Avec les survivants de l'un des plus grands bidonvilles de France
Au milieu des jardins ouvriers de Seine-Saint-Denis, en région parisienne, se dresse le bidonville de Stains, l'un des plus grands de France métropolitaine. Là, entre tôles et verdure, des familles en majorité roms vivent sous la menace d'un démantèlement.
Un dédale de précarité
Chasubles blanches sur les épaules, des soignants et travailleurs sociaux de Médecins du monde (MdM) entrent dans une petite allée de terre. Des enfants jouent, des coqs chantent. A droite, une cour avec des baraques précaires: une jeune mère file voir la pédiatre, une autre s'inquiète d'une rumeur d'expulsion imminente.
Les lieux pourraient presque «paraître bucoliques quand il fait beau», mais «ce sont des lieux de survie», témoigne Clément Etienne, coordinateur du programme Bidonvilles de l'ONG, lors d'une visite début septembre.
Dans ce site résident plus de 1000 personnes. Les «toilettes de campagne» y favorisent la propagation de maladies et en pleine canicule, «il fait pas loin de 50 degrés» dans les baraquements sommaires, énumère-t-il.
Devant sa caravane, Ioana s'inquiète de la perspective d'un démantèlement, devenu prioritaire pour l'Etat. La quinquagénaire, traduite par un interprète, comme les autres ressortissants roumains, déclare:
Cette brocanteuse vit ici depuis cinq ans. Elle assure avoir déposé une demande de logement et aimerait «pouvoir vivre dans une maison».
La menace d'un démantèlement proche
Dans ce bidonville, où il n'y a pas eu d'expulsion en plus de dix ans d'existence, les habitants «apprécient cette stabilité», atteste Clément Etienne.
Béret sur la tête, Vasile, 58 ans, craint de se retrouver à la rue avec sa famille, après huit ans passés dans ce lieu, très inquiet d'être expulsé, car ses enfants vont à l'école. Or, scolariser des enfants relève souvent du parcours du combattant pour les populations roms.
Avançant des problèmes sanitaires, de voisinage ou encore divers troubles à l'ordre public, le préfet de Seine-Saint-Denis Julien Charles assure:
Dans le cadre de la politique de résorption des bidonvilles, la préfecture va mandater une association pour établir un diagnostic auprès des familles. L'évacuation n'interviendra pas avant le printemps prochain, assure le préfet.
Voir ce bidonville va vraisemblablement disparaître, et c'est également le souhait de MdM. Mais à condition que toutes ces familles obtiennent un logement pérenne.
Une vie rythmée par les expulsions
En attendant, «des rumeurs» d'expulsion circulent à Stains et plongent les gens dans la peur, avertit Bogdan Pintea. Travailleur social à MdM, il accompagne ces populations, ressortissantes de l'Union européenne, dans leurs démarches administratives. Ce jour-là de septembre, il est venu avec une médecin généraliste, bénévole comme tous les soignants de l'ONG.
George (prénom modifié) ouvre la porte de sa petite baraque empreinte d'odeur de tabac, jonchée de boîtes de médicaments. L'ancien pompier, trente ans de carrière en Roumanie, souffre de problèmes de santé. Cet été, il s'est fait expulser d'un autre bidonville du département, à La Courneuve (au nord de Paris). L'homme à l'allure svelte déclare:
Clément Etienne déplore pour sa part:
Les équipes de MdM vont essayer de prendre rendez-vous pour le sexagénaire qui bénéficie de l'aide médicale d'Etat, permettant aux étrangers à revenus très faibles d'avoir une couverture à 100% pour leurs soins médicaux.
De tenaces préjugés
Ionel, arrivé en France avec sa femme il y a quelques mois après 14 ans de prison en Roumanie, est venu rendre visite à des proches habitant le bidonville. Ce quinquagénaire, qui aimerait s'établir en France, dénonce:
Dans son rapport annuel 2024, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme écrivait que, «malgré une amélioration sensible cette année, les Roms sont la minorité la plus stigmatisée» en France.
Après plusieurs heures passées au sein du bidonville, médecins et travailleurs sociaux de MdM repartent.
Fin 2024, environ 10 000 personnes, ressortissantes de l'Union européenne, vivaient dans quelque 227 bidonvilles en France métropolitaine, selon le gouvernement. Près de 1500 personnes ont été relogées en 2023.
