Le FBI suit des règles strictes dans tout ce qu'il fait. C’est aussi le cas lors d'une perquisition, et notamment d'une perquisition très particulière, à savoir chez l'ex-président Donald Trump. L'une de ces règles stipule que tout ce qui est trouvé doit immédiatement être photographié. C'est ce qui s'est passé le 8 août lorsque les agents du FBI ont frappé à la porte de Mar-a-Lago, la résidence de Trump à Palm Beach, en Floride.
Lors de cette opération, le FBI a trouvé 15 boîtes contenant des éléments que l'ex-président aurait dû, selon la loi, remettre aux archives nationales. Elles contenaient plus d'une centaine de documents classés «secrets», dont 25 étaient même «top secret». Les agents ont également photographié ces documents, comme le veut la règle.
Ces photos ont été publiées. On y voit des documents posés au sol avec des pages de garde rouges («secret») et jaunes («top secret»). Il est ainsi évident que l'ex-président n'était pas seulement en possession de documents qui ne lui appartiennent pas, mais qui appartiennent au public.
Les photos qui viennent d'être publiées par le ministère de la Justice prouvent une fois de plus une vieille maxime du journalisme: «une image vaut mille mots». Mais comment en est-on arrivé là ? Ironie du sort, Trump est tombé dans un piège qu'il avait lui-même tendu. Mais reprenons les choses dans l'ordre:
Trump et ses avocats tentent par tous les moyens de rendre la vie difficile au FBI et au ministère de la Justice et d'entraver, voire d'empêcher le plus longtemps possible l'exploitation de ces documents. C'est pourquoi ils ont déposé une requête auprès du tribunal dans laquelle ils demandent qu'une personne indépendante - un «Special Master» - examine d'abord si ces documents peuvent réellement être consultés par le FBI ou s'ils sont protégés grâce à l'«executive privilege» du président.
Or ce n'était pas une bonne idée. Une juge nommée par Trump a fait savoir qu'elle n'était pas hostile à ce prestige, mais a exigé au préalable une prise de position du ministère de la Justice. Elle a ainsi ouvert une large porte au ministre de la Justice Merrick Garland pour qu'il s'explique et celui-ci ne s'est pas fait prier deux fois.
Sur 36 pages, le ministère de la Justice a expliqué pourquoi la perquisition n'était pas seulement nécessaire, mais aussi légale, et pourquoi la mise en place d'un Special Master était absurde, puisque les clarifications demandées avaient déjà été effectuées. Et cerise sur le gâteau: les photos en question ont été jointes à cette prise de position.
Trump a ainsi été neutralisé de manière classique. Preet Bahara, l'ancien chef du Southern District of New York - le procureur le plus sévère des Etats-Unis - a déclaré laconiquement au «New York Times» : «L'équipe de Trump n'a pas vraiment obtenu ce qu'elle espérait».
Il ressort également de la prise de position du ministère de la Justice que les avocats de Trump ont menti sur toute la ligne. Ils ont en effet déclaré à un représentant du ministère de la Justice qu'ils avaient fouillé toutes les pièces de Mar-a-Lago et n'avaient rien trouvé. Alors que les agents du FBI sont tombés en quelques heures sur les documents en question. Les avocats de Trump doivent donc désormais s'attendre à être appelés à témoigner, voire à être inculpés.
Merrick Garland est un homme extrêmement pointilleux qui respecte scrupuleusement les règles. Il peut rire dans sa barbe du comportement maladroit de l'équipe Trump. Matthew Miller, un ancien porte-parole du ministère de la Justice, l'a formulé comme suit au New York Times.
Merrick Garland a toutefois un problème. Doit-il ou non poursuivre Trump en justice? La probabilité d'une inculpation a considérablement augmenté, non seulement parce qu'il existe désormais des preuves claires, mais aussi parce que Trump et ses partisans se comportent de manière idiote.
Le ministre de la Justice se trouve donc dans une situation similaire à celle de Nancy Pelosi récemment. Lorsque la chef de la majorité démocrate à la Chambre des représentants avait annoncé son intention de se rendre à Taiwan, on aurait pu discuter du bien-fondé ou du non-sens de cette visite. Mais après les menaces massives du gouvernement chinois, Pelosi n'a pas pu faire autrement que de se rendre à Taipei.
Une telle inculpation n'aura toutefois très probablement pas lieu avant les élections de mi-mandat du 8 novembre. En effet, une loi non écrite de la politique américaine stipule qu'une telle démarche ne serait pas opportune 90 jours avant une élection.
Il est possible que les démocrates n'aient pas intérêt à une telle accusation. Le climat politique s'est dramatiquement retourné en leur faveur. Ils ont remporté de grands succès au Congrès et, parallèlement, le prix de l'essence, si important sur le plan politique, baisse depuis des semaines.
Ce sont donc désormais les démocrates qui ont pris l'offensive. Le président Joe Biden attaque durement les républicains et s'en prend personnellement à l'ex-président. Il qualifie Trump et la cohorte du mouvement «Make America Great Again» de «semi-fascistes». On s'attend même à ce que Biden en rajoute une couche aujourd'hui dans un discours de fond sur la démocratie.
Les républicains, en revanche, sont sur la défensive et voient leurs chances de victoire s'éloigner. L'arrêt de la Cour suprême sur l'avortement leur fait beaucoup plus de mal que prévu. De nombreux candidats du Grand Old Party ont donc nettoyé leur site web et édulcoré leur prise de position sur la question de l'avortement.
De plus, l'atout le plus fort des républicains, à savoir une inflation plus élevée que prévu, ne fait plus le poids. L'inflation est elle aussi en baisse. La plus grande préoccupation des Américains est désormais l'état de la démocratie, comme l'a récemment révélé un sondage de la chaîne de télévision NBC.
Les républicains perdent donc aussi des sièges qu'ils pensaient acquis. Ainsi, Sarah Palin vient de s'avouer vaincue. L'ancienne candidate au poste de vice-présidente a été battue à la surprise générale par son adversaire démocrate lors d'une élection partielle. C'est la première fois que les démocrates ont pu gagner un siège à la Chambre des représentants en Alaska.
Et que fait Trump dans tout ça? Il se plaint, comme d'habitude. Le FBI a donné une impression complètement fausse avec les photos publiées, communique-t-il sur sa plate-forme Truth Social. Dans le même temps, il poste des messages de manière presque maniaque sur son concurrent Twitter, mais n'atteint ainsi que ses fans les plus fervents.
Oui, et la plateforme de Trump va mal elle aussi. Il a donc retweeté à plusieurs reprises des messages de QAnon, dans l'espoir d'attirer un peu plus de trafic sur Truth Social. Ce faisant, il ne fait que renforcer la folie des républicains.
(traduit de l'allemand par Anne Castella)