Seule dirigeante de l'Union européenne (UE) invitée à l'investiture du président américain le 20 janvier, la Première ministre italienne Giorgia Meloni est aussi la première dirigeante du bloc à le rencontrer depuis qu'a éclaté la guerre des droits de douane. Arrivée mercredi soir à Washington, elle doit s'entretenir jeudi avec lui au cours d'un déjeuner de travail puis dans le bureau ovale.
L'Italienne a les faveurs du locataire de la Maison Blanche, qui l'a qualifiée de «dirigeante fantastique». Elle «murmure à l'oreille» de Trump, a écrit jeudi le quotidien italien La Stampa. Tous deux partagent un large socle idéologique, des restrictions à l'accès à l'avortement aux entraves à l'immigration, du credo chrétien au combat contre les «wokistes».
Les sépare néanmoins le dossier ukrainien: Giorgia Meloni, dépositaire d'une tradition anticommuniste ancrée dans le fascisme qui a forgé son atlantisme, compte au nombre des plus fervents soutiens de Kiev depuis l'invasion russe. Tandis qu'elle a fustigé dimanche la «barbarie» en cours en Ukraine après la frappe russe sur la ville de Soumy qui a fait 35 morts, Donald Trump, tout en déplorant «une chose horrible», a repris à son compte l'argumentaire du Kremlin qui a invoqué une «erreur».
Surtout, avec les droits de douane punitifs annoncés par le président conservateur, s'est grippée une certaine idée du patriotisme économique que l'un et l'autre défendent dans un contexte d'échanges mondialisés.
Alors que l'Italie dépend des exportations de son industrie, laquelle pèse près d'un quart de produit intérieur brut (PIB), Mme Meloni a critiqué ces droits de douane tout en jouant le dialogue et exhortant Bruxelles à ne pas prendre de mesures de rétorsion. Son pas de deux et sa proximité avec Donald Trump inquiètent ses partenaires européens, à l'instar du ministre français de l'Industrie, Marc Ferracci, qui a dit craindre, à l'annonce de la visite de Mme Meloni à Washington, qu'elle ne fasse cavalier seul.
«Si nous commençons à avoir des discussions bilatérales, il est évident que cela brisera la dynamique actuelle», a-t-il averti la semaine dernière. «Je ne sens aucune pression», a plaisanté Giorgia Meloni mardi soir en marge d'une cérémonie devant des chefs d'entreprise.
L'Italie réalise plus de 10% de ses exportations vers les Etats-Unis, troisième partenaire commercial de la péninsule. 10% des exportations de l'Allemagne se font également aux Etats-Unis, et 7% des exportations françaises. Alors le mot d'ordre, à Rome, est à l'apaisement.
«Nous devons absolument éviter une guerre tarifaire», a plaidé le ministre de l'Industrie, Adolfo Urso, ajoutant que Giorgia Meloni chercherait à Washington à «convaincre tout le monde de la nécessité de discuter».
La Commission européenne a aussi voulu rassurer. Sa présidente, Ursula von der Leyen, et la dirigeante italienne «sont en contact régulier», a assuré lundi une porte-parole à Bruxelles. «Elles ont été en contact à propos de cette mission, au cours des derniers jours, et elles seront en contact avant la mission».
Rappelant que la Commission est seule compétente en matière d'accords commerciaux, elle a insisté sur le fait que «toute démarche auprès des Etats-Unis est la bienvenue» et «étroitement coordonnée». Selon un diplomate européen interrogé par l'AFP, «il n'y a aucun problème» dès lors que tout dirigeant du bloc se rendant à l'étranger «porte le message des Européens» pour «renforcer l'unité européenne».
Selon la presse italienne, la médiation de Giorgia Meloni vise notamment à préparer une rencontre entre M. Trump et Mme von der Leyen. Hormis Forza Italia, formation de droite libérale créée par Silvio Berlusconi, les deux autres partis de la coalition gouvernementale à Rome, Fratelli d'Italia de Mme Meloni et La Ligue de Matteo Salvini sont de culture eurosceptique.
Giorgia Meloni a néanmoins mis de l'eau dans son vin depuis son arrivée aux affaires fin 2022, l'Italie étant le principal pays bénéficiaire du plan de relance post-pandémie de l'UE, avec près de 200 milliards d'euros de subventions et de prêts en échange de réformes d'ici 2026. Sur sa droite, son vice-Premier ministre, Matteo Salvini, n'en finit pas, lui, de défendre Donald Trump contre «l'Allemande Ursula von der Leyen». «Aucune polémique pendant mon voyage», a mis en garde la dirigeante italienne.
(ats)