Pour Donald Trump, le procès qui se déroule actuellement à New York est de plus en plus désagréable. L'ancien magnat de l'immobilier et star de la télé-réalité a dû comparaître cette semaine encore devant le tribunal pénal de la ville. Il est accusé d'avoir acheté le silence de deux stars du porno, avec lesquelles il aurait eu une relation.
L'ex-président a suivi les interrogatoires des témoins, qu'il a férocement critiqués. Ils ont révélé plusieurs détails embarrassants. L'intervention de Keith Davidson, en particulier, était très attendue. L'avocat est considéré comme un témoin clé par le ministère public. Son interrogatoire a commencé mardi et s'est poursuivi jusqu'à jeudi.
Le récit de Davidson a suscité l'intérêt du juge Juan Merchan, président du tribunal, et du jury. L'avocat a représenté l'actrice pornographique Stephanie Clifford, plus connue sous son nom de scène «Stormy Daniels». Il a aussi défendu l'ancien mannequin de Playboy, Karen McDougal. Il a notamment raconté comment il avait servi de médiateur entre le camp Trump et le tabloïd National Enquirer pour négocier un accord de silence pour chacune des deux femmes en 2016. Car celles-ci auraient eu des relations sexuelles avec le milliardaire.
A la barre, Davidson s'est d'abord contenté d'évoquer «l'interaction personnelle que Karen [McDougal] entretenait avec Donald Trump». Lorsque le procureur adjoint Joshua Steinglass lui a demandé ce qu'il fallait entendre exactement par là, Davidson a répondu:
Cette relation avait-elle un caractère sexuel? «C'est ce qu'elle a exprimé», affirme l'avocat.
L'affaire remonte certes à 2006, mais Davidson n'a joué les médiateurs qu'en 2016, à une période extrêmement sensible pour le républicain: celle de la campagne présidentielle. L'objectif était apparemment d'empêcher que Clifford et McDougal aillent se confier dans les médias, nuisant ainsi massivement à l'image du candidat d'alors. L'avocat a donc offert à la rédaction du National Enquirer les droits sur les histoires des deux femmes, en échange de leur silence.
Le plus fou dans tout cela, c'est que le journal à sensation n'était pas du tout intéressé par la publication de ces aventures scandaleuses. Elles semblaient plutôt destinées à finir au placard. Cela reste somme toute complètement dans l'esprit du camp Trump, dont l'ancien avocat Michael Cohen, également appelé à témoigner, a négocié pour acheter le silence de ces actrices dérangeantes. C'est en effet lui qui a versé 130 000 dollars à Stephanie Clifford.
Le National Enquirer appartient à l'empire médiatique American Media Incorporated (AMI), dont l'éditeur David Pecker est un proche de Trump. L'intérêt du rédacteur en chef de l'époque, Dylan Howard, pour l'acquisition des droits, ne s'expliquait alors que par la volonté d'étouffer ces affaires. Ce que Pecker, le patron de l'AMI, avait en tête, c'était probablement de rendre service à son ami.
Une autre question soulevée lors du procès à New York concernait le moment exact de la liaison avec McDougal. Le procureur lit un message texte que le journaliste du tabloïd a envoyé à Davidson:
Il poursuit:
L'avocat répond:
Plus tard, au cours de l'interrogatoire, Davidson admet qu'il a retenu l'information pour faire monter le prix de l'accord.
Karen McDougal affirme que la relation date de 2006, ce que Trump nie. Il s'est en effet marié en 2005, et il a jusqu'à présent toujours nié que cela se soit passé après son union. Stephanie Clifford, elle aussi, indique que les faits remontent à 2006. L'ex-président conteste toutefois avoir eu la moindre relation avec l'actrice. McDougal a finalement reçu 150 000 dollars pour avoir cédé les droits de son histoire à AMI.
Selon les observateurs du procès, Trump s'efforce visiblement de dissimuler son malaise. Il fait régulièrement la grimace, se laisse aller à des gestes désobligeants ou semble tout simplement s'être endormi dans la salle d'audience. Non seulement le juge Juan Merchan le rappelle souvent à l'ordre, mais il s'est déjà vu infliger plusieurs amendes par le tribunal pour avoir dénigré des témoins et des jurés sur les médias sociaux pendant le procès.
Le 9 octobre 2016, soit environ quatre semaines avant les élections américaines, Davidson contacte à nouveau Howard pour conclure l'accord avec sa cliente. Il fait référence à un post sur le site thedirty.com qui concernait la prétendue liaison de Clifford avec Trump. La campagne électorale est dans une phase décisive. Le journaliste répond à l'avocat que si «Stormy Daniels parle, ce sera le dernier clou du cercueil du milliardaire».
Lorsqu'il a remporté la présidence à la surprise générale en novembre 2016, Davidson a envoyé un SMS à Howard le soir de l'élection: «Qu'est-ce qu'on a fait?». Howard s'est contenté d'un: «Oh mon Dieu!»
(Traduit et adapté de l'allemand par Valentine Zenker)