Pour une fois, la classe politique française est unanime – excepté Renaissance, mais c’est normal, il s’agit du parti présidentiel et le président est ici en cause. De La France insoumise au Rassemblement national, en passant par la droite LR et la gauche PS, tous reprochent à Emmanuel Macron d’avoir hébergé jeudi soir à l’Elysée, fût-ce à titre symbolique, une célébration religieuse à l'occasion d’Hanouka, la fête juive des Lumières. Garant des lois, et de leur esprit si l’on peut dire vu le sujet, le chef de l’Etat aurait splendidement ignoré celle sur la laïcité, pourtant omniprésente dans le débat public hexagonal, à deux jours, qui plus est, de sa date anniversaire – elle a été adoptée le 9 décembre 1905.
Que s’est-il passé? Jeudi soir, l’Elysée accueillait une «Conférence européenne des rabbins», venue remettre au président français le prix Lord Jakobovits, qui récompense les gouvernants européens luttant contre l'antisémitisme. L’ex-chancelière allemande Angela Merkel avait reçu cette distinction en 2013.
Alors que commençaient dans le monde entier les célébrations d’Hanoukka, le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, présent à la cérémonie de remise du prix en question, a allumé une bougie d'un chandelier à sept branches, symbole du judaïsme, objet central de la fête des Lumières. Emmanuel Macron assistait à ce moment. L’Elysée transformé en lieu de culte?
En célébrant #Hanouka à l'Élysée, Macron sait parfaitement qu’il va lancer une polémique intense au pays de la laïcité. Par son geste, le Président renvoie dos à dos les communautés chrétiennes, musulmanes, les athées tout en divisant la communauté juive.pic.twitter.com/xaiTXnEget
— Carėne Tardy (@Carene1984) December 8, 2023
Florilège des réactions :
Les commentaires réprobateurs n’ont pas manqué de souligner une forme d’inconséquence chez Emmanuel Macron dans sa manière de mener la lutte contre l’antisémitisme, ravivé par la guerre au Proche-Orient:
Bref, aux yeux de beaucoup sinon de tous, Emmanuel Macron a voulu, jeudi soir, se faire pardonner sa non-participation à la marche du 12 novembre. Ce faisant, il aurait abîmé la laïcité sans se rattraper de rien. L'historien Eric Anceau, spécialiste des questions de laïcité, s'est étranglé:
En ne choisissant pas ou à mauvais escient, Emmanuel Macron donnerait des arguments à tous ceux qui lui reprochent, au premier chef La France insoumise, un «deux poids, deux mesures» au détriment des musulmans. En pleine guerre à Gaza, le tancent ses détracteurs après ce «happening Hanouka» à l’Elysée, pouvait-il y avoir pire moment pour renforcer l’impression, vivace chez les antisémites, que les juifs sont les «petits protégés» du pouvoir? Quand on interdit le port de l’abaya à l’école, on se garde de brouiller sa communication sur la laïcité, lui rappellent certains. Jeudi soir, Emmanuel Macron s'est pris les pieds dans le chandelier d'Hanouka.