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Brigitte, un homme? Les Macron veulent dézinguer la fake-news

Brigitte Macron serait un homme. Vraiment? Non. Mais certains s’y accrochent comme à une vérité biblique. Excédés par des années de diffamation, Emmanuel et Brigitte Macron ont déposé plainte aux Etat ...
Le couple réclame des dommages et intérêts, et surtout, que l'influenceuse Candace Owens retire ses propos.Image: keystone / watson

Les Macron veulent dézinguer la fake news qui leur pourrit la vie

Brigitte Macron serait un homme. Vraiment? Non. Mais certains s’y accrochent comme à une vérité biblique. Excédés par des années de diffamation, Emmanuel et Brigitte Macron ont déposé plainte aux Etats-Unis contre une influenceuse trumpiste et star de la complosphère qui martèle cette rumeur. On vous raconte toute l'histoire.
24.07.2025, 18:5624.07.2025, 18:56
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L’escalade judiciaire a des airs de dernier recours face à une rumeur qui affirme, depuis quatre ans, que la Première dame française serait un homme. Cette fois, les Macron attaquent en justice aux Etats-Unis une influenceuse américaine trumpiste et complotiste jette de l’huile sur le feu. Affaire Brigitte Macron, saison 5, épisode 742.

Mais rembobinons.

La rumeur court depuis la première élection d'Emmanuel Macron, mais l'histoire prend un tournant en 2021, dans les tréfonds d’Internet. C’est là que deux femmes, peu connues du grand public, mais très actives dans les milieux complotistes français, balancent une allumette sur ce qui deviendra un incendie mondial.

La première s’appelle Natacha Rey, elle se présente comme «journaliste d’investigation». La seconde, Amandine Roy, se décrit comme médium. Ensemble, elles publient une vidéo sur YouTube, suivie d’un entretien-fleuve de plus de trois heures où elles développent une théorie aussi fumeuse que créative: Brigitte Macron serait née homme, sous le prénom de son frère aîné, Jean-Michel Trogneux. Elle aurait, selon elles, changé d’identité à l’abri des regards, et l’Etat français aurait tout couvert.

L’ombre de Xavier Poussard

Très vite, ce scandale va se structurer autour d’un homme: Xavier Poussard. Ancien rédacteur au magazine conspirationniste Faits & Documents, il publie en 2024 un ouvrage autoproduit intitulé Devenir Brigitte, qui réactive la thèse Jean‑Michel comme s'il s'agissait d'une véritable enquête.

Présenté comme «journaliste d’investigation» lui aussi, son livre grimpe en tête des ventes sur Amazon, et reçoit l’étrange éloge de Candace Owens, qui y voit un soutien à sa propre croisade en mars 2025. Poussard affirme explorer des «lacunes» dans les archives publiques et suggère l’existence de documents cachés.

Il alimente volontairement la rumeur, relançant le débat sur l’identité de la Première dame… et se retrouve, selon lui, «chassé» par Brigitte et ses services, jusqu’à devoir s’exiler en Italie avec sa famille. Un portrait étrangement romantique, qui plonge la rumeur dans un jeu de chasse à l’homme médiatique.

Vrai ou faux? On s'en fout

Mais voilà, même si rien n'est fondé, dans un monde saturé de contenus, où le vrai et le faux jouent à ni oui ni non sans se regarder dans les yeux, cette folle histoire trouve un écho. D’abord chez les fans français de fake news, puis dans les sphères d’extrême droite, en France et à l’étranger. La théorie se répand comme une traînée de poudre sur Telegram, X, Reddit et consorts, boostée par des hashtags transphobes, des montages douteux et une bonne dose de sexisme.

Face à cette déferlante, Brigitte Macron sort du silence. En 2022, elle porte plainte pour diffamation. Une première. En juillet 2023, Natacha Rey est condamnée à une amende de 2000 euros avec sursis. En septembre 2024, la cour confirme la décision.

Mais le 10 juillet 2025, twist judiciaire: la cour d’appel de Paris relaxe finalement les deux femmes, estimant qu’elles ont agi «de bonne foi». Une claque pour la Première dame, et un mauvais signal envoyé aux amateurs de fake news. Comme si l’intention comptait finalement plus que la vérité.

Candace Owens: bidon d'essence, allumettes

C’est là qu’entre en scène Candace Owens. Ancienne égérie de la société de médias conservatrice Daily Wire, trumpiste revendiquée, influenceuse plus connue pour ses punchlines que pour sa rigueur intellectuelle, elle se saisit du dossier Brigitte avec l’élégance d’un parpaing lâché du sixième étage.

Candace Owens est suivie par des millions de personnes sur les réseaux sociaux.
Candace Owens est suivie par des millions de personnes sur les réseaux sociaux.Image: dr

En mars 2024, elle lance un podcast baptisé Becoming Brigitte, huit épisodes consacrés à la rumeur. Et attention, l’Américaine ne fait pas dans la dentelle: dès le premier épisode, elle déclare qu’elle «parierait toute sa carrière» sur la véracité de cette histoire.

Mais ce n’est pas tout. Elle vend des t-shirts avec écrit «Brigitte, homme de l’année». Elle agite des théories fumeuses mêlant CIA, pédocriminalité, MK Ultra et supposés documents falsifiés. Elle relaie les vidéos les plus farfelues et refuse de retirer le moindre mot malgré trois mises en demeure envoyées par les Macron. Le couple présidentiel français bouillonne.

Le 23 juillet 2025, c’est la contre-offensive. Emmanuel et Brigitte Macron portent plainte pour diffamation devant un tribunal du Delaware, Etat où Owens est domiciliée fiscalement et où la plainte a le plus de chances d’aboutir. Dans un document de 219 pages, les avocats du couple, le très réputé cabinet Clare Locke, spécialisé dans les litiges de diffamation, accusent Owens d’avoir mené une campagne «préméditée, mensongère et haineuse», motivée par le profit, la notoriété et une volonté explicite de nuire.

Ils réclament des dommages et intérêts (réparatoires et punitifs), le remboursement des frais de justice, et surtout, que Candace Owens retire ses propos et arrête de propager ce qu’ils appellent une «fiction toxique». Le tout devant jury. Une première pour un président français en exercice.

Une rumeur et beaucoup de haine

Au-delà du volet judiciaire, comment explique-t-on l’ampleur de cette histoire? Pourquoi persiste-t-elle, au lieu de s’éteindre, de s’enfoncer dans l’oubli, au milieu des autres fake news stupides dont regorgent les internets?

D’abord, parce qu’elle cristallise plusieurs obsessions bien de notre époque. Comme le fantasme qu’une femme de pouvoir ne pourrait pas réellement être une femme. C’est une manière de la délégitimer, de lui ôter sa féminité, son autorité, son humanité.

D’autres avant Brigitte Macron, comme Michelle Obama pour ne citer qu’elle, ont subi le même sort. Bienvenue dans le monde merveilleux de la «transvestigation», cette lubie conspirationniste qui consiste à «prouver» que des personnalités publiques seraient secrètement transgenres, dans le but de… personne ne sait vraiment. Mais ça buzze et fait les affaires de conspirationnistes bien en vue, comme Candace Owens, qui se définit comme antiféministe.

Ensuite, la rumeur s’alimente avec une vieille recette qui a fait ses preuves: une pincée de misogynie, un zeste de transphobie, une bonne louche de haine envers les élites. Et dans le cas des Macron, elle vient percuter leur histoire d’amour atypique, une prof plus âgée, un élève devenu président, qui dérange encore certains.

Enfin, il y a l’algorithme, qui pousse les contenus les plus polarisants, les plus violents, les plus absurdes. La vidéo d’une femme expliquant que Brigitte Macron est un homme sera toujours plus virale qu’un article de Libération ou Le Monde qui expliquent que c’est faux. Candace Owens l’a bien compris. Elle a basé sa notoriété sur le clash et le sensationnel. Et ça marche.

Pour ne rien arranger, Emmanuel Macron raconte sur TF1 le 8 mars 2024, à l'occasion de la journée internationale du droit des femmes que cette rumeur est son «pire souvenir de président de la République», donnant ainsi du crédit à une fake news.

Une affaire d’Etat… made in USA

Ce procès, au fond, dépasse le cas de l’Américaine. Il pose une question plus vaste: jusqu’où peut-on aller à l’ère du fake? La liberté d’expression autorise-t-elle tout? Où commence la diffamation? A quel moment la satire sombre-t-elle dans le harcèlement en bande organisée?

Candace Owens, de son côté, se drape dans le premier amendement. Elle se présente comme une martyre de la liberté, une «simple journaliste américaine» attaquée par un président étranger. Elle a promis de ne jamais s’excuser, ni de se taire. Dans un live diffusé mercredi, elle a qualifié la plainte des Macron de «stratégie de communication», tout en appelant ses abonnés à «résister».

Sauf que cette fois, les Macron ont décidé de ne plus laisser passer. Ils veulent un procès. Avec des preuves, des débats, et peut-être même une jurisprudence à la clé. Histoire de poser une limite, et de rappeler que la vie privée, même à l’ère des réseaux sociaux et des horreurs virales qu’on y trouve, n’est pas une option. «To be continued», comme on dit au pays de la liberté.

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La visite d'Emmanuel Macron chez Charles III

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source: pool / chris jackson
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