On devait tout ce fatras à Kristi Noem. Mais aussi au Guardian, qui révélait l'affaire il y a six mois. La gouverneure du Dakota du Sud a froidement tué Cricket, son chiot âgé de 14 mois, en raison d'une «personnalité agressive». Une fois n'est pas coutume, cette frasque n'avait pas été déterrée par un ennemi politique, mais par Kristi Noem herself, dans ses mémoires à paraître.
Vous l'aurez compris, son jeune braque à poils durs, supposé chasser le faisan une fois adulte et dressé, ne fut pas la seule victime de la cow-girl républicaine de 52 ans. Une chèvre, «méchante», «pas castrée», qui fouettait «le musc et le rance» et «s'attaquait aux enfants» a, elle aussi, pris une balle dans la tête. Cette surprenante confession avait retourné l’estomac des Américains à l’époque. Selon une étude réalisée par un institut de sondage démocrate (New River Strategies), 81% des citoyens désapprouvaient le «meurtre du chiot de Noem».
Ce n'est pas un scoop, l'animal mignon suscite une empathie souvent plus tenace et convulsive que n'importe quel être humain. Or, ici, l'émotion n'est pas le seul leitmotiv de ses nombreux détracteurs, puisque Kristi Noem était pressentie pour devenir la colistière du candidat Trump. Et la seule question qui faisait les gros titres était la suivante:
Il n'en fallait donc pas plus pour que tout le parti démocrate, rebaptisé «Dogmocratic Party» le temps d'un communiqué unanime et ulcéré, affiche ses chiens sur les réseaux sociaux, à l'appel du futur colistier Tim Walz. Joe Biden et Kamala Harris poseront, eux aussi, fièrement avec les leurs, en précisant qu'ils sont «parés pour le week-end».
Si JD Vance a finalement piqué le job pour lequel elle était pressentie, Kristi Noem a été nommée secrétaire à la Sécurité intérieure, cette nuit, par un Donald Trump qui n’a donc pas été tant ému par la mort de Cricket. Ce qui compte par-dessus tout pour le futur président des États-Unis, c’est la loyauté. Dès 2025, elle aura ainsi en charge un département fédéral tentaculaire à 60 milliards de dollars et 230 000 employés. Missions? Douanes, contrôles aux frontières, immigration, catastrophes naturelles humaines.
Cerise sur le gâteau, c’est elle aussi qui sera chargée de chapeauter le Secret Service, très critiqué et surveillé depuis la tentative d’assassinat contre Donald Trump.
Tout un programme.
Au-delà de l’exécution de son chiot, la farm-girl passionnée de rodéos n'en est pas à sa première controverse volontairement politisée. En décembre 2022, alors que le Dakota du Sud croule sous les flocons et les températures négatives, Kristi recevra un lance-flammes pour Noël. L'épilogue d'un long désir exprimé une première fois deux ans plus tôt: «C'est trop tard pour rajouter un truc à ma liste de cadeaux?», demandait-elle d'un air narquois, sur Instagram, où l'Amérique la découvrait avec un imposant lance-flammes entre les mains.
Kristi Noem plays with the Christmas gift given to her by her staff. pic.twitter.com/7EImmFbwXQ
— Ron Filipkowski (@RonFilipkowski) December 26, 2022
Un message entendu par ses employés, qui lui offriront l'engin flanqué d'une dédicace sous la gâchette. Pour Noem, ce sera l'occasion de clamer qu'elle est «la seule candidate républicaine capable de porter le flambeau MAGA», se qualifiant du même coup de «meilleure gouverneure de toute l'Amérique». Evidemment pro-gun, la première femme gouverneure de l'histoire de son Etat poussait ainsi le bouchon plus loin que les nombreuses élues ultraconservatrices qui se mettent déjà en scène avec un flingue. A l'époque déjà, les républicains plus modérés hurlaient à la provocation de trop.
Elue une première fois gouverneure en 2018, après une décennie passée au Capitole comme discrète représentante de la Chambre, Kristi Noem se montre chaque année plus clivante. Depuis qu'elle trumpise sa politique et ses apparitions médiatiques, même les républicains du Dakota du Sud se montrent partagés. Certains lui reprochent d'ignorer les problématiques de son propre Etat, trop attirée par une carrière nationale qui, malgré le foin que la quinqua est capable de susciter, n'a pas décollé plus tôt.
En quelques petites années, on lui reprochera aussi d'être intervenue de manière cavalière pour que sa fille Kassidy décroche un job et une liaison extraconjugale avec Corey Lewandowski, l'ancien directeur de campagne de Donald Trump. Des «conneries puantes», se contentera de réagir la principale intéressée, malgré tout ravie de squatter l'actualité «de tout le pays», analysera le Washington Post.
La plupart des faits et gestes de Kristi Noem se cognent contre les bonnes mœurs dont elle se réclame. Cette proud mum de trois enfants, chrétienne pur jus au point de «craindre Dieu», fiche à chaque fois un peu plus le bordel dans les grandes valeurs républicaines. Même le discret Byron, son époux depuis plus de trente ans et «Proud First Gentleman de Madame la gouverneure», peine à contenir la bête.
En début d’année, le New York Times s’était penché sur «la Trumpification de Kristi Noem». Une transformation consciente, flagrante, déroulée étape par étape et entamée quelques années plus tôt. Tous semblent d'accord pour dire que c'est le milliardaire républicain qui est visé.
Dernier palier en date? Ses nouvelles dents. Très blanches et... très controversées, puisque la gouverneure aurait joué à l'influenceuse pour une clinique dentaire basée au Texas: «Elle montre à Trump qu’elle sait bosser devant la caméra, qu’elle a ce truc de star hollywoodienne qu’il souhaite sur scène avec lui. Elle ressemble pratiquement à un membre de sa famille. Une cousine?», analyse le stratège républicain Ron Bonjean.
Une transformation physique, mais surtout politique, qu'elle a démarrée en 2020, en s'opposant à toutes les mesures anti-Covid du gouvernement. Résultat, le Dokota du Sud accusait l'un des taux de mortalité les plus élevés du pays. Ce qui n'avait pas durablement écorné sa popularité.
Quand le bouquin de cette nouvelle lieutenant du 47e président des Etats-Unis, et dans lequel elle avait confessé l’exécution de Cricket, Donald Trump l’avait décrit comme «l'histoire percutante d'une vie très intéressante». Sa ténacité et son allégeance totale auront fini par payer: Kristi Noem s’apprête à entrer à la Maison-Blanche par la grande porte.