En général, un nouveau média qui déboule sur le marché est une bonne nouvelle. Mais, dans la conjoncture que l'on connaît et avec des titres qui meurent les uns après les autres, il faut avoir les reins solides pour prétendre qu’un journal tout neuf aura de quoi survivre plus de quelques mois. Des reins ou... un magnat indestructible et impossible à impressionner. Rupert Murdoch, le célèbre nonagénaire milliardaire derrière les conservateurs Fox News, The Wall Street Journal, Page Six, The Sun ou encore The Times, a décidé qu’il était temps d’offrir un petit frère à son arme la plus agressive de la presse américaine: le New York Post.
Si vous avez l’esprit suffisamment pur pour ne pas connaître le Post, sachez simplement que l’un des plus vieux canards des Etats-Unis n’est autre que le boss final de la provocation, un puissant faiseur de rois (Donald Trump ou l’ancien maire républicain de New York Rudy Giuliani) et un professionnel du racolage, grâce à des couvertures scandaleuses, des titres putassiers et un talent certain lorsqu’il s’agit de fourrer les phalanges de ses journalistes dans les crimes les plus sordides et les rumeurs les moins confirmées. C’est sale et addictif à la fois.
La preuve? Le New York Post, l’un des médias les plus dévorés du pays, a l’honneur d’être la lecture préférée du président et de toute la droite américaine.
Maintenant que les présentations sont faites, figurez-vous que l’increvable Rupert Murdoch est en train d’orchestrer une attaque contre le repère démocrate qui adore résister au trumpisme: la Californie. L’homme d’affaires, qui voit son projet comme un «antidote» au «virus californien», s’apprête en effet à lancer un média au cœur de la Cité des Anges.
Comme s’il fallait en rajouter une couche, Robert Thomson, directeur général de News Corp, société mère du New York Post appartenant à Mister Murdoch, assène que «Los Angeles et la Californie ont sûrement besoin d’une dose quotidienne du Post, comme l’antidote à un journalisme blasé qui a malheureusement proliféré».
Lancer un média en 2025 est certes une aventure culottée, mais toutes les conditions semblent pourtant remplies pour laisser proliférer des opinions sans garde-fou, dans un Golden State qui a rarement été aussi malmené par Washington. Le mouvement MAGA est en pleine forme, Donald Trump est au pouvoir jusqu’en 2028, les républicains ont fait de la Californie une affaire personnelle, sans oublier les médias historiques de la région qui tirent méchamment la langue.
Comme le rappelait The Daily Beast, «Los Angeles Times, LAist, LA Weekly et Los Angeles Magazine ont été confrontés à de grandes difficultés en raison de problèmes de rotation du personnel ou simplement économiques». Le California Post, avec son impertinence et l’appui idéologique de la Maison-Blanche, déboule donc en Californie comme une provocation frontale, en osant proposer, en plus de son site web, une édition imprimée.
Sachez enfin que le premier numéro du California Post est programmé pour début 2026 et que Nick Papps, «un vétéran» de la société News Corp., en sera le rédacteur en chef. Le gouverneur Gavin Newsom, ennemi viscéral de Donald Trump, et les démocrates en général doivent se préparer à recevoir une énième volée de bois vert.