«Il y a trop de similitudes, trop de ressemblances.» Abdelkrim Branine en est convaincu. Le long métrage «Numéro 10» sorti le 26 janvier sur Amazon Prime et la série «La Fièvre» actuellement diffusée sur Canal+ ont «plagié» son roman «Le Petit Sultan», paru en mars 2022 aux éditions Zellige. Le nom du journaliste et romancier Abdelkrim Branine n’est pas inconnu des lecteurs de watson, qui a déjà eu recours à son expertise pour des articles sur le football français en lien avec l’immigration et la banlieue.
«Le Petit Sultan» raconte l’histoire tourmentée d’un jeune prodige franco-algérien né en France et promis à une brillante carrière avec les Bleus. Sur fond de fractures identitaires, rattrapé par le passé toujours vif de la guerre d’Algérie, Yougerten, le héros, suivra tout sauf la voie royale. A la suite d’une violence policière, il prend une décision qui le fera à la fois mûrir et morfler.
Voilà qu’aujourd’hui le cinéma et la télé s’emparent des conflits de loyauté des descendants de l'immigration entre pays d’origine et pays de naissance. Le milieu du football est la parfaite cristallisation de ces dilemmes. Qu'on songe aux «cas» Benzema, Nasri, Fekir, Ben Arfa.
Le 14 février, Abdelkrim Branine a adressé par voie d'avocat une «mise en demeure pour contrefaçon de droit d’auteur» à Marvelous Productions, le producteur de «Numéro 10». Le journaliste et romancier de 47 ans, ancien rédacteur en chef de la radio Beur FM, l'affirme:
En voici quelques-unes, telles que signalées dans la mise en demeure du 14 février:
De leur côté, les producteurs de Marvelous Productions, ex-patrons de Pathé, du très lourd dans le cinéma français, se défendent de toute «contrefaçon» ou «reprise» du livre «Le Petit Sultan», dont ils affirment n’avoir pas eu connaissance. Ils assimilent les «prétendues reprises» énumérées par le romancier et son éditeur Zellige à des «éléments généraux » que ces derniers «ne sauraient s’approprier».
Leur argument principal est celui de la date de dépôt du scénario de «Numéro 10» à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, l’organisme qui garantit la propriété intellectuelle des œuvres: le 16 septembre 2019. Le livre paraît deux ans et demi plus tard.
Abdelkrim Branine objecte:
L’auteur du «Petit Sultan» n’a encore entamé aucune procédure vis-à-vis de la production de «La Fièvre», la nouvelle série à succès de Canal+, en six épisodes, dont le cinquième est diffusé ce lundi soir 8 avril. Une série «très attendue», écrite par l’auteur de «Baron noir», Eric Benzekri, avec en vedettes Benjamin Biolay et Ana Girardot.
«Il y a une affaire de spin doctor qui n’est pas dans mon livre, mais pour le reste, là encore, sur ce que j’ai vu jusqu’à présent, on y trouve de nombreuses similitudes avec mon roman», note Abdelkrim Branine.
Un élément finit de convaincre Abdelkrim Branine que «tant de coïncidences entre "La Fièvre" et "Le Petit Sultan" ne peuvent pas être des hasards». «Dans le quatrième épisode, le patron du club de banlieue, interprété par Benjamin Biolay, instaure la démocratie conrinthiane, qui fait référence à un modèle de gestion opposé au foot business, dont je parle dans mon livre.»
Cette référence, il faut l’avoir en soi, il faut l’avoir travaillée pour la faire apparaître, estime l’auteur du «Petit Sultan». «Cette référence, je l’ai en moi. La démocratie conrinthiane renvoie aux Corinthians, l’équipe brésilienne où jouait la star des années 80 Socrates, à qui l’on doit ce modèle de gestion. Le plus piquant, et je ne crois définitivement pas à un hasard, c’est que Benjamin Biolay parle de Socrates dans la série.»
Aujourd’hui, Abdelkrim Branine demande une chose:
Jointe par watson, la production de «La Fièvre» n'avait pas donné suite à nos sollicitations au moment de la publication du présent article.