Dans l'Histoire, seuls deux présidents des Etats-Unis ont été des hommes divorcés. Deux républicains. Deux défenseurs de la famille nucléaire (à leur manière). Ronald Reagan et Donald Trump. That's it.
Et encore. Peu d'entre nous se souviennent que Nancy n'est pas la première épouse de Ronald et tout le monde connait l'intimité sinueuse de Donald. Une précision, toutefois: aucun couple présidentiel n'a osé briser son union après avoir vécu à la Maison-Blanche.
Mais ce n’est pas vraiment ce qui nourrit la rumeur bruyante d'une séparation entre Michelle et Barack Obama, déjà envisagée comme un drame national par les citoyens américains. Ces derniers jours, l'impossible a refait surface après que l'ex-première dame a décliné deux importantes cérémonies officielles. Les funérailles de Jimmy Carter et l'investiture du nouveau président ont contraint Barack à s'afficher en solo.
Et la machine à fantasmes s'est emballée.
Mystérieux parce qu'inexpliqués, les deux lapins posés par Michelle prouveraient que le torchon brûle entre ces âmes sœurs que l'on dit (rêve?) éternelles. On le sait, la force d’un potin a toujours été sa frugalité. Mais si nos neurones nous implorent de les utiliser, impossible de ne pas se laisser happer par l'hystérie générale. Bien sûr, et comme le hurle si bien Caitlin Flanagan dans The Atlantic, «aucun spécialiste de la Constitution n'a jamais remis en question le droit de zapper les agaçantes sauteries professionnelles du conjoint».
Hélas, le problème ici est moins de croire les rumeurs que de les craindre. On a peur.
Pour le dire simplement, personne n'a la force d'envisager la séparation du power couple, marié depuis 33 ans et symbole chic et choc de l’amour inoxydable.
Putain, pas eux.
Mais c’est de leur faute, aussi. Les Obama sont une marque. Les Daft Punk de l'establishment américain. Les Mr. et Mrs. Smith du parti démocrate. Ils se sont lentement créés sous nos yeux pour mieux se faire élire, en 2008, en affichant une parfaite et enviable machinerie amoureuse.
Avec eux, tout paraissait simple, surtout ce qui ne l'est jamais pour les autres. On les a copiés et maudits. Par un étrange mélange de jalousie et d'admiration. Parfois à tort, mais on a toujours été très loin du baiser à moitié consenti par Melania, avant le serment de son mâle blond, lundi dernier. Au point qu'ils ont essayé, en vain, de rétablir une espèce de vérité, une fois leurs affaires politiques remisées.
Vingt ans après leur premier sacre, Michelle et Barack Obama se retrouvent victimes de leur perfection, aux prises avec une rumeur qui dépasse les territoires obstrués des magazines people. Cette semaine, la journaliste trumpiste Megyn Kelly a parlé de «potentiel séisme politique».
Cette semaine aussi, Meghan McCain a posé le dossier Obama au centre de son podcast: «Des journalistes très sérieux m'ont dit que les rumeurs de divorce des Obama étaient vraies», a balancé la fille du sénateur du même nom. Face à elle, une ancienne correspondante à la Maison-Blanche pour Politico n'en pensait pas moins.
Les deux femmes se sont ensuite penchées sur la photo que Barack a partagée à l'occasion de l'anniversaire de Michelle, le 17 janvier dernier, comme pour faire taire le boucan: «Pourquoi tu publies cette photo merdique de ta femme, Barack? Je tuerais mon mec s'il m'affichait sans maquillage et avec cet éclairage».
Une vanne qui cache très mal le malaise qui rôde dans le crâne des Américains. Sans aller jusqu'à croire l'autre bobard qui voudrait que Barack soit désormais occupé à fricoter avec Jennifer Aniston (!), le couple doit composer avec la fausse impression qu'ils sont inséparables. Et qu'ils ne font qu'un dans les espoirs démocrates.
Durant les campagnes successives de Joe Biden et de Kamala Harris, ce sont eux qui ont indiqué la force du vent. Barack a prouvé qu'il était toujours la matière grise du parti, avec l'influence et le doigté nécessaires pour faire abandonner le premier et introniser la suivante. Michelle, qui déteste pourtant la joute politique, avait aimanté les faveurs des sondages qui l'ont longtemps donnée gagnante d'une élection à laquelle elle ne se présentera sans doute jamais. Une «puissante figure culturelle», selon l'ancien stratège en chef du président Obama.
Ensemble, et notamment à la convention démocrate, ils ont tenté d'invoquer le magnétisme qui leur a tant réussi en 2008, pour rassurer les électeurs les plus frileux et faire chauffer le carnet de chèques des puissants donateurs.
Ne vous inquiétez pas, on est là.
Une implication et une assurance qui ont connu un sévère revers de médaille. Car la gifle électorale infligée par Donald Trump à Kamala Harris n'a pas épargné leurs joues. La team Obama, incubateur cool, a échoué une deuxième fois face à l'ogre MAGA. L'une de ces défaites qui laissent un goût amer sur la langue et des ressentiments dans le tiroir à chaussettes.
Personne n'a l'habitude de voir les Obama trébucher. Pas même eux. Entrepreneurs d'eux-mêmes depuis leur départ de la Maison-Blanche, entre fondations, bouquins, conférences et productions Netflix, ils n'ont cette fois pas été en mesure de produire un miracle. Et de bricoler l'avenir du parti démocrate en quelques petits mois.
«Les Clinton ont démontré leur pouvoir politique en évitant le divorce», rappelait le politologue Michael Nelson en 2010. Alors que Donald Trump se déployait dans toute sa démesure, lundi, sous la coupole de Washington, les Obama se sont montrés physiquement désunis. C'est peut-être simplement ainsi qu'il faut comprendre les larmes précoces et l'agitation qui grouille autour de cette rumeur de séparation.
Pas eux. Et surtout pas maintenant.