L'ouragan Milton s'est abattu sur les côtes floridiennes ce jeudi matin. Accompagné de tornades et de vents atteignant les 165 km/h, le cyclone a privé de courant plus de trois millions de foyers, en semant la destruction sur son passage. Avant d'être rétrogradé en catégorie 1, il était passé en catégorie 5 (la plus élevée) en l'espace de neuf heures, suscitant la stupeur des scientifiques. Joe Biden l'avait qualifié de «pire tempête du siècle».
C'est la deuxième fois en deux semaines que la Floride est confrontée à ce type de phénomène. Le 27 septembre dernier, l'ouragan Helene touchait terre dans le nord de l'Etat, après être rapidement monté en puissance. Plus de 230 personnes ont perdu la vie à cause du cyclone, l'un des plus meurtriers de l'histoire récente américaine.
Selon plusieurs spécialistes, cette situation illustre clairement les conséquences du changement climatique. Météorologue chez MétéoSuisse, Josué Gehring confirme:
La raison d'une telle corrélation est à rechercher dans les océans. «A cause du changement climatique, l'eau de la mer se réchauffe», poursuit-il. «Cela fournit de l'énergie supplémentaire aux ouragans, qui se nourrissent de cette eau chaude et s'en servent comme du carburant».
L'ouragan Milton n'échappe pas à la règle. Depuis cet été, les eaux du golfe du Mexique, où le cyclone s'est développé, atteignent des températures record. Selon une récente étude de l'institut américain Climate Central, cela explique pourquoi Milton s'est intensifié de manière aussi rapide.
«Le changement climatique a clairement réchauffé les eaux du Golfe, lesquelles ont alimenté le développement de Milton», déclare Daniel Gilford, météorologue chez Climate Central. «La pollution engendrée par les combustibles fossiles a rendu cet ouragan beaucoup plus dangereux». Sa collègue Bernadette Woods Placky, citée par le Guardian, ajoute que les tempêtes comme Helene et Milton deviennent «explosives» en raison de cet excès de chaleur.
En effet, les épisodes les plus violents sont également les plus concernés par ce mécanisme. «Pour qu'un ouragan puisse utiliser cette énergie supplémentaire, il faut des conditions météorologiques permettant que tout se mette en place correctement», explique Josué Gehring.
«Souvent», poursuit-il, «cela n'arrive pas avec les ouragans moins puissants, qui se dissipent avant de devenir suffisamment structurés. Les cyclones plus puissants, par contre, peuvent pleinement profiter de ce potentiel qui est à leur disposition».
C'est ce que soutient également le groupe de scientifiques World Weather Attribution. D'après eux, l'utilisation de combustibles fossiles a rendu les tempêtes comme l'ouragan Hélène environ 2,5 fois plus probables qu'à l'ère préindustrielle. Leur recherche a également montré que la quantité de précipitations déversées par le cyclone a augmenté de 10% à cause du changement climatique.
Si la Floride a été particulièrement touchée par cette succession de tempêtes, la tendance est globale, indique Josué Gehring: «Les mers se réchauffent partout dans le monde». Pourtant, le météorologue souligne que les ouragans restent un phénomène exclusivement tropical.
Certes, sous l'impulsion du réchauffement climatique, les tropiques ont tendance à s'étendre, développe-t-il. «On retrouve des conditions tropicales plus au nord que d'habitude».
Mais pas de panique: «Ces phénomènes ne vont pas atteindre le nord de l'Europe», rassure le météorologue. Et ce, pour une raison bien précise: «En dehors des tropiques, les ouragans ne peuvent pas survire longtemps».
«Cela est dû à des paramètres qui ne dépendent pas du changement climatique», explique-t-il. «Il s'agit par exemple de la force de Coriolis, ou du jet-stream, qui ont tendance à déstructurer les cyclones au fur et à mesure qu'ils progressent vers le nord».
Résultat: «Quand un ouragan quitte les tropiques et entre dans des latitudes moyennes, il finit par se transformer en dépression extratropicale», affirme Josué Gehring. «Il s'agit de deux phénomènes différents, qui n'ont pas les mêmes caractéristiques ni la même puissance.»
«C'est ce qui est arrivé avec la tempête Kirk», qui a balayé la France et une partie de la Suisse la nuit dernière, résume finalement Josué Gehring. Et de conclure: