Certains emménagent en Floride pour son climat, d'autres pour vivre au plus près de Donald Trump. C'est sans doute la seconde option qui a convaincu Todd Blanche. Pourtant, à New York, l’ex-procureur fédéral du district sud avait tout ce dont il pouvait rêver. Un poste lucratif dans le plus prestigieux et le plus ancien cabinet d'avocats de Wall Street. Une réputation sans tache. Des collègues. Des amis.
Ce qui explique peut-être leur choc lorsque, il y a un an, ce New-Yorkais pure souche de 49 ans annonce qu'il rejoint l'équipe juridique de Donald Trump. Un client réputé pour ses défauts de paiement et changer d’avocat comme de chemise. Et comme un nouveau job ne suffit pas, ce démocrate enregistré rallie les rangs du Parti républicain et fait ses cartons pour Palm Beach, tout près du domaine de Mar-A-Lago. Plus commode, pour rendre visite au patron.
Un changement de trajectoire aussi brutal qu'inattendu qui suscite, encore aujourd'hui, son lot de commentaires et de haussements de sourcils. En privé, glisse le New York Times, dans l'atmosphère feutrée des soirées mondaines et des réunions informelles, beaucoup de proches peinent encore à comprendre pourquoi cet homme réputé discret, loyal, bosseur acharné et «soucieux de l'ordre public», a bouleversé sa vie et risqué sa carrière pour un énergumène comme Donald Trump.
Ce serait oublier que Todd Blanche gravite depuis moment dans l'orbite de l'infréquentable milliardaire. Grand spécialiste de la fraude, qu'elle soit fiscale, banquière, hypothécaire ou électronique, il a défendu Paul Manafort, l'ancien président de la campagne Trump, et un conseiller itinérant, Boris Epshteyn. Ce qui lui a valu de tomber dans l'oeil du boss. Donald Trump lui donne alors une mission: jouer des coudes et des contacts pour lui dégoter le meilleur avocat de New York pour son futur procès pénal à Manhattan.
L'avocat s'exécute, multiplie les coups de fil. A son grand désarroi, aucun de ses anciens collègues du bureau du procureur ou des meilleurs cabinets en cols blancs de la ville n'accepte de se frotter à un client aussi controversé et combatif. Todd Blanche comprend vite. Il faudra qu'il assume le travail lui-même. Son sens de la justice et sa mallette sous le bras, il claque la porte de son cabinet, trop frileux pour le soutenir dans ce projet, et se lance à son compte.
La stratégie de Todd Blanche, qu'il peaufine depuis près d'un an, est d'une simplicité enfantine: faire blocage. Nier, nier, nier, encore et encore. Et surtout, retarder les échances le plus longtemps possible. Un pari risqué, qui lui a valu le courroux du juge en charge de l'affaire et qui n'a pas empêché l'ouverture du procès historique, ce lundi, à New York. Une méthode qui pourrait très coûter cher à Donald Trump, lorsque tombera le verdict.
Ce qui n'empêche pas le candidat républicain d'être satisfait. S'il n'affuble pas encore Todd Blanche du doux surnom de «combattant», dont il aime à qualifier ses avocats les plus féroces, il se murmure que leur «lune de miel» dure toujours. Une complicité qu'on a encore pu noter dans la salle d'audience, cette semaine, où les deux hommes ont partagé des «conversations animées» et une proximité physique «presque intime».
Gage de cette confiance, Todd Blanche représente désormais Donald Trump dans trois des quatre affaires pénales qui lui traînent aux baskets. Une grosse pression, mais le jeu en vaut la chandelle. Ce compétiteur dans l'âme, qui compte trois courses Ironman à son actif, n'est plus un avocat perdu parmi les milliers d'autres que compte New York. Il est en charge de l'affaire pénale la plus importante du pays.
Et si Todd Blanche aime à répéter qu'il ne vise pas de poste dans une seconde administration Trump (à l'exception peut-être, pour la blague, d'un poste d'«ambassadeur en Italie»), nombreux sont ceux à penser que cet ambitieux ne cracherait pas sur la direction de son ancien bureau, le district sud. Après tout, pourquoi se gêner? Jusqu'à présent, ses paris sur l'avenir se sont révélés aussi risqués... que payants.