«C'est inhumain»: Trump emprisonne des opposants à Poutine
Natalia a fui la Russie, craignant d'être arrêtée en raison du militantisme de sa famille, proche de l'opposition, et a demandé l'asile politique aux Etats-Unis.
Mais loin de trouver un refuge dans son nouveau pays, elle y est emprisonnée depuis près d'un an et demi, séparée de son mari et de ses enfants, tremblant à l'idée d'être expulsée.
Alors que l'administration Trump multiplie les expulsions dans le cadre de sa politique anti-immigration, les défenseurs des droits humains avertissent qu'expulser les dissidents russes les exposerait au risque d'être emprisonnés et persécutés en Russie.
Natalia, dans une interview téléphonique depuis un centre de détention pour immigrants en Louisiane, se confie:
Vêtue d'un uniforme de prison orange, Natalia partage un dortoir avec environ 60 femmes dormant dans des lits superposés. Les douches et les toilettes sont dans la même pièce, derrière des rideaux qui ne garantissent aucune intimité ni ne font barrage aux mauvaises odeurs.
Des dizaines de milliers de Russes ont demandé l'asile politique aux Etats-Unis depuis l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, qui a été suivie par une vaste répression de la dissidence en Russie.
Environ 85% des demandes d'asile russes examinées en 2024 ont été approuvées, selon les données officielles. Mais les détenus, avocats et groupes de défense des droits disent que les refus ont augmenté ces derniers mois.
Ils affirment aussi que les détenus sont soumis à des détentions arbitraires et que leurs droits à se défendre devant les tribunaux ne sont pas respectés.
Quelque 900 Russes, dont beaucoup de demandeurs d'asile, ont été expulsés vers leur pays d'origine depuis 2022, montrent les données officielles.
Parmi eux, une centaine de personnes ont été renvoyées en Russie sous escorte cet été dans deux vols spécialement affrétés, ce qui les a empêchées de chercher refuge dans un pays tiers, selon les groupes Russian America for Democracy in Russia (RADR) et Russian Antiwar Committee.
Demande d'asile rejetée
A leur retour en Russie, elles ont subi de longs interrogatoires et au moins deux d'entre elles ont été arrêtées, dont un militaire ayant déserté après l'invasion de l'Ukraine et un militant d'opposition, selon ces groupes.
«C'est une catastrophe», pour Dmitry Valuev, président de RADR. Il explique:
Militants de longue date, Natalia et son mari ont fait campagne pour le principal opposant, Alexeï Navalny, mort en prison en Russie en 2024. Son organisation a été proscrite et déclarée «extrémiste» en 2021, tandis que ses soutiens sont persécutés.
Après une perquisition de la police dans leur appartement en 2023, l'époux de Natalia et leur fils avaient pris l'avion pour le Mexique, puis traversé la frontière avec les Etats-Unis.
Là, ils s'étaient présentés aux autorités et avaient été placés en liberté conditionnelle, en attendant une audience judiciaire concernant leur demande d'asile politique. Natalia avait suivi un an plus tard, mais a été placée en détention.
Comme elle, près d'un millier de citoyens russes sont détenus dans les prisons américaines pour immigrants, selon RADR. Les couples mariés sont souvent emprisonnés dans différents Etats, ce qui prive souvent l'un des conjoints d'un dossier solide, disent les avocats.
En avril, la demande d'asile de Natalia a été rejetée, bien que sa famille ait déjà été arrêtée en Russie pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales et soit engagée auprès d'un groupe d'opposition interdit. Elle a fait appel.
L'incompréhension et la peur
Natalia n'en revient pas:
Une autre Russe détenue avec Natalia a aussi vu sa demande d'asile rejetée et est dans l'attente de son expulsion. Le mari de cette femme, Iouri, a été expulsé cet été sur un vol commercial, après un an de détention. Mais il a pu descendre de l'avion au Maroc et acheter un billet pour un pays tiers.
Il craint toutefois que son épouse n'ait pas cette chance:
Les responsables américains ont refusé de commenter auprès les récentes expulsions de citoyens russes.
Au centre de détention en Louisiane, les journées sont longues et moroses. Les gardiens jettent parfois les maigres biens des prisonniers ou leur interdisent d'utiliser une serviette pour se réchauffer durant une promenade en extérieur, raconte Natalia. Certains disent avoir faim et ne reçoivent pas les soins appropriés.
Natalia veut rester forte: