Nous ne sommes pas tous égaux face au virus. Certaines personnes se retrouvent directement en soins intensifs lorsqu'elles sont infectées par le Covid et doivent être intubées. Pendant ce temps, d'autres ne remarquent pratiquement aucun symptôme. Jusqu'à présent, la raison à cela n'était pas claire. L'une des plus grandes études génétiques jamais réalisées, avec des données provenant de 19 pays et de plus de 50 000 patients atteints du Covid, a permis de découvrir que treize variantes de gènes mutés sont responsables de ces évolutions graves. Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Nature.
Si certains gènes n'augmentent que légèrement la probabilité d'hospitalisation, d'autres sont, quant à eux, associés à un risque massivement plus élevé. Les mutations sur les chromosomes 3 et 19 sont particulièrement graves et ont des conséquences graves. Les porteurs d'un seul variant génique de ce type ont un risque tout aussi grand d'évolution grave de la maladie que les patients en surpoids. En combinaison, la probabilité augmente encore.
Les mécanismes biologiques sous-jacents ne sont pas encore compris en détail. Mais ceux qui ont déjà fait l'objet de recherches peuvent être utilisés pour développer de meilleurs médicaments. Car désormais, les scientifiques savent exactement où les thérapies optimales doivent commencer.
L'étude a, par exemple, montré que chez de nombreux patients présentant une évolution sévère de la maladie, le gène TYK2 situé sur le chromosome 19 est différent. Sa tâche consiste à favoriser la production de substances tueuses de virus. Cependant, en raison d'une mutation, la protéine qui lui est associée est hyperactive et provoque une suractivation du système immunitaire. Les porteurs du TYK2 altéré deviennent donc particulièrement malades en cas d'infection par le Covid.
Grâce à ces nouvelles découvertes, les scientifiques peuvent désormais administrer des médicaments qui bloquent la protéine TYK2 hyperactive, par exemple, le baricitinib, qui a déjà été autorisé pour le traitement des rhumatismes. Une telle thérapie ciblée fonctionne mieux que l'utilisation de médicaments conventionnels et non spécifiques. Cela a déjà été prouvé dans une étude expérimentale anglaise qui a identifié les bloqueurs de TYK2 comme un médicament efficace contre le Covid, par hasard, il y a quelques mois.
Dans les hôpitaux suisses, le baricitinib est également utilisé contre le Covid, avec trois autres substances qui agissent sur le système immunitaire. Cependant, le baricitinib ne s'est pas encore imposé comme la référence, en partie parce que son mécanisme d'action était inconnu.
«Grâce à l'étude génétique, des traitements médicamenteux beaucoup plus ciblés sont possibles», résume Sven Cichon, responsable de la génétique médicale à l'hôpital universitaire de Bâle. Le professeur explique:
Les médicaments n'ont donc pas la même efficacité pour tous les patients. Selon Cichon, il serait donc concevable à l'avenir de proposer une gamme de médicaments et de faire la sélection sur la base de la génétique.
Pour pouvoir proposer des thérapies sur mesure, les médecins devraient recueillir des informations génétiques sur leurs patients. Pour cela, il faudrait qu'ils puissent faire analyser des échantillons de salive ou de sang en laboratoire, mais cela coûte cher et nécessite des capacités d'analyse qui ne sont pas encore disponibles en Suisse aujourd'hui.
Les résultats de l'étude Nature permettent toutefois d'identifier les patients à risque avant même qu'ils ne tombent malades. En plus d'autres données de santé telles que l'âge, le sexe et l'état nutritionnel, les données génétiques peuvent être utilisées pour déterminer ce que l'on appelle des tests de score de risque. Ces derniers prédisent la probabilité d'évolution grave de la maladie.
Le premier test de ce type a été mis au point en Inde. Entre-temps, plusieurs entreprises occidentales ont proposé des offres similaires. Depuis le début du mois de juin, la société australienne Genetic Technologies propose un test de dépistage du risque Covid. Selon le fabricant, les capacités pour environ 100 000 tests par jour sont disponibles aux États-Unis, et un pronostic coûte environ 200 dollars.
Sven Cichon, de l'Université de Bâle, estime que le test est, en principe, une option valable, notamment pour les sceptiques du vaccin: «si quelqu'un a peur de la vaccination et du virus en même temps, un test de risque serait une option à l'avenir. Même si l'on ne peut pas faire de prédiction à cent pour cent, une partie des personnes à risque pourraient, au moins, devenir attentives au risque qu’elles prennent». Certaines se prononceraient alors probablement en faveur de la vaccination.
L'un des obstacles à cela est le coût. Les personnes intéressées doivent payer elles-mêmes les tests. Selon Jonas Montani, porte-parole des médias, l'Office fédéral de la santé publique ne prévoit pas pour l'instant d'inclure les tests de risque dans la campagne de vaccination. Toutefois, Jonas Montani précise que «l'OFSP et la Commission fédérale pour les questions de vaccination suivent de près les dernières avancées et examinent en permanence les adaptations éventuelles».
Les experts ne s'accordent pas sur l'utilité réelle des tests de prédiction des risques. Anita Rauch, professeure de génétique médicale à l'Université de Zurich, les critique parce qu'ils ne fonctionnent pas encore de manière égale pour tout le monde. La professeure explique:
La professeure met en garde contre une trop grande confiance dans les tests car des mutations très rares et inconnues pourraient leur échapper.
Sven Cichon, de l'université de Bâle, est du même avis: «la nouvelle étude de Nature a également utilisé des données provenant d'Asie et d'Afrique, mais leur part est assez faible. Afin de pouvoir réaliser des tests de prédiction du risque plus fiables dans ces groupes de population, des études génétiques supplémentaires sont nécessaires dans ces régions».
Le manque de données fiables en Afrique est particulièrement problématique car les différences génétiques entre les différents groupes ethniques de la population y sont particulièrement importantes, et donc la probabilité de gènes à risque également.
Les tests de prédiction des risques ne sont donc pas une solution miracle dans la lutte contre la pandémie. Mais, au moins à petite échelle, ils pourraient faire une différence décisive en matière d'immunité collective parmi les sceptiques du vaccin et constituer un pas de plus vers la médecine personnalisée. (saw/ch media)
Article traduit de l'allemand par Anne Castella