Un ex-anesthésiste accusé d'empoisonnements
L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a accusé lundi soir, lors de son premier interrogatoire devant la cour d'assises du Doubs, les enquêteurs et ses collègues de lui avoir «mis sur le dos» les 30 empoisonnements, dont 12 mortels, dont il est accusé, afin de «sauver la clinique» où il travaillait.
La justice soupçonne le médecin de Besançon d'avoir frelaté des poches de produits anesthésiants à l'origine d'arrêts cardiaques de patients lors d'opérations entre 2008 et 2017.
Mais après deux semaines d'accusations, la défense a contre-attaqué lundi, en exposant sa thèse devant la cour, celle d'une clinique Saint-Vincent qui risquait la fermeture alors qu'un mystérieux «empoisonneur» sévissait dans ses murs.
L'accusé a évoqué une «collusion» entre les enquêteurs et ses collègues de la clinique privée. «Tout a été fait pour me mettre sur le dos ces empoisonnements et éviter de fermer la clinique», a-t-il estimé, au terme d'un interrogatoire tendu avec la présidente de la cour d'assises, les avocates générales et les avocats des parties civiles, qui lui ont opposé avec véhémence les éléments du dossier en sa défaveur.
Qui s'exprimait pour la première fois sur le fond de l'affaire, deux semaines après l'ouverture de son procès à Besançon.
Les empoisonnements de Sandra Simard et Jean-Claude Gandon, les 11 et 20 janvier 2017, avaient plongé la clinique et ses professionnels dans l'angoisse. Les policiers ont interpellé Frédéric Péchier dès le mois de mars suivant et plus aucun arrêt cardiaque suspect ne s'est produit depuis.
«Points communs»
La défense a désigné nommément un collègue de Frédéric Péchier, l'anesthésiste Sylvain Serri, comme le possible empoisonneur.
«Sylvain Serri faisait tout pour que certains vous chargent», a relevé Randall Schwerdorffer, l'avocat de l'accusé.
Pourtant «vous avez deux points communs avec lui», a-t-il continué: une intervention «étonnante» lors des arrêts cardiaque de Mme Simard et de M. Gandon, et une présence fréquente lors de ces incidents.
La première partie de son interrogatoire, lundi après-midi, a porté sur l'empoisonnement présumé de Sandra Simard, une patiente alors âgée de 36 ans et en bonne santé, victime d'un arrêt cardiaque alors qu'elle devait subir une simple opération du dos.
Le problème, c'est «qu'on n'a trouvé personne qui vous avait appelé», lui a rétorqué l'avocate générale Thérèse Brunisso.
A grand renfort de détails médicaux, Frédéric Péchier a tenu tête pendant plusieurs heures à ses accusateurs, avec parfois de l'agacement, ayant réponse à toutes les remarques et réinterprétant certains témoignages. «On n'entend pas la même chose», a ironisé Brunisso.
«Poche empoisonnée»
Pour autant, «je n'ai pas empoisonné la poche de Simard. C'est net. C'est tout ce que j'ai à vous répondre», a insisté l'ancien médecin, qui a toujours clamé son innocence.
D'une voix claire et posée, il a justifié ses choix thérapeutiques pour venir en aide à Simard. La semaine dernière, le parquet et les représentants des parties civiles s'étaient étonnés qu'il lui ait administré en urgence du gluconate de calcium, un produit utilisé pour aider le coeur en cas d'excès de potassium.
Or l'enquête montrera que Simard avait été empoisonnée avec une forte dose de potassium dans sa perfusion, ce que l'anesthésiste n'était pas censé savoir à ce moment-là.
Quant à la thèse de l'accusation selon laquelle il aurait agi pour nuire à des collègues avec qui il était en conflit avant de montrer ses talents de réanimateur, l'accusé a reconnu un «contexte très crispé», mais «être en colère, ça ne veut pas dire empoisonner quelqu'un (...) Ça n'a rien à voir», a-t-il martelé.
Frédéric Douchez, «mais ce n'est pas venu».
Le procès doit se poursuivre jusqu'au 19 décembre. (dal/ats)