Ce mardi, les cortèges étaient plus épars que jamais, partout en France. Cela fait cinq mois que la mobilisation bat son plein pour dénoncer la réforme des retraites. Ce qui n'a pas empêché le gouvernement de la faire passer, sans qu'elle soit votée par l'Assemblée nationale. Le texte repousse notamment de 62 à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite.
Quelque 900 000 personnes seulement ont manifesté à travers le pays selon le syndicat CGT, soit le niveau le plus bas depuis le début du mouvement en janvier, et quelques incidents, devenus traditionnels, ont éclaