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Musk-Trump: ça va péter... mais quand?

Trump et Musk: le divorce?
Elon Musk et Donald Trump ont eu leur première dispute en public.images: getty, montage: watson

Ça va péter.

Le président et son doberman se sont déjà disputés. Dans le cadre d'un projet d'intelligence aussi artificielle que pharaonique, Donald Trump fricote désormais avec le pire ennemi de son bras droit: Sam Altman, puissant papa d'OpenAI. Musk a désavoué Trump et pété un plomb en public. Décryptage.
23.01.2025, 19:04
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100 jours. Au pif. Il y a encore une semaine, on pouvait raisonnablement parier qu'Elon Musk et Donald Trump auraient besoin l'un de l'autre au moins jusqu'à la fin de la période d'essai. Histoire que tout le monde y trouve son compte et reprenne son narcissisme en main. Or, à peine ont-ils eu le temps de digérer une investiture, quelques décrets et un salut nazi, que les deux mâles nous offrent leur première (et bruyante) dispute.

Comme souvent, c'est un ex qui est venu pourrir la jeune relation fusionnelle. Dans une conférence de presse inattendue, le président des Etats-Unis a annoncé la création d'une nouvelle entité d'intelligence artificielle baptisée «Stargate». Et qui trouve-t-on à l'origine de ce paquebot censé investir 500 milliards en quatre petites années? Sam Altman. Oui, le pire ennemi d'Elon Musk, accusé par ce dernier d'avoir fait de leur bébé, OpenAI, un fauve à but lucratif. (Entre autres.)

Alors que le divorce entre les deux cerbères du monde de demain n'est toujours pas réglé, Altman est venu draguer le président juste avant son intronisation, apprend-on de MSNBC, mercredi soir. Le papa de ChatGPT aurait passé un (très) long coup de fil à Donald Trump pour lui vendre un concept qu'il affectionne beaucoup: America First, mais dans l'IA et face au géant chinois. Le résultat? Une nouvelle entité bardée de défis, menée par OpenAI, Oracle et le japonais SoftBank.

Jaloux, Elon? Pas qu'un peu.

Dès la naissance de «Stargate», l'homme le plus riche du monde a empoigné son arme favorite pour cracher sur son ex et critiquer l'annonce faite par le président Trump. Entre petits renvois émotionnels et grosse salade de chiffres, Elon Musk a grogné toute la nuit, publiant un nombre insensé de messages.

«Ils n’ont pas l’argent»
Elon Musk

L'avenir nous dira si cette nouvelle entité a les épaules des ambitions qu'on lui prête. Mais il y a le fond et la forme, et cette première dispute publique du couple Trump-Musk est plutôt inédite dans le système américain. Qu'un haut responsable politique ose critiquer les décisions d'un président, sur les réseaux sociaux, tel un amant jaloux et impulsif, c'est gonflé.

Bien sûr, le roi de la tech ne sera jamais un ministre comme un autre et Trump a déjà prouvé que la bienséance n'a jamais été son mot préféré. Plus croustillant encore, la réaction excessive du patron de SpaceX pourrait nous faire croire qu'il n'a été mis au courant qu'à la dernière minute.

Bien que nous ne sachions que ce qu'ils veulent bien dévoiler, plusieurs questions jaillissent de la bagarre, au lendemain de la naissance de Stargate. Elon Musk, malgré son omniprésence auprès du président depuis plus de trois mois, a-t-il été volontairement tenu à l'écart? A-t-il au contraire tenté, sans succès, de s'opposer au projet avant son décollage?

Pire encore: voulait-il en faire partie ou simplement accaparer l'un des enjeux géopolitiques et économiques majeurs de ces cinquante prochaines années? N'oublions pas qu'avec xAI, Elon Musk est (encore) un concurrent à prendre au sérieux, dans ce sprint pour l'intelligence artificielle de demain. Comme il fallait s'y attendre, ses nombreuses casquettes commencent à se confondre, dans sa grande commode à responsabilités.

«Elon Musk est un conflit d’intérêts ambulant»
Craig Holman, un lobbyiste pour l'association Public Citizen, au New York Times

Le patron de Tesla et de SpaceX n'est plus un simple puissant industriel qui tente d'influencer le pouvoir de loin, en se contenant d'une poignée de contrats gouvernementaux lucratifs. Il est chargé de dégraisser les étages de l'administration fédérale et fourre son nez dans la plupart des décisions présidentielles. Début décembre, Sam Altman se voulait pourtant confiant, au sujet de l'impartialité de celui qu'il a toujours considéré comme «un héros»:

«Je crois fermement qu’Elon fera ce qu’il faut et qu’il serait profondément anti-américain d’utiliser le pouvoir politique au point de porter préjudice à ses concurrents et d'avantager ses propres entreprises»
Sam Altman, en décembre

Entre les lignes, le CEO d'OpenAI soulève une question plus sournoise encore: pour combien de temps encore, Elon Musk aura-t-il besoin de faire semblant d'aimer très fort l'ami Donald? Avant son soutien public au candidat républicain, il ne manquait finalement qu'une pièce à son puzzle: le pouvoir exécutif. Racheter Twitter, financer la campagne et rameuter les boys de la tech, ont été trois étapes relativement peu surprenantes pour y parvenir.

Mais en choisissant de dormir à Mar-a-Lago et de s'infiltrer dans le noyau stratégique du système Trump, Elon Musk est allé pêcher une légitimité mondiale, très utile pour ses affaires, surtout quand on s'impose violemment dans les débats de plusieurs nations européennes.

Pour plusieurs experts, le président aurait donc tout intérêt à nettoyer les couloirs de son propre pouvoir. Et vite: «A moins que Trump ne rompe tout de suite, il va rester dans cette sorte de relation de dépendance jusqu’à la fin, parce qu’on s’habitue à ce que les gens nous donnent de l’argent et de l'attention, alerte notamment l'historien américain Timothy Snyder, dans The Guardian.

«Trump est un petit gars et Musk est un grand gars, surtout quand il s’agit d'argent et d'avenir»
Timothy Snyder, historien

Autrement dit, la lune de miel est terminée. La passion, dévorante et à la limite du ridicule, devrait se transformer en un divorce entre deux égos incontrôlables, dont l'issue se révélera sans doute catastrophique. Et pas seulement pour la crédibilité du second mandat de Donald Trump qui, chaque jour, va logiquement perdre en mordant, jusqu'en 2028. S'il a suffi de trois jours de règne pour que le couple se déchire comme des adolescents capricieux sur les réseaux sociaux, on ose à peine imaginer la rupture.

D'autant que, comme souvent, celui qui osera rompre le premier aura la main sur le récit. Du moins, au début.

Une tempête hivernale historique a balayé le sud-est des Etats-Unis
Video: watson
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