Dave Helias est un journaliste américain qui bosse pour NBC 2, au sud-ouest de la Floride. Nous avions rencontré ce correspondant politique en chef à Fort Myers, il y a une dizaine de jours, lorsque l'ouragan Hélène tapait violemment les côtes, avant de semer la mort jusqu'en Géorgie et dans les deux Caroline. Les pieds dans l'eau et le micro à la main, il nous avait alors rassurés, en précisant que Fort Myers passerait à côté du pire.
Aujourd'hui, sa maison de Cape Coral est solidement barricadée, les vivres de première nécessité soigneusement rangés et le stress à son maximum. Car le temps presse et l'urgence est absolue. Dans quelques heures, Milton promet de terrifier la région. On parle ici de «l'ouragan du siècle, que les scientifiques redoutent depuis longtemps», comme l'explique notamment The Atlantic.
Si Dave Elias nous parle depuis l'extérieur de sa maison, c'est que sa région n'est pas encore soumise à une obligation d'évacuer: «Ma ville est en zone C pour l'instant. Les zones A et B sont situées un peu plus au nord et sont déjà dans une situation catastrophique», nous explique ce journaliste qui cumule tout de même plus de trente ans d'expérience.
Les ouragans, il connait. Pour les avoir couverts en direct à l'antenne, mais surtout vécus en tant que citoyen. Et c'est sans doute pour cette raison que sa maison ressemble désormais à un repère de méchant dans un James Bond.
D'autres n'ont pas la chance de pouvoir investir dans des fenêtres spéciales permettant de transformer son domicile en bunker. Dave Elias nous parle notamment de la maison qui se trouve en face de chez lui, dont le propriétaire «a fait ce qu'il a pu» pour se barricader.
Le journaliste est malgré tout conscient qu'aucune protection ne sera jamais efficace à 100%: «En Floride, les maisons récentes sont censées être construites pour résister à des ouragans de catégorie 4 et 5, en ce qui concerne les vents violents».
Alors que nous continuons à échanger sur FaceTime, le vent vient taper contre le micro et on sent bien que l'ambiance n'est pas à la fête. Notre interlocuteur nous confie à quel point les habitants de la région sont en train de vivre un immense drame. Personne ne s'est totalement remis de l'ouragan Hélène, mais tout le monde doit se préparer au grand frère, Milton.
Le journaliste de télévision en a connu d'autres, mais nous assure que ce qui s'apprête à frapper la région est d'une «puissance inédite». Alors que les réseaux sociaux regorgent de publications évoquant des routes prises d'assaut et des files d’attente devant les stations-service, il nous confirme qu'il manque en réalité beaucoup de choses dans la région, désormais:
Alors que le gouverneur de Floride Ron DeSantis a promis qu'il n'y aurait pas de «pénurie majeure de carburant, CNN confirme que plus de 1000 stations sont actuellement en panne sèche sur la côte ouest. Dave Elias considère-t-il que les autorités font globalement bien leur boulot pour protéger la population? «Oui je le pense, ils font ce qu'ils peuvent, vous savez. Il ne faut pas croire tous les mensonges qui circulent en ce moment sur les réseaux sociaux.»
Alors que notre journaliste s'apprête à prendre l'antenne pour rendre compte des derniers développements concernant l'ouragan Milton, on lui demande comment il gère son double statut, citoyen et journaliste. Comme les pompiers ou les secouristes, Dave Elias doit à la fois faire son boulot au plus près de la catastrophe et protéger sa famille. Et l'une des étapes importantes, pour lui, c'est l'anticipation: «Je dois être prêt avant tout le monde et barricader ma maison le plus rapidement possible, car ensuite, je bosse».
S'il a couvert de nombreuses catastrophes propres à la Floride depuis trente ans, il est catégorique: «Les ouragans, c'est vraiment le pire, tout va très vite». Trois décennies de catastrophe à relater et pas la moindre envie de quitter la région, une bonne fois pour toutes?
Avant de se préparer pour le prochain direct sur NBC2, David Elias nous fait une confession inédite. Si Cape Coral «se retrouve dévastée, que des maisons disparaissent et que les arbres sont arrachés par l'ouragan», il pourrait reconsidérer tout cela pour la première fois de sa vie et «songer à déménager».
On lui promet enfin de reprendre de ses nouvelles jeudi, quand «l'ouragan du siècle» se sera éloigné de sa propriété et aura livré son horreur annoncée. Car les prochaines heures seront terribles pour une majorité d'habitants de Floride. Une routine à laquelle «on ne s'habitue jamais».