Ce couple a tout risqué pour réussir à Miami: «La compétition est rude»
Ils nous ont donné rendez-vous chez «Libertino», l'un des seuls cafés du quartier qu'ils n'ont pas encore testé. Les rayons du soleil de novembre inondent l'espace de cet endroit délicieusement bobo, où le matcha côtoie les snacks healthy, les tranches de banana bread et la salade aux superfoods. Miami, qui vient d’être élue seconde ville «la plus obsédée par le bien-être» des Etats-Unis, après Santa Monica, ne déroge pas à sa réputation.
Eleonore et Pierrick nous rejoignent quelques instants plus tard, flanqués de leur fidèle acolyte, Loki, un corgi interminable et affectueux qui semble sourire constamment.
Première question: comment vont-ils? «Fatigués, heureux, excités», résume Eleonore - déjà l'archétype de la Floridienne, avec sa cascade de boucles blond vénitien, son jean ample et les fins bijoux qui brillent sur sa peau bronzée. A ses côtés se tient Pierrick, une sorte de Viking aux yeux de glace, muscles saillants, barbe fournie et tatouages jusqu'au bout des doigts.
Ces beaux Parisiens d'origine ont posé leurs (huit) valises deux semaines plus tôt. Pour de bon. Mais autant dire qu'ils n'ont pas eu beaucoup de temps pour profiter de la plage et des plaisirs de «Magic City» où il fait rarement moins de 25°C.
S'ils ont laissé derrière eux logement, famille et amis pour les Etats-Unis, c'est pour une nouvelle vie et un rêve aussi ambitieux que (potentiellement) casse-gueule. Ouvrir leur salle de sport privée dans le quartier «où tout se passe». Wynwood.
Wynwood, un quartier où se mêle la crème du cool, un joyeux mélange entre Brooklyn et Venice Beach, où les fitness et les salles de Pilates poussent comme des champignons, en même temps que les restos branchés, les enseignes de burger joint à tomber et les jolis cafés - comme celui dans lequel nous avons pris place.
Un quartier dont ils sont tombés amoureux en 2023, nous explique Eleonore, en sirotant une gorgée de son café glacé au lait d'avoine.
Justement. Comment ces deux expats comptent-ils faire face à la concurrence écrasante des promoteurs immobiliers qui brassent des millions, capables d'ouvrir en un claquement de doigt d'immenses fitness pleins de matériel dernier cri? «Nous n'avons pas la même vocation», nuance Pierrick.
Leur salle, Unlock, sera un espace de «seulement» 230 mètres carrés, imaginé pour du coaching privé, sur rendez-vous, avec un suivi personnalisé aux petits oignons.
«Mais nous savions que la compétition est rude», admet le coach en évoquant les premiers pas de son entreprise. Nous avons évidemment lancé une étude de marché mais ensuite, on a foncé».
De la jungle parisienne au soleil de Miami
Tout est parti d'un rêve. Américain. Une passion commune pour ce couple qui s'est rencontré il y a plus de 11 ans sur les bancs de l'école de commerce, à Paris. A l'époque de leur premier voyage en Californie, en 2019, Pierrick vient de se reconvertir dans le coaching sportif. Eleonore, elle, œuvre comme chargée de communication en free-lance. L'idée de quitter la capitale se dessine petit à petit, avant d'être coupée court par le Covid-19.
Mais la découverte de Miami, en novembre 2023, achève définitivement de planter leur rêve de fuir Paris. La ville est devenue trop oppressante, trop bruyante, de moins en moins sûre. «Une jungle», résume Pierrick.
C'est un ami - et futur investisseur - qui leur glisse l'idée du visa «E2» et de la création de leur propre salle de sport, aux Etats-Unis. «E2», l'acronyme du fameux visa d'une durée de 4 ans qui permet aux entrepreneurs de tenter l'aventure américaine, à condition d'ouvrir un business, d'y lâcher un budget conséquent et d'engager du personnel américain dans les mois qui suivent leur installation.
L'idée de fusionner leurs compétences s'impose rapidement. Pierrick sera responsable de la salle et des clients, Eleonore de faire connaître Unlock sur les réseaux sociaux et de gérer la communication. La jeune femme vient d'ailleurs de commencer à chroniquer leur odyssée avec des vlogs sur TikTok et Instagram, qui cumulent déjà des centaines de milliers de vues.
@unlock_journey Faire voyager son chien en soute, c’est du sérieux ! 🐶✈️ Entre le choix de la cage, les papiers, le stress et les câlins de dernière minute… voici comment on a préparé notre corgi pour le grand départ vers Miami avec Air France #chienensoute #voyagechien #miamilife #dogtravel #expatmiami @Air France ♬ son original - unlock_journey
Ni une, ni deux, de retour en France, ils se mettent travail. Montage du dossier avec des avocats français et américain pour obtenir le visa E2 et, en parallèle, Pierrick pose les jalons de la société. Des mois de préparation où s'enchaînent laborieuses démarches administratives et levée de fonds, tout en menant de front leurs jobs respectifs - sans oublier l'adoption de Loki, l'an dernier, nous précisent-ils avec un sourire.
Ils retourneront également deux fois en Floride pour visiter de futurs locaux potentiels.
La salle qui est aujourd'hui la leur, ils vont la visiter la veille de leur retour en France. Un joli coup du destin. Il faudra cependant s'armer de patience et trépigner encore sept longs mois - procédures obligent - jusqu’à la signature du bail.
Ce n'est qu'une fois tous les papiers signés, leurs économies et les fonds investis, qu'ils pourront déposer le dossier pour le visa à l'ambassade de France. C'était le 6 octobre 2025. Un rendez-vous qui doit sceller leur destin. Leur billet d'avion est alors déjà réservé, départ définitif deux petites semaines plus tard. «On a tellement transpiré», rigole Pierrick.
Le rendez-vous à l’ambassade? «On ne savait pas trop à quoi s'attendre. On voyait plutôt ça comme un rendez-vous d'affaires, digne d’un film hollywoodien, avec des fauteuils en cuir», raconte de son côté Eleonore. Mais c'était beaucoup plus froid, impersonnel et protocolaire que ça».
Désormais, tout est à construire.
Lorsque nous les rencontrons, début novembre, le couple vient de sélectionner l'architecte et bosse à pied d'œuvre pour obtenir les derniers permis, avant d'entamer les travaux. En traversant le nouveau quartier pour nous montrer le site de leur futur fitness, on les sent sereins et à l'aise. Comme chez eux. Wynwood leur va bien.
Ils savent déjà précisément ce qu'ils veulent. Ici, les machines. Là, les vestiaires. Près de l’entrée, un petit salon. De ce côté, l'accueil. Et de l'autre, une bassine de bain froid. On se les figure sans peine, malgré le béton et le gravier omniprésents.
Date de l'ouverture d'Unlock? Dans l'idéal, au printemps prochain. En attendant, Eleonore et Pierrick embrassent leur nouvelle vie avec un enthousiasme communicatif et une envie d'entreprendre, elle, définitivement très américaine.
