L'un des hommes les plus puissants de l'économie russe a mis en garde contre les graves conséquences de la politique russe en matière de taux d'intérêt. Sergueï Tchemezov est à la tête du groupe Rostec, un conglomérat d'Etat qui détient entre autres une grande part dans l'industrie de l'armement russe.
Il vient de dresser un sombre tableau lors d'une réunion du Conseil d'Etat: comme les taux d'intérêt ont fortement augmenté en Russie, les affaires ne seraient plus guère rentables pour l'industrie. Selon le site Internet financier russe RBC et le Moscow Times, Tchemezov a averti que les faibles bénéfices sont engloutis par la hausse des taux d'intérêt.
Ce proche de Poutine, dont les entreprises sont aussi engagées dans les machines industrielles et la technique médicale, estime que le pays risque de vivre une «stagflation». Ce phénomène se produit lorsque tant la production de biens que la consommation diminuent, alors que l'inflation augmente de manière drastique en parallèle.
Selon le PDG, cela pourrait conduire à des faillites massives d'usines russes:
Selon RBC et le Moscow Times, l'entrepreneur s'est plaint que les taux d'intérêt de la banque d'Etat russe avaient déjà atteint un niveau record de 19%. Il a rappelé qu'ils ont été augmentés sept fois depuis l'été dernier et qu'une hausse à 20% est attendue pour fin octobre.
Pour l'instant, la productivité de Rostec se maintient, elle aurait même augmenté de 4,5% en comparaison annuelle au premier semestre. Dans son budget pour l'année prochaine, le gouvernement russe prévoit une croissance industrielle de 2%.
La situation n'est néanmoins pas sans risque, comme l'écrit le Moscow Times. Ainsi, des analystes du groupe public Gazprom auraient averti que la moitié des intérêts de leur entreprise sont liés au taux émis par la banque publique. Cela augmente le poids de la dette et le risque que les entreprises ne puissent plus payer leurs dettes.
Et la fin de la spirale des taux d'intérêt n'est pas en vue. Alexander Kalinin d'«Opora Rossii», une organisation de petites et moyennes entreprises russes, a déclaré à l'agence de presse Reuters qu'il s'attendait à ce que les taux d'emprunt pour les petites et moyennes entreprises atteignent 30% d'ici 2025.
Selon RBC, la présidente de la banque centrale, Elvira Nabiullina, a fait état d'une surchauffe de l'économie, qui serait la plus importante depuis seize ans. Les salaires, la consommation et le produit intérieur brut ont augmenté de manière fulgurante, et le risque de récession menace. Une longue période de maintien de taux d'intérêt élevés serait donc nécessaire pour refroidir la demande. Sur la base des données économiques de septembre, l'agence publique Rosstat estime que l'inflation annuelle est à 8,63%.
Depuis la guerre contre l'Ukraine, Vladimir Poutine a en quelque sorte opté pour une économie de guerre. Lors du forum économique de juin, le vice-chef du gouvernement Denis Mantourov avait annoncé que Poutine avait signé toute une liste d'instructions pour le développement du secteur de l'armement, afin de produire encore plus d'armes et de munitions. La Russie continue d'exporter son pétrole et son gaz, ce qui lui permet de générer d'importants revenus.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci