Il est 10h58, ce lundi, lorsque le bureau le plus célèbre du monde s'est retrouvé à poil. Nu. Privé de sa moquette bleue éclatante. Le président sortant, Joe Biden, se trouve alors encore dans le bâtiment - mais trop occupé à boire le thé avec son successeur pour s'en émouvoir. Ni pour assister au démontage épineux de certaines pièces de l'imposant Resolute desk, d'un poids estimé à 590 kilos, pour pouvoir y glisser le nouveau tapis.
A 15h30, tout est prêt pour son nouvel occupant - et qu'une poignée de journalistes du Wall Street Journal pénètre dans le tout frais Bureau ovale, afin d'en dévoiler un aperçu au bon peuple américain.
La rénovation du Bureau ovale, un passage obligé de toute transition présidentielle, s’effectue dans l'urgence et en quelques heures seulement, le jour de l'investiture. Chaque nouveau président a tout le loisir de le personnaliser, de la moquette à la couleur des murs, en passant par les oeuvres d'art et les photos exposées.
Plus qu'un exercice d'esthétique ou une démonstration de bon goût, la décoration de cet office mythique relève avant tout d'une déclaration d'identité. Une manière de symboliser les objectifs, les valeurs et les aspirations de la nouvelle administration pour les quatre prochaines années.
Pour se sentir comme chez eux, les nouveaux présidents ont un choix presque aussi complet qu'un catalogue Ikea: ils peuvent puiser dans la collection d'oeuvres de la Maison-Blanche, dans les vastes fonds de la Smithsonian Institution (rien de moins que plus grand musée du monde) ou encore emprunter des pièces si l'envie leur prend.
Cependant, même le fonctionnaire le plus puissant de la planète doit respecter quelques contraintes: à commencer par les murs incurvés du Bureau ovale, qui limitent la taille des œuvres accrochées sans que cela paraisse bizarre, selon d'anciens concepteurs dans le Wall Street Journal.
Quelques éléments de mobilier sont également indéboulonnables: à commencer par le Resolute desk, un cadeau de la reine Victoria au président Rutherford B. Hayes en 1880. Cet imposant bureau, fabriqué en chêne blanc et en acajou issu d'un navire d'exploration arctique de la Royal Navy, le «HMS Resolute», a été utilisé par pas moins de huit présidents.
Les rideaux dorés caractéristiques, un héritage du président Bill Clinton, en 1993, n'ont pas bougé non plus.
Ce lundi, le Bureau ovale a renoué avec le style du premier mandat de Donald Trump. Le buste en bronze de Winston Churchill, retiré par son successeur Joe Biden en 2021 pour être remplacé par des figures de Martin Luther King, Rosa Parks et César Chávez, a retrouvé sa place.
Un objet qui souligne l'attrait du 47ᵉ président pour un «leadership fort», selon les médias britanniques, mais qui traîne aussi son lot de controverses. Offert à George W. Bush en 2001 par le gouvernement britannique, le buste s'est souvent retrouvé déplacé dans d'autres pièces sous les présidences démocrates, allant jusqu'à provoquer de mini-scandales diplomatiques avec le Royaume-Uni.
Le nouveau locataire de la Maison-Blanche a également réintroduit plusieurs éléments en souvenir de son premier mandat. Citons la moquette claire imaginée par Nancy Reagan pour son mari Ronald, des drapeaux militaires que Joe Biden avait retirés, ainsi qu'une sculpture du «Bronco Buster» de 1895, qui représente un cow-boy. De son prédécesseur, Trump a toutefois conservé le buste de Martin Luther King, ainsi que celui d'Abraham Lincoln.
Outre des figurines d'aigle en argent sur le manteau de la cheminée et un presse-papier carré portant le nom de Trump, un buste d'Harry Truman côtoie un portrait de Benjamin Franklin et un nouveau tableau à l'effigie d'Andrew Jackson – un président que Donald Trump affectionne particulièrement puisque, comme lui, ce dernier est arrivé au pouvoir après avoir surfé sur une vague populiste et anti-establishment, avant de remodeler le parti à son image.
Des touches personnelles se mêlent à cette mise en scène, avec des photos de famille posées sur une petite table près du Resolute desk: la mère de Trump, Mary Ann, décédée en 2000, son père, Fred Trump, disparu en 1999, ainsi que la jeune génération. Sa femme Melania et leur son fils cadet, Barron, ses quatre autres enfants, Don Jr, Ivanka, Eric et Tiffany.
Cependant, aucun détail de la transformation du Bureau ovale ne suscite autant de fascination du public que le retour qu'un bouton situé sur une boîte en bois, placé bien en évidence sur le Resolute desk.
Le «bouton nucléaire», comme se l'était figuré un journaliste du Financial Times Magazine, lors d'une interview en 2017? «Non, non, tout le monde pense que c'est le cas», avait rétorqué le chef d'Etat, avant de se pencher et d'appuyer dessus.
Quatre ans plus tard, le mystère est levé. Il s'agit de l'incontournable bouton «Diet Coke», qui permet à son propriétaire de recevoir un Coca light avec glaçons dès qu'il en fait la demande. Un indispensable qui a évidemment retrouvé sa place ce lundi. Et pour les quatre prochaines années.