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L'Europe veut se passer du gaz russe, mais c'est difficile

L'UE reste aujourd'hui toujours accro au gaz en provenance de Russie.
L'UE reste aujourd'hui toujours accro au gaz en provenance de Russie.

L'Europe veut se passer du gaz russe, mais ça ne va pas être facile

La Commission européenne a dévoilé mardi son plan pour mettre définitivement un terme aux importations de gaz russe d'ici fin 2027. Un défi qui demeure difficile tant la dépendance de l'Europe reste importante.
06.05.2025, 16:5206.05.2025, 16:52
Nathalie ALONSO / Paris, France
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Trois après le début de la guerre en Ukraine, les Européens continuent de consommer encore beaucoup de gaz russe, en particulier du gaz naturel liquéfié (GNL).

La Commission européenne a présenté son plan pour se passer des énergies russes. L'exécutif européen propose d'agir en deux temps: l'interdiction des nouveaux contrats et des contrats courts (spot) existants avec les entreprises russes fin 2025, puis l'extinction de l'ensemble des importations de gaz depuis la Russie deux ans plus tard. «Il est maintenant temps pour l'Europe de rompre complètement ses liens énergétiques» avec la Russie de Vladimir Poutine, a lancé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, plus de trois ans après l'invasion de l'Ukraine.

Comment vont se positionner les Etats membres? Certains comme la Hongrie ne cachent pas leur proximité avec Moscou. D'autres sont de plus en plus dépendants du GNL russe. Le sevrage s'annonce délicat, compte tenu d'obstacles politiques et juridiques.

Pourquoi ce gaz est-il si important pour l'Europe?

En 2021, avant la guerre en Ukraine, 45% des importations de l'Union européenne de gaz (gaz gazeux acheminé par gazoducs et gaz liquéfié livré par navires) venaient de Russie, alors son premier fournisseur, selon des statistiques de l'UE.

L'Europe a depuis considérablement réduit sa dépendance à l'égard de Moscou avec le tarissement progressif des flux par gazoducs après l'invasion russe de février 2022, en réponse aux sanctions internationales.

Mais l'UE reste aujourd'hui toujours accro au gaz en provenance de Russie, qui est encore son deuxième fournisseur, après la Norvège: l'an dernier, la Russie représentait 18% de ses importations de gaz par gazoducs et 20% de ses apports de GNL. Pour ce gaz liquide très prisé des Européens, la Russie arrive juste après les Etats-Unis (45% des importations de l'UE).

Fin avril, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a reconnu qu'il y avait encore un long chemin à parcourir.

«Nous savons tous qu'il reste encore beaucoup à faire»
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne

Depuis la crise énergétique après la reprise post-Covid en 2021 et plus encore après le début de la guerre, l'Europe s'est massivement tournée vers le GNL, ce gaz déchargé dans des ports, regazéifié puis injecté dans le réseau européen de gaz: il représentait 37% des importations de gaz dans l'UE en 2024, pour 63% par gazoducs, d'après l'IEEFA, un centre de réflexion spécialisé.

L'Europe peut-elle se passer de la Russie?

Oui, mais pas immédiatement. Le marché du GNL, au cœur d'une compétition mondiale, est aujourd'hui tendu, faute d'offre suffisante, alors que de nouveaux projets ne seront mis en service qu'en 2026 ou 2027. «D'ici à 2028, nous devrions entrer dans une phase d'offre excédentaire de GNL au niveau mondial», souligne auprès de l'AFP Jan-Eric Fähnrich, analyste chez Rystad Energy.

Alors vers qui se tourner? L'UE pourrait diversifier ses approvisionnements en important encore plus de GNL américain, espérant ainsi échapper à des taxes douanières du président américain Donald Trump.

«L'Amérique du Nord et le Qatar augmenteront massivement leur capacité, mais l'Afrique entrera également de plus en plus en ligne de compte pour l'Europe, en particulier si le Mozambique parvient à apaiser certaines inquiétudes en matière de sécurité.»
Jan-Eric Fähnrich, analyste chez Rystad Energy

D'autres pays pourraient être sollicités sur le sol européen, comme la Norvège, premier fournisseur de tout le gaz livré à l'UE depuis la guerre (32% en 2024). «La Norvège a la possibilité d'étendre ses capacités de production de gaz naturel», assurait-on fin avril du côté du ministère français de l'énergie de Marc Ferracci.

Pourquoi est-ce compliqué pour l'UE?

Le sujet du gaz russe divise au sein des 27, à commencer chez certains Etats membres comme la Hongrie, ouvertement pro-russe. Et d'autres sont particulièrement dépendants de cette industrie du GNL: 85% des importations totales de GNL russe du continent en 2024 arrivent par la Belgique, la France et l'Espagne, selon l'Agence internationale de l'énergie.

L'idée d'un embargo sur le gaz russe, comme sur le pétrole russe, semble difficile, car elle nécessiterait l'unanimité des 27. Une importante hausse des droits de douane sur toutes les importations de gaz russe (gazoducs et GNL) «pourrait être l'option la plus viable pour l'UE», estime Simone Tagliapietra, chercheur spécialisé des questions européennes à l'institut Bruegel.

En février, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a averti que, si des sanctions venaient à frapper le champ gazier LNG Yamal en Sibérie, dans lequel le groupe détient une participation de 20%, «le prix du GNL grimpera(it) rapidement». Selon lui, les dirigeants européens ne souhaitent pas revivre «une nouvelle crise des prix en Europe».

Pour Rystad energy, l'un des principaux écueils pour l'UE sera de voir comment «traiter les contrats existants avec Shell, Total, SEFE et Naturgy», des contrats de long terme plus difficiles à dénouer.

Avec sa nouvelle feuille de route, Bruxelles promet de nouvelles actions contre la flotte fantôme russe, des navires pétroliers souvent vieillissants et opérés sous pavillon étranger, accusés d'être utilisés pour contourner les sanctions occidentales.

Des mesures contre les importations russes d'uranium enrichi sont aussi évoquées pour le mois de juin. «Aujourd'hui, l'Union européenne envoie un message très clair à la Russie: plus jamais, nous ne permettrons à la Russie d'utiliser l'énergie comme arme contre nous», a souligné le commissaire européen Dan Jorgensen.

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