouvelles sanctions de l'ONU contre la Corée du Nord. Pendant ce temps, les Etats-Unis craignent que Moscou ne reconnaisse la dictature de Kim Jong-un comme une puissance nucléaire. Pour Kim Jong-un, la guerre en Europe est donc un jackpot. Il y a quelques années encore, personne (ou presque) ne voulait se montrer aux côtés de l'autocrate, et encore moins l'armer.

La paix dans la péninsule coréenne menacée

Au final, c'est probablement par désespoir que Poutine s'est tourné vers la Corée du Nord. Mais les conséquences de cette coopération en matière de politique de sécurité pourraient sérieusement menacer la sécurité dans l'est asiatique.

La Corée du Nord est une dictature héréditaire dans laquelle, depuis la fondation de l'Etat en 1948, la famille Kim se préoccupe avant tout de son propre maintien au pouvoir. Les plus grandes menaces sont les soulèvements politiques internes et la Corée du Sud, qui connaît un succès économique et est soutenue par les Etats-Unis. Aujourd'hui encore, il n'y a pas de véritable paix entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, même si les combats ont pris fin lors de la guerre de Corée en 1953. Le conflit est gelé et une situation d'impasse militaire s'est développée, préservant jusqu'à présent la paix.

Mais Poutine est en train de la bousculer. En effet, après s'être allié à Kim Jong-un cet été, ce dernier a fait inscrire en octobre 2024 dans la constitution nord-coréenne que la Corée du Sud était un «Etat ennemi». Moscou et Pyongyang ont par ailleurs conclu un pacte de défense qui renforce encore l'alliance militaire.

Si la Corée du Nord parvient à envoyer des ogives nucléaires vers la Corée du Sud à l'aide de missiles hypersoniques sans que les Sud-Coréens ne puissent les intercepter, l'équilibre des forces sur la péninsule coréenne sera bouleversé.

Par conséquent, le renforcement de la Corée du Nord par la Russie est un danger pour la région. La Corée du Sud va notamment envisager de s'armer davantage, y compris au niveau nucléaire. Ce conflit pourrait devenir une véritable poudrière.

Mais Poutine prend également des risques avec son nouvel allié. Car en déstabilisant la péninsule coréenne, le chef du Kremlin risque de se mettre à dos son allié le plus puissant: la Chine. Pékin n'a pas envie qu'un dirigeant à sa propre frontière continue à développer des armes nucléaires et qu'il considère comme imprévisible.

C'est peut-être aussi la raison pour laquelle le président chinois Xi Jinping a pris ses distances avec la Russie au cours des derniers mois. La Russie paie donc un prix politique et stratégique immense pour les soldats nord-coréens.

Traduit de l'allemand par Anne Castella

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