Ce jeudi, le gouvernement d'Emmanuel Macron a justement choisi l'épreuve de force pour faire passer, au dernier moment, son projet contesté de réforme des retraites.
Huées à l'Assemblée nationale, manifestations dans le pays et motions de censure déposées: quelle est la suite? Et comment se fait-il qu'en France, une loi puisse être acceptée sans avoir été votée?
Il s'agit, comme son nom l'indique, de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution française (utilisé 88 fois depuis 1958). Mais encore? Il permet au Premier ministre (après délibération du Conseil des ministres) «d'engager la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale».
Et donc? Le projet de loi (ici, le relèvement de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans) est adopté sans qu'aucun vote n'ait eu lieu.
Cependant, depuis la révision constitutionnelle de 2008, le gouvernement n'a plus le droit d'avoir recours à l'article 49.3 aussi souvent qu'il le souhaite. Désormais, ce n'est possible que pour une proposition de loi par session.
Mais il y a un «mais». Le projet ou la proposition de loi est «réputé adopté», sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures qui suivent. Pour cela, elle doit être signée «par au moins un dixième des 577 membres de l'Assemblée nationale».
Si la motion de censure est acceptée à la majorité absolue, le texte de loi proposé est alors rejeté et le gouvernement renversé.
Ce scénario n'est cependant arrivé qu'une seule fois dans l'histoire de la Cinquième République, à l'époque où Charles de Gaulle était président et Georges Pompidou Premier ministre.
Libération remonte en octobre 1962. A l'époque, le chef de l'Etat veut lancer un référendum pour permettre aux citoyens d'élire le président au suffrage universel, jusque-là élu pour sept ans par un suffrage électoral, qui comprenait notamment des représentants des conseils municipaux.
«Branle-bas de combat au Parlement», comme l'écrit le journal français, et dépôt d'une motion de censure qui est bel et bien adoptée. Pompidou démissionne, mais de Gaulle refuse cette démission. Il dissout alors l'Assemblée et «renvoie tout ce petit monde devant les électeurs». Son gouvernement remporte les élections législatives qui suivent et est donc reconduit, comme le rappelle Europe 1.
Ce vendredi 17 mars, l'Histoire se répète. Comme le relaye Le Monde, le Rassemblement National (RN) et le groupe centriste Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) ont chacun déposé cette fameuse «motion de censure». C'est celle des centristes qui aurait toutefois le plus de chance de faire tomber le gouvernement d'Elisabeth Borne, analyse l'OBS.
🔴 Face à un gouvernement brutal et isolé, nous voterons l’intégralité des motions de censure qui seront déposées. #RéformeDesRetraites
— Rassemblement National (@RNational_off) March 17, 2023
Dans l’intérêt de la France et des Français, ce gouvernement doit tomber ! ⤵️ pic.twitter.com/0MJWiFWmXF
Mais il y a encore un «mais». En effet, pour que ce scénario se (re)produise, 287 députés, soit la majorité absolue, doivent accepter la motion de censure, lundi 20 mars. Ils devraient ensuite proposer le nouveau gouvernement dans un délai de 14 jours.
L'OBS a cependant fait ses calculs, et explique que même si tous les députés votent, il risque de manquer au moins 25 voix pour que l'on assiste à un épisode comme celui de 62. En cause: il est peu probable que les membres des partis proches d'Emmanuel Macron se retournent contre son gouvernement.
Il est important de préciser que quoiqu'il arrive ces prochains jours, Emmanuel Macron ne perdra pas son poste. Seul son gouvernement est menacé et il en a bien conscience:
Au cas où le gouvernement tomberait, Emmanuel Macron a menacé - l'été dernier déjà - de dissoudre l'Assemblée nationale.
Les mandats de l'ensemble des députés prendront alors fin, explique l'Union, et les Français devront retourner voter dans les 20 à 40 jours qui suivent cette décision. Le journal précise toutefois que le Sénat restera quant à lui en place, car élu au suffrage universel indirect.
Sur France 3, le politologue Thomas Frinault analyse lui aussi la situation. Selon lui, retourner devant les électeurs n'apportera pas grand-chose à de nombreuses formations politiques. Il affirme toutefois: