International
France

Emeutes en France: «Sans les claques de mon père, je ne serais pas là»

Emeutes en France: «Sans les claques de mon père, je ne serais pas là»

A la cité Pablo-Picasso de Nanterre, où les émeutes ont éclaté après la mort de Nahel, on essaie d'aller de l'avant au milieu d'immenses difficultés. Certains vantent les mérites supposés d'une éducation stricte, à l'image du préfet de l'Hérault qui préconise un «deux claques et au lit».
05.07.2023, 18:5705.07.2023, 20:43
Plus de «International»

Aller de l’avant. Ce pourrait être la devise de toutes les associations de quartiers en France. Originaire de Picardie, Loubna Bennazi œuvre depuis 20 ans à Authenti-Cité, à Nanterre, la ville où Nahel a été tué par un policier le 27 juin. La cité Pablo-Picasso, avec ses tours Nuages d’aspect si ludique, point de départ de la marche blanche en hommage au jeune homme décédé, sert de cadre de travail à cette mère de trois enfants.

La justice, la police? Au cœur des projets éducatifs

La révolte devenue émeute est partie de là. «Des voitures ont brûlé sur la grande avenue, les commerces de la cité, tout comme les locaux associatifs, ont été épargnés», raconte-t-elle soulagée. Les affrontements avec les forces de l’ordre ont été d’une rare violence à Nanterre, mais son fort maillage social a sans doute évité au chef-lieu du département des Hauts-de-Seine un bilan bien plus lourd en termes de dégradations: écoles et mairie sont restées intactes.

Aller de l’avant. Penser à l’après. «Cet été, on va participer à un procès reconstitué avec le collège Evariste Galois.» On est toujours à Pablo-Picasso. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la justice et la police sont au cœur des projets éducatifs. Les «clubs de prévention», les «médiateurs de la ville»: des structures et un vocabulaire qui témoignent des efforts consentis pour prévenir la délinquance ou pour en sortir.

«Une douzaine de jeunes de chez nous, rencontrant des difficultés, effectue en ce moment un séjour quelque part en France avec des éducateurs»
Loubna Bennazi

«20% de mères seules»

Cherchant des explications, désignant des responsables derrière les émeutes, le gouvernement a pointé du doigt l’absence d’autorité parentale et soulevé le cas des mères seules, autrement dit, l’absence des pères. «Dans le secteur où je travaille, qui ne couvre pas seulement la cité Pablo-Picasso et qui fait en tout 23 000 habitants, environ 20% des foyers sont des mères seules», rapporte Loubna Benazzi.

«Elles travaillent, élèvent leurs enfants, en moyenne trois par foyer, dans de bonnes conditions, autant que faire se peut», ajoute la travailleuse sociale, qui refuse de donner une «image misérabiliste» de la population qu’elle côtoie quotidiennement. Les aides accordées par les pouvoirs publics ne manquent pas: allocations logement, allocations mère isolée, on y revient, d’autres encore.

N’empêche, le risque de verser dans la délinquance augmente avec le défaut d’encadrement familial. Si l'on ajoute à cela le décrochage scolaire et la perspective d’emploi qui s'éloigne...

«Le trafic de drogue peut être alors une activité tentante»
Loubna Benazzi

Nahel, lui, a été élevé par sa mère, sans père, lequel vient de réapparaître pour se porter partie civile dans la procédure judiciaire pour homicide volontaire. Connu des services de police pour «refus d’obtempérer» et «conduite sans permis», mais un casier judiciaire vierge, Nahel avait des problèmes d’insertion, comme cela arrive à son âge. Il n'allait plus en cours de CAP électricité.

Loubna Benazzi se désole du désintérêt autour d'elle pour les professions manuelles:

«J’invite les jeunes à apprendre des métiers, plombier, serrurier, électricien, des formations avec des débouchés, offrant de bons salaires, mais, malheureusement, je suis peu écoutée. Beaucoup veulent une reconnaissance sociale rapide et cela passe pour eux par les études. Sauf qu’ils font face à des difficultés, à commencer par l’inscription sur Parcoursup, la plateforme dédiée aux futurs étudiants après le bac. La réussite n’en sourit pas moins à de nombreux jeunes de la cité: inscriptions en Master, en BTS (réd: brevet de technicien supérieur), obtention du bac.»

Les points de deal à Pablo-Picasso ? «Il y en a, on fait avec», répond Loubna Benazzi. La travailleuse sociale tient le coup.

«On nous remercie tout le temps pour le travail qu’on fait. On aide les gens dans leurs démarches administratives. Parfois, ils sont complètement perdus. La fracture numérique, ici, est immense»
Loubna Benazzi

Aller de l’avant, c'est aussi voir chez les «jeunes» ce qu’ils ont de meilleur en eux. «Le week-end dernier, ils ont distribué 300 colis alimentaires», raconte celle qui a vingt ans de présence dans la cité.

Aziz Senni est né il y a 46 ans au Val-Fourré, qui reste la plus grande cité de France, à Mantes-la-Jolie, dans le département des Yvelines, en grande région parisienne. Il n’y habite plus. L’homme a réussi professionnellement. Il est devenu chef d’entreprise et ne cesse de militer pour une réelle mixité ethno-sociale dans les quartiers populaires. Il a de l’admiration pour les mères qui élèvent seules leur(s) enfant(s) et plaide pour plus de crèches en cités.

«Trop souvent, on s’arrange au noir entre mamans pour faire garder les enfants, mais cela n’a pas l’efficacité des structures professionnelles»
Aziz Senni

Libéral en économie, Aziz Senni ne décolère pas contre ce qu’il reste selon lui de l’«idéologie soixante-huitarde» dans le paysage politico-médiatique. Contrairement aux députés de La France insoumise, qui ont saisi la justice, il approuve des deux mains le «deux claques et au lit» préconisé par le préfet de l'Hérault, en rapport avec la «responsabilité» des parents dans les émeutes.

«Si mon père ne me les avait pas données, ces deux claques, je ne serais pas là aujourd’hui à vous parler. Dans un milieu très dur, il faut un éducation dure»
Aziz Senni

Si les bâtiments publics et commerces de la cité Pablo-Picasso ont semble-t-il échappé à la vindicte des émeutiers, ce n’est pas le cas de l’annexe de la mairie de Mantes-la-Jolie au Val-Fourré, qui a été incendiée. «Les commerces de la cité n’ont pas brûlé, mais certains ont été cambriolés à la faveur des émeutes. Pas de chance pour les voleurs, ces commerces appartiennent à des anciens de la cité, de mon âge. Un rappel à l’ordre, que je vous laisse deviner, a été effectué pour passer l’envie de recommencer», relate Aziz Senni. Le préfet de l’Hérault aurait sans doute approuvé.

Tensions à Nanterre après la mort de Naël
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Civils tués dans des raids russes et syriens ++ L'ONU déplore 370 000 déplacés
Suivez l'évolution de la situation en Syrie, où les forces rebelles islamistes ont lancé une offensive éclair fin novembre. Elles veulent reprendre le pays des mains du gouvernement de Bachar al-Assad.
L’article