Juillet 2006, hôtel-casino Harrah's, sur les rives sud du lac Tahoe. Au milieu d'un tournoi de golf réservé aux célébrités et autres VIP, une jeune actrice porno, Stormy Daniels, 27 ans, vagabonde. Son studio a sponsorisé l'un des trous du parcours. Elle nourrit l'espoir d'élargir son réseau et d'échapper à l'ennui de ce séjour entouré de ses collègues de travail.
Bingo. Sur le green, Stormy Daniels fait la connaissance d'une vedette de la télé-réalité. Un magnat de l'immobilier new-yorkais de 59 ans, au visage hâlé familier et à la chevelure blonde déjà iconique. Donald Trump. Ils échangent quelques mots, il souffle qu'il la trouve «intelligente». Et finit par la convier à le rejoindre dans sa suite le soir même, pour un dîner en tête-à-tête.
La suite, Stormy Daniels l'a répétée à nombreuses reprises. Dans une autobiographie d'abord, puis en interview, et tout récemment lors d'une comparution au tribunal de district de Manhattan, en qualité que témoin dans le «procès du paiement silencieux».
Ce soir de 2006, Donald Trump lui aurait ouvert la porte vêtu d'un pyjama en satin. Un accoutrement à la Hugh Hefner, le patron de Playboy, qu'elle lui ordonne de retirer pour une tenue digne de ce nom. Son hôte s'exécute de bonne grâce.
Autour du repas, la conversation est bizarre, mais franche. Entre deux bouchées et confessions (il ferait chambre à part avec sa récente épouse, Melania), le milliardaire se montre intrigué par les aspects financiers du porno. Davantage, d'ailleurs, que son côté salace. Ses questions sont «réfléchies», «c'était très cool», se souviendra Stormy Daniels, 18 ans plus tard.
Le dîner terminé, la jeune femme se rend aux toilettes, soulagée de mettre fin à ce date avec un homme très «imbu de sa personne» qui ne cesse de lui couper la parole. Lorsque Stormy Daniels ressort du cabinet, Donald Trump est là. Allongé sur le lit, en simple T-shirt et caleçon. Comme un barrage entre elle et la sortie.
L'actrice insiste pour s'en aller, il la retient. «Pas de manière menaçante», précisera-t-elle à la barre. La jeune femme procède à un rapide calcul mental. Elle sait qu'il est plus grand qu'elle. Plus fort qu'elle. Elle sait aussi qu'elle finira dans ce lit. Pour détendre l'atmosphère, Donald Trump lui glisse sous le nez un magazine dont il vient de faire la couverture. «Tu as vu?» demande-t-il. Son invitée réplique:
Et c'est ainsi que, face à la perspective de voir sa convive s'en aller, Donald Trump enroule le magazine et le lui tend. «Alors, je le lui ai pris et je lui ai dit: Retourne-toi. Et je l'ai frappé». Où? demandera le procureur. «Juste sur les fesses.»
Au milieu d'un procès riche en explications juridiques arides et anecdotes de journalistes, ce témoignage était très attendu. Autant dire qu'il n'a pas déçu. Car même si toute l'affaire porte sur une présumée falsification de dossiers commerciaux, la vie sexuelle de Donald Trump est un sujet bien plus intrigant. Certainement bien plus que ce que voudrait le principal intéressé.
Pas faute pour lui de s'être longtemps vanté de son tableau de chasse. Une réputation de conquérant et d'«homme à femmes» qu'il a travaillé très jeune, dès son passage par une école militaire non mixte, où il aimait impressionner ses copains en se promenant avec de jolies filles au bras.
Une habitude qu'il a conservée toute sa vie. Dans la fin des années 80, à New York, Donald Trump est encore le célibataire le plus éligible en ville. Sexy, charmant, amusant. «En fait, beaucoup de femmes lui couraient après», reconnait Mary Jordan, autrice d'une biographie sur Melania Trump, au Washington Post. «Il n'était pas encore la personne qui divise et polarise que nous connaissons maintenant.»
