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Macron est dans une position délicate face à ses agriculteurs

Emmanuel Macron est dans une position délicate, entre les paysans et l'Union européenne.
Emmanuel Macron est dans une position délicate, entre les paysans et l'Union européenne.Image: keystone

Macron et le Conseil fédéral ont un problème en commun

La France et l'Allemagne se disputent au sujet du Mercosur, un important accord de libre-échange avec l'Amérique du Sud. L'issue de la querelle aura des conséquences pour l'économie suisse.
22.11.2024, 06:0422.11.2024, 06:04
Stefan Brändle, Paris / ch media
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Les tracteurs sont de retour à Paris. La dernière «opération escargot» en date a commencé lundi matin: deux tracteurs roulant au pas ont suffi à paralyser la N118, une importante bretelle d'autoroute du sud-ouest de Paris. En parallèle, les agriculteurs ont fait rouler leurs lourds véhicules au ralenti sur 80 échangeurs dans toute la France. Depuis, de nouveaux barrages se succèdent chaque jour.

Les raisons de la colère? L'accord Mercosur, conclu par l'Union européenne (UE) avec le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay et la Bolivie. Il crée davantage de libre-échange pour les biens européens tels que les voitures, les produits pharmaceutiques ou les services financiers.

De la viande à bas prix

Mais les paysans s'inquiètent moins de l'importation de machinerie sud-américaine que de ses produits agricoles. Car l'Amérique du Sud veut exporter de la viande de bœuf, de la volaille ainsi que du sucre en grand nombre et à bas prix vers l'Europe. La Commission européenne prévoit par exemple 99 000 tonnes de bœuf par an en provenance d'Amérique du Sud.

Selon la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), cette «concurrence à bas prix» menace plusieurs milliers d'exploitations agricoles qui sont soumises à des normes environnementales plus strictes que les Sud-Américains, notamment en matière d'hormones. Les Verts critiquent également le fait que les normes européennes contre la déforestation ne sont pas appliquées, en particulier en Amazonie.

Macron «obligé» de se prononcer contre

Emmanuel Macron, en tournée en Amérique du Sud depuis samedi, a toutefois déclaré lors de sa première étape à Buenos Aires que la France ne signerait pas l'accord «en l'état». Selon les sondages, 88% des Français sont opposés au Mercosur.

La plupart des Français interrogés disent préférer payer un peu plus pour un «bifteck» maison. Emmanuel Macron, partisan du libre-échange, est toutefois obligé de se prononcer de manière critique face au Mercosur. Le président, en difficulté sur le plan de la politique intérieure, est même prêt à accepter que cette question gâche toute sa tournée sud-américaine de cette semaine.

Emmanuel Macron a prévu un débat mardi prochain à l'Assemblée nationale française, sachant pertinemment que la plupart des partis se positionneront contre le Mercosur par égard pour leurs électeurs ruraux. Et pendant ce temps, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard tente de mettre sur pied à Bruxelles une minorité destinée à bloquer l'accord.

La France isolée

Car au sein de l'UE, la France est isolée. Tout d'abord, elle doit faire face à son allié le plus important de l'Union: l'Allemagne, qui est très intéressée par cet accord, comme l'a récemment affirmé le chancelier Olaf Scholz. Et la plupart des autres Etats considèrent l'accord transatlantique comme une chance pour l'Europe de contrer le protectionnisme des Etats-Unis ou de la Chine.

Les discussions s'accélèrent depuis une année:

Pékin investit en effet des milliards en Amérique du Sud et a inauguré, la semaine dernière, au Pérou un gigantesque port pour sa «nouvelle route de la soie». L'Amérique du Sud exporte également des minéraux comme le lithium ou le cobalt, qui constituent une base importante pour l'indépendance technologique de l'Europe, notamment dans la fabrication de smartphones.

Une humiliation pour Macron

D'autres pays qui ont une production agricole importante, comme les Pays-Bas, l'Irlande ou la Pologne sont favorables au Mercosur. Si la France se retrouve en minorité et doit accepter l'accord malgré la colère populaire, ce serait une humiliation sans précédent pour Macron.

Poussés par l'Allemagne et l'Espagne, les négociateurs européens ont fixé la date de la signature de l'accord au 6 décembre, à Montevideo. Emmanuel Macron pourrait boycotter la cérémonie, chuchote-t-on à Paris.

Un quart de siècle d'attente

Quant à l'économie suisse, elle suit avec beaucoup d'intérêt ce bras de fer interne à l'UE. Les pays de l'AELE – Suisse, Norvège, Liechtenstein et Islande – ont également négocié un accord de libre-échange avec quatre pays du Mercosur en août. En Suisse, les agriculteurs et les Verts suisses se positionnent contre l'accord, comme leurs camarades français, tandis que les représentants de l'économie s'alignent sur les cadres de l'UE.

Les deux prochaines semaines seront décisives. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen travaille à un compromis: elle proposerait un fonds d'aide d'un milliard d'euros pour dédommager les agriculteurs victimes du Mercosur. Reste à savoir si cela suffira à sauver l'accord, en discussion depuis un quart de siècle.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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