Le Rassemblement national (RN) va-t-il décrocher la présidence en 2027? Après la condamnation et l'inéligibilité prononcée pour Marine Le Pen en mars, on pensait le parti d'extrême-droite au fond du trou. Mais selon un récent sondage de l'Institut français d’opinion publique (Ifop), réalisé pour l'Institut Hexagone, le deuxième tour de la présidentielle 2027 aurait toutes les chances de voir un candidat du RN s'opposer à l'ancien Premier ministre centriste, Edouard Philippe.
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Voici la synthèse de notre sondage réalisé avec @IfopOpinion auprès d'un échantillon inédit de 10 000 personnes
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Qu'il s'agisse de Jordan Bardella ou de Marine Le Pen — si celle-ci arrive à se dépatouiller de ses affaires judiciaires —, les résultats sont les mêmes pour le premier tour. Le parti nationaliste fait systématiquement entre 32 et 35% face au candidat du parti Horizons, qui est lui entre 14 et 26%. La gauche reste derrière, avec des scores honorables mais insuffisants pour Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise, LFI) ou Raphaël Glucksman (Parti socialiste, PS). Au total, près de 10 000 sondés ont donné leur avis sur 14 personnalités politiques.
Nous avons décortiqué les résultats avec Paul Cébille, rédacteur en chef d'Hexagone et lui-même ancien directeur d'études au sein de l'Ifop.
Edouard Philippe semble être le seul homme politique qui a une chance de battre le RN. Va-t-il être «l'homme du barrage républicain» en 2027?
Il y a forcément une figure qui va émerger. Au centre, Edouard Philippe est pour l'heure bien placé: ancien Premier ministre, il est très connu, les gens ont gardé une bonne image de lui. Il représente un genre d'alternative à Emmanuel Macron au centre-droit, quelque part entre son électorat et celui de Valérie Pécresse. Pour ceux qui ont été déçus par la politique du président, ça compte.
Pour l'instant, Edouard Philippe ne s'est pas trop profilé. Risque-t-il de décevoir une fois candidat?
Il n'est en effet pas assuré de maintenir son score lorsqu'il va se lancer dans la course, s'exprimer publiquement et commencer à proposer des choses. En 2017, le favori des Républicains Alain Juppé, de l'aile centriste, a été éclipsé par François Fillon.
Le RN et LFI sont très virulents, et même si les votants ne sont pas parfaitement satisfaits avec la ligne ou la personnalité d'Edouard Philippe, ils pourraient être tentés de voter contre les extrêmes.
Comment analyser les résultats très compacts pour le RN au premier tour — entre 32 et 35% dans tous les scénarios?
Contrairement aux autres courants, il n'y a pas vraiment de concurrence autour du RN. C'est un bloc politique représenté par un seul parti, qui incarne un pan de la population qui ne se sent pas respectée.
Un votant qui veut la réduire n'aura pas beaucoup d'autre solution que de voter pour le Rassemblement national. Il y a une tendance similaire chez les Républicains, mais leur figure Bruno Retailleau n'est pas encore bien identifiée sur le sujet.
La confiance indifférenciée des votants entre Le Pen et Bardella contraste avec les guerres de chapelles au sein du RN, non?
La formation a désormais deux figures interchangeables qui disposent de la confiance de leur base, ce qui aide le parti à rester très haut dans les sondages.
Le RN est le seul parti à faire plus de 25% dans toutes les tranches d'âges et les genres. Comment l'expliquer?
La tendance est connue depuis 2022 et se renforce encore. Le RN est devenu un parti de masse. Il ne correspond plus seulement à la frange sociologique des couches populaires et des petits commerçants. Il est désormais présent dans toutes les catégories sociales. Le sentiment de ras-le-bol semble s'être généralisé dans la société française.
La différence est importante chez les moins de 25 ans...
C'est là où le fossé est le plus fort: il y a 10% d'écart vers la gauche pour les femmes et 10% d'écart des hommes vers la droite. Donc 20% au total. Cette fracture est un phénomène global qui existe partout, on le voit désormais: en France, en Suisse, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni.
Chez les retraités aussi, le vote RN a progressé.
Ce groupe vote d'habitude plutôt pour les centristes ou la droite libérale et apprécie les candidats qui se veulent «sérieux». Edouard Philippe reste leur candidat favori. Chose intéressante: chez les jeunes, Le Pen et Bardella ont la même cote mais ce dernier fait de meilleurs scores chez les retraités, notamment les plus pauvres. Pour ceux-ci, il y a certainement la question des fins de mois difficiles et la sensation de vivre dans un pays qu'ils ne reconnaissent plus.
C'est-à-dire: il est présent chez les riches comme les pauvres, garde un fort ancrage dans les zones rurales mais progresse géographiquement partout. Le RN a même presque 20% d'intentions de vote à Paris, c'est du jamais-vu.
Il y a encore dix ans, penser que le RN pourrait y faire un tel score, c'était impensable, non?
Ce changement est impressionnant. Il y a une réelle massification du RN, qui est un vrai atout pour eux. Désormais, tout le monde en France, où que ce soit, fréquente un électeur du RN. «Si mon cousin vote RN, pourquoi pas moi?», pourrait-on se demander même au sein du microcosme parisien. Cela pourrait rassurer les gens au deuxième tour.
Le RN qui progresse partout, la gauche qui reste forte chez les jeunes et un centre qui baisse chez les retraités: à quand un deuxième tour entre l'extrême-gauche et droite?
Je pense que le bloc central va continuer à dominer encore quelques années face au RN et à LFI. Il n'y a pas de signe qu'il puisse disparaître et puis, les gens peuvent aussi changer de vote au cours de leur vie. Ce qui est certain, c'est que la société française a changé et que les positions se cristallisent autour des questions d'immigration et des inégalités.
Selon Le Monde, il y aurait eu des pressions sur Hexagone de la part de l'entourage de Le Pen pour la rajouter au sondage, alors que seul Bardella était prévu. Que répondez-vous?
Les sondés ont été contactés après sa condamnation et l'annonce de son inéligibilité, qui va a priori se maintenir jusqu'à son appel en 2026. Nous avons commencé le sondage en ne proposant que Jordan Bardella, puis avons fini par changer d'avis et testé un panel représentatif supplémentaire pour Marine Le Pen.
Des cadres du RN, mais aussi des socialistes qui jugeaient qu'on ne testait pas assez parmi leurs candidats, ou encore des soutiens de Gabriel Attal. Nous ne voulions pas de polémique. Nous avons fini par inclure toutes les personnalités qui nous paraissaient pertinentes et établir les différents scénarios.