Ne vous fiez pas à ces biceps en acier trempé, ces pommettes saillantes taillées au scalpel, ces boucles platines forgées au fer et ces sourcils tracés au cutter. Derrière cette apparence dure et peu engageante, Lara Trump a l’air d’une meuf sympa. Tout bêtement.
Deux heures d'interview avec elle, c'est se retrouver bercé par une voix girly un brin rauque, à l'accent américain marshmallow réconfortant. Une sorte de crépitement joyeux qui vous donne envie de la croire sur parole. Même lorsqu’elle affirme qu'elle a des amis démocrates (au début, «c'était dur»), qu'elle éduque ses enfants en les faisant sortir les poubelles («même s'ils s'appellent Trump»), que son célèbre beau-père est une «bonne pâte» et que la toute nouvelle co-présidente du Comité national républicain n'oublie «jamais d'où elle vient».
C'est-à-dire de Wrightsville Beach, Caroline du Nord. Une jolie maison au bord de la mer, où ses parents, deux entrepreneurs, vivent toujours. Avant de venir garnir les rangs de la famille la plus célèbre d’Amérique, celle qui est née Lara Lea Yunaska, en 1982, l'admet volontiers: dans la vie, elle a toujours eu tout ce dont elle avait besoin - et pas ce qu'elle veut. Après avoir été couverte d'amour, de cours de football, d'équitation et de diplômes, ce que veut vraiment la blonde aux abdos d'acier, c'est monter à New York.
Et devenir journaliste sportive.
Enfin, pas que. Entre deux stages pour des journaux télévisés, Lara est aussi un «Hooters girl» pendant quatre ans, mannequin (son porte-folio est encore en ligne), coach sportive personnelle, marathonienne ou encore pâtissière. Une passion telle qu'une fois installée à Big Apple, Lara étudie à l'Institut culinaire français et commercialise ses propres gâteaux «big boobs» sur son site internet. Le catalogue de son entreprise, Lara Lea Confections, est (lui aussi) toujours accessible.
Sa première rencontre avec le troisième enfant du milliardaire Donald Trump, Eric de son prénom, est totalement fortuite. Un soir de 2008, à New York, Lara est de sortie avec des amis lorsqu'elle remarque un gaillard plus grand qu'elle. Un signe prometteur. Surtout pour les standards de cette blonde d'1m71, perchée sur des talons de 12 centimètres.
Un rendez-vous romantique au restaurant plus tard, et les voilà inséparables. Le couple «le plus normal et le moins controversé» de la dynastie Trump - du moins, jusqu'à ce qu'Eric se retrouve à son tour empêtré dans le procès pour fraude qui cible aujourd'hui l'empire familial.
Il faudra deux ans supplémentaires pour qu'Eric cède aux supplications de sa chérie et accepte d'adopter Charlie. Un beagle qui, en 2014, au bout de très exactement 5 ans et 2 jours de relation, sera chargé de porter les alliances de ses maîtres jusqu'à l'autel. Un mariage qui fut à deux doigts d'être annulé. Deux semaines avant les noces, la cavalière chevronnée se cassera les deux poignets lors d'une sortie à cheval.
Il en faudrait davantage pour décourager Eric et Lara qui, finalement, se marient comme prévu devant 450 invités. Les plâtres de Lara n'altèrent pas l'éclat de la robe meringue Vera Wang, ni le faste clinquant de cette cérémonie organisée sur le domaine paternel de Palm Beach, Mar-a-Lago. Et comme, chez les Trump, tout se fait en famille, le maître de cérémonie n'est autre que Jared Kushner, le mari d'Ivanka. Dans son discours, il prévient d'emblée la future mariée:
Jared Kushner ne croyait pas si bien dire. Lara se mue en «Trump girl» fervente et passionnée. Son beau-père, elle l'adore. Peut-être parce que, lors de leur première rencontre, lors match de tennis de l'US Open en 2008, le milliardaire a apaisé sa nervosité en lui offrant une glace. En tout cas, depuis, elle clame son amour sur chaque plateau télé où elle pose les talons. «Je me sens très chanceuse d'avoir un homme comme lui comme beau-père.»
N'en déplaise à la belle-fille, avant d'être père, grand-père ou beau-père, Donald Trump est avant tout un businessman sanguinaire. Un homme assoiffé de transactions qui mesure l'intérêt des membres de sa famille à leur talent pour promouvoir l’entreprise familiale - c'est-à-dire, lui-même.
Lara le fait. Et ambitionne très vite de démontrer son utilité. Sitôt beau-papa lancé dans la campagne présidentielle, en 2016, la jeune femme abandonne sa carrière de productrice sur la chaîne CBS pour se consacrer corps et âme à la campagne. Excellente communicatrice, habile dans l'art du contact, elle fonce jouer les ambassadrices sur ses terres d'origine.
Rebelotte en 2020. Et pour 2024, c'est un poste de contributrice sur Fox News qu'elle délaisse sans état d'âme pour aller prêcher la parole trumpienne. Entre un marathon, deux jeunes enfants, un commerce de casquettes MAGA personnalisées fluo et quelques photos de chiens partagées avec son million d'abonnés sur Instagram. Sans oublier l'écriture d'un livre pour enfants et deux chansons au succès... dirons-nous, mitigé.
Rien dans ce CV qui ne laisse toutefois présumer que Lara, qui aime s'auto-décrire comme l'«arme secrète» de Donald Trump, a l'expérience nécessaire pour devenir la nouvelle leader du parti républicain. Rien, à part peut-être une loyauté sans faille envers Donald Trump. Quelques allégations d'élection volée répétées docilement sur Fox News. Un lot de punchlines provocatrices lâchées sur des podcasts d'extrême droite. Ainsi qu'un certain talent pour prendre la pose avec des théoriciens du complot, prophètes évangéliques et autres personnalités américaines antivax.
Le résultat est le même. Le 8 mars 2023, Laura Trump se retrouve propulsée au sommet du Comité national républicain, en tant que vice-présidente. Un népotisme assumé et «un autre signe que Donald Trump cherche à obtenir des pouvoirs dictatoriaux», soupire David Cay Johnston, auteur de The Making of Donald Trump, au Times.
«Si son nom était Lara Spicer, je ne pense pas qu'elle en serait co-présidente», concède Sean Spicer, ancien attaché de presse de la Maison-Blanche et républicain de longue date. Mais la question est de savoir si elle peut faire le travail. Non seulement elle le peut, mais elle l'écrasera.»
Sean Spicer n'a peut-être pas complètement tort. Le job de co-président se résume essentiellement à servir de visage. Passer à la télévision. Faire du bruit et récoler des fonds. Une mission dans les cordes de Lara Trump, qui a d'ores et déjà posé un objectif ambitieux, celui de pêcher plus d'un demi-milliard de dollars avant les élections du 5 novembre, afin d'assurer la victoire de son beau-père. Comme elle le dit dans sa chanson, Anything Is Possible.
D'ailleurs, on ne résiste pas au plaisir de vous glisser ce nouveau morceau ici. En souhaitant à Lara Trump une carrière moins dissonante en politique... qu'en musique.