Trois mois et demi après le kidnapping contre rançon du cofondateur de Ledger, le père d'un homme ayant fait fortune dans la cryptomonnaie a été libéré samedi soir lors d'un assaut de la police, 58 heures après son enlèvement. Récit.
Il est environ 10h30, jeudi 1ᵉʳ mai, avenue du Maine dans le XIVe arrondissement de Paris, lorsque Paul (prénom modifié) sort de chez lui pour promener son chien. Il y a peu de monde dans la rue en ce jour férié. Quatre hommes encagoulés l'empoignent et le forcent à monter dans un fourgon utilitaire au nom de UPS, comme l'ont confié des témoins à franceinfo. Le fourgon a été volé et floqué faussement du nom de l'enseigne de livraison, précise sur RTL Fabrice Gardon, directeur de la police judiciaire de la préfecture de police.
Paul appelle à l'aide. Ses cris alertent des riverains, qui ne peuvent intervenir. Le quinquagénaire est le père d'un homme ayant fait fortune dans la cryptomonnaie à Malte.
S'ensuivent 58 heures d'angoisse pour la famille et de calvaire pour Paul qui aura un doigt sectionné et dont les conditions de détention ont été «extrêmement difficiles», selon une source proche du dossier.
Une centaine de policiers de plusieurs services de police judiciaire sont mobilisés pour constituer une taskforce, au 36 rue du Bastion, avec la BRB (Brigade de répression du banditisme) en service coordonnateur, mais également la Brigade criminelle, la BRI (Brigade de recherche et d'intervention) et la Brigade de lutte contre la cybercriminalité (BL2C).
Comme lors d'attentats, des ateliers de travail sont organisés en fonction des expertises des uns et des autres, pour traiter les données (téléphonie, applications, cryptomonnaies). Une enquête «hors norme», d'«anthologie», souligne la source proche du dossier. Lundi, Fabrice Gardon, sur RTL et franceinfo, relate:
«Plusieurs millions d'euros» sous forme de cryptomonnaies sont réclamés au fils, revenu de Malte, qui est assisté par des négociateurs de la police et des psychologues durant les échanges avec les ravisseurs.
Un premier ultimatum est donné. Vendredi soir, le délai est expiré, les malfaiteurs coupent le doigt de leur victime. Ils filment la scène qu'ils envoient à la famille.
A ce moment-là, les enquêteurs brassent des milliers de données, les fouillent à la recherche d'un «micro détail», une «petite erreur permettant de tirer le fil», raconte sur BFMTV Thierry Sabot, patron de la BRI. Mais toujours rien.
Soudain, samedi en milieu de matinée, ce minuscule détail est trouvé et permet aux enquêteurs de remonter aux malfaiteurs.
Un pavillon dans un quartier tranquille de Palaiseau (Essonne) est localisé, avec «une certitude de 80%» que ce soit bien le lieu de séquestration de Paul. Le temps presse, un second ultimatum a été lancé, les ravisseurs menacent de mutiler une nouvelle fois leur otage, voire de le tuer.
A 21h, l'assaut est donné, une demi-heure avant l'expiration de l'ultimatum. Le patron de la police judiciaire:
Fabrice Gardon donne le «top interpellation» à la BRI peu avant 21h. Au Bastion, siège de la PJ parisienne, les enquêteurs font silence. Ils écoutent à la radio la préparation des policiers de la BRI. L'un d'eux:
«OK top assaut!»: Thierry Sabot vient de donner le signal. Puis il dit «jackpot», ce qui signifie que l'otage a été trouvé. Au Bastion, «l'émotion est très forte», les enquêteurs s'étreignent, poussent des cris de joie.
Sept personnes, tous jeunes, ont été interpellées. Ce qui frappe une source proche de l'enquête, c'est leur connaissance de ce qu'il y a de mieux en matière de technique, ce qui ne correspond pas à leur profil.
«Ils n'ont pas un profil, en termes de palmarès de voyous, extrêmement fourni, donc on est sans doute sur des exécutants», estime Fabrice Gardon:
Paul, qui est hospitalisé, n'a pas pu être encore interrogé par la police. (afp/jah)