«Bienvenue à Alligator Alcatraz!» a lancé Ron DeSantis, en accueillant le président américain à bras ouverts, ce 1er juillet. Avant d'ajouter en gloussant: «J'aime bien ce nom, d'ailleurs».
Alligator Alcatraz. Le lieu porte bien son nom, en effet. Situé au cœur des Everglades, un parc naturel situé à quelques dizaines de kilomètres de Miami (et à moins de 80 kilomètres du manoir de Trump, Mar-a-Lago), réputé pour ses marécages et les quelque 200 000 alligators qui peuplent ses eaux tièdes et inhospitalières.
Si le centre doit son nom à l'ancienne île-prison de San Francisco que Donald Trump compte d'ailleurs rouvrir, les conditions de détention n'ont rien à envier à la tristement célèbre prison où Al Capone a été incarcéré. «Il pourrait même être tout aussi bien», s'est extasié le président américain en inspectant les lieux, ce mardi, dans la torpeur floridienne.
Non seulement la faune du coin n'a rien de foncièrement sympathique, mais la région est également sujette aux tornades et aux ouragans. Des conditions difficiles qui en font le spot idéal pour dissuader les sans-papiers de tenter le voyage jusqu'en Floride.
Il n'aura fallu que huit jours pour construire l'ensemble du complexe, situé sur une piste d'atterrissage peu fréquentée de l'aéroport de formation Dade-Collier. Lequel, selon Ron DeSantis, pourrait d'ailleurs servir à acheminer rapidement des immigrants illégaux vers des pays tiers, si une expulsion est jugée nécessaire.
Le camp consiste désormais en une ville de tentes, remplies d'alignées de lits superposés, enfermés dans des cages grillagées. Ces mêmes pavillons de toile blanche sont utilisés pour héberger les secouristes ou les personnes déplacées après des catastrophes naturelles, selon le bureau du gouverneur.
Pour leurs occupants, ces tentes constitueront le seul abri contre les éléments, alors que les températures atteignent les 32°C et que les prévisionnistes s'attendent à une saison des ouragans chargée, avec de puissantes tempêtes.
Qu'on se rassure, toutefois. N'étant pas complètement inhumain, Ron DeSantis a assuré lors d'une visite de Fox News la semaine passée qu'un certain nombre de grandes unités de climatisation portables seront utilisées pour refroidir les structures du site. Et en cas de conditions météorologiques particulièrement extrêmes, des plans d'évacuation seront mis au point pour les occupants de l'installation.
Après tout, comme l'a promis le gouverneur de Floride, qui semble opérer à un rapprochement politique avec Donald Trump après des mois de rivalité pour l'élection présidentielle... Il s'agit de garder des conditions de vie «humaines» à Alligator Alcatraz.
Selon Todd Lyons, directeur par intérim du Service de l'immigration et des douanes des Etats-Unis, à la chaîne NBC News, le site peut d'ores et déjà accueillir 500 détenus et sera agrandi pour en héberger jusqu'à 3000. L'endroit devrait comprendre une bibliothèque juridique ainsi qu'une installation récréative (une grande tente avec climatisation et gazon artificiel au sol).
Le complexe et l'idée de voir des migrants poursuivis par des alligators a semblé beaucoup réjouir Donald Trump mardi, qui verrait bien d'autres installations similaires dans «davantage d'Etats».
«Les serpents sont rapides, mais les alligators... On va leur apprendre comment échapper à un alligator, ok? S'ils s'évadent de prison, comment s'enfuir: ne courez pas en ligne droite, courez comme ça», s'est amusé le président américain, en dessinant un zigzag avec sa main. «Et vous savez quoi? Vos chances augmentent de 1%.»
Pendant que les républicains de l'Etat célébraient ce nouveau centre comme une installation «à faible coût» renforcée par Mère Nature, le projet n'a pas manqué de susciter l'indignation, non seulement de la part des militants des droits de l'immigration et des écologistes, mais aussi des membres de la communauté indigène de l'Etat, qui voient le projet comme une menace pour leurs terres sacrées.
Dans la réserve nationale de Big Cypress, où se trouve la piste d'atterrissage, subsistent en effet 15 villages traditionnels miccosukee et séminole, ainsi que des lieux de cérémonie, de sépulture et autres lieux de rassemblement.
La maire du comté de Miami-Dade, Daniella Levine Cava, a également exprimé ses inquiétudes quant à l'impact du logement de milliers de personnes si près d'une source essentielle d'eau potable en Floride. De fait, les associations de défense de l'environnement semblent partager ses inquiétudes, et plusieurs d'entre elles, dont les «Amis des Everglades», ont intenté un procès contre l'administration DeSantis vendredi pour tenter de stopper le projet.
Ce procès ne semble guère inquiéter le gouverneur Ron DeSantis, qui a assuré que l'installation n'aurait «aucun impact» sur l'environnement. «Ce n'est pas comme si nous allions commencer à installer des égouts permanents et tout le reste. Tout est temporaire. Nous allons tout installer et tout démonter», a-t-il balayé.
Reste que, comme le souligne à juste titre la chaîne CNN, la dureté performative de l'approche de l'administration en matière d'immigration ressemble de plus en plus à une «blague de mauvais goût». Une impression encore renforcée par les nouveaux produits dérivés «Alligator Alcatraz» lancés par le Parti républicain de Floride. Parmi les goodies: des casquettes, des porte-gobelets, des tasses et des grenouillères pour bébés.