Comme partout en Europe, les enfants ont fait leur rentrée scolaire en Russie. Sous la présidence de Vladimir Poutine, l'intégration de son idéologie et de sa vision du monde dans les programmes scolaires a pris de plus en plus d'importance.
Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, le phénomène s'est encore intensifié. Avec la rentrée, l'Etat russe vise désormais à écarter massivement les élèves issus de l'immigration du système éducatif.
Ainsi, un nouveau texte de loi, en vigueur depuis avril, impose de nouvelles exigences aux élèves issus de l'immigration: pour suivre les cours, les enfants doivent notamment réussir un test de langue et justifier d'une résidence fixe. Par ailleurs, les écoles sont incitées à surveiller de plus près ces élèves et à vérifier d'éventuelles «tendances à un comportement illégal».
Le ministère de l'Education a publié une liste de 37 «chants patriotiques» pouvant être utilisés en classe. De plus, parents, enseignants et élèves sont invités à communiquer principalement via l'application «Max». Ce service de messagerie, développé par l'entreprise VK, est connu pour transmettre des données aux services de sécurité russes.
Les critiques soupçonnent que ces tests de langue ne visent pas tant à évaluer le niveau réel des enfants. Ils seraient plutôt conçus pour qu'un maximum d’élèves migrants échouent et soient ainsi écartés des cours. Olga Abramenko, experte au Anti-Discrimination Center Memorial, a déclaré au journal indépendant russe Novaïa Gazeta que, si de nombreux autres pays exigent des tests d'admission pour les enfants migrants, cela «n'a en aucun cas pour but d'éliminer les enfants jugés indignes de suivre une scolarité».
Selon Abramenko, dans d'autres pays, ces tests servent à évaluer le niveau de langue et à mettre en place des programmes de soutien adaptés pour les enfants. En Russie, ce n'est pas le cas:
Les premières données montrent que la plupart des enfants issus de l'immigration ne parviennent apparemment pas à remplir les exigences. En mai, le président de la Douma, Viatcheslav Volodine, a indiqué que 81% des candidats avaient échoué au test.
Au Tatarstan, à l'est de Moscou, des critiques ont déjà émergé. Roustam Minnikhanov, président de la région, a lancé:
Les tests de langue revêtent également une importance particulière dans la mesure où plusieurs régions de Russie sont multilingues. Par exemple, au Tatarstan, on parle aussi le tatar. Dans la république multiethnique du Daghestan, voisine de la Géorgie et de l'Azerbaïdjan, plus de dix langues officielles coexistent.
Avec ses mesures, le Kremlin cherche aussi à réduire l'influence des autres groupes ethniques dans les écoles: l'enseignement des langues indigènes a été limité à une heure par semaine dans les programmes scolaires.
Parallèlement, depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les programmes scolaires ont été adaptés pour transmettre aux élèves les narratifs du Kremlin. Depuis 2022, des «conversations sur l'essentiel» ont été introduites en classe, destinées à familiariser progressivement les élèves avec l'interprétation russe du conflit.
Dans les premières classes, ces conversations incluent par exemple des chants patriotiques ou l'étude de paysages russes. Plus tard, l'objectif est d'enseigner aux élèves qu'ils doivent servir la Russie, y compris sur le plan militaire.
Dans les classes supérieures, les enseignants transmettent des informations de plus en plus concrètes sur la guerre d'invasion, comme la version russe (erronée) selon laquelle la population du Donbas serait majoritairement russe et aurait besoin de la protection du Kremlin.
Selon le Kremlin, l'objectif de l'«opération militaire spéciale» serait «la protection de la population du Donbas qui souffre sous le régime de Kiev, le désarmement de l'Ukraine et l'empêchement de l'implantation de bases de l'Otan sur le territoire ukrainien», indique l'un des manuels scolaires.
Traduit et adapté par Noëline Flippe