Contrairement à la plupart des businessman de la Big Apple, le magnat immobilier «n'exige généralement pas grand-chose» des femmes qui l'accompagnent. A l'exception d'être attractives. Le milliardaire est littéralement obsédé par la beauté. Au point d'en faire un tic verbal, dans ses discours comme dans ses bouquins. Il y passe presque autant de temps à parler des femmes avec lesquelles il n’a pas couché, que de celles avec qui il a conclu.
Et quand c'est le cas, il aime à le crier sur tous les toits. C'est à lui qu'on doit cette Une historique du New York Post, pour clamer sur toute la ville que Marla Maples, sa seconde épouse, considérait leur relation comme «le meilleur sexe qu'elle ait jamais eu». Ainsi qu'un certain lot de punchlines iconiques. Comme le fait d'avoir eu tellement de relations sexuelles qu’avoir évité les maladies sexuellement transmissibles était son «Vietnam personnel».
Trump prend aussi un soin particulier à se vanter des femmes mariées ou célèbres qui se sont «jetées sur lui». De Madonna à la patineuse artistique olympique Katarina Witt, ce bourreau des cœurs autoproclamé est catégorique; il aurait refusé toutes les avances. «Je n'ai jamais eu de problèmes au lit», écrit-il en toute modestie.
Reste que, au fil des ans, près d’une vingtaine de femmes ont accusé publiquement Donald Trump de comportements déplacés ou d’agressions sexuelles. Candidates de The Apprentice, prétendantes au titre de Miss America ou de Miss Univers, simples rencontres fortuites - et même son ex-femme, Ivana Trump, qui s'est ensuite rétractée. Plus rares sont celles à avoir mené des poursuites judiciaires, à l'exception de la journaliste E. Jean Carroll.
Au fil des scandales, le playboy sexy a viré vers un truc beaucoup moins glamour. Voire sordide. Il y a eu la fameuse vidéo de 2005 se vantant de «saisir les femmes par la chatte». Ses commentaires gênants sur le physique de sa propre fille, Ivanka. Ses remarquables graveleuses à la pelle. A l'ère post-MeToo, la réputation du séducteur a laissé place à celle d'un vieux libidineux à la peau orange et à la tignasse jaune d'œuf.
Le récit de Stormy Daniels dans son livre, en 2018, n'a pas aidé. De son pénis «inhabituel», «plus petit que la moyenne», mais «pas terriblement petit», à la comparaison avec «une énorme tête de champignon. Comme un champignon vénéneux». «Je suis restée allongée là, ennuyée de me faire baiser par un mec avec un pubis de Yéti et une bite comme le personnage champignon de Mario Kart...», raconte-t-elle.
Autant de détails scabreux qui rendent difficiles d'imaginer une vie sexuelle saine et épanouie au sein de son propre couple. Impossible, évidemment, de savoir ce qui se passe dans le secret de la chambre avec Melania Trump. D'autant que l'ancien président et sa troisième épouse feraient lit à part, selon de nombreux membres du personnel de la Maison-Blanche, femmes de ménage et personnes les ayant côtoyés de près.
Une chose est sûre, selon la biographe Mary Jordan: Melania ne s'est jamais fait d'illusions sur la fidélité de son mari, trois fois marié et au penchant assumé pour l'adultère (la monogamie dans le mariage n'est pas la «valeur familiale» la plus importante à ses yeux, écrit-il dans The America We Deserve, en 2000).
Et lorsqu'elle est offensée par les longs articles sur les infidélités avec Stormy Daniels et Karen McDougal, tout juste Donald Trump doit-il s’attendre à une indifférence glaciale.
Malgré les frasques, il se dit que Donald Trump aime profondément sa femme. Et les initiés glissent qu'elle ressemble plus à son époux que beaucoup ne le pensent. Elle n'aurait d'ailleurs pas hésité à couper court aux plaisanteries de ses amis sur la taille du pénis de son mari: «Ne dites pas ça, c'est un vrai homme», aurait-elle protesté de son accent ronronnant.
Charmeur de première, prédateur dangereux, menteur pathologique... Quel que soit le rapport de Donald Trump avec le sexe, une chose est sûre. Comme pour tout autre chose, il est avant tout transactionnel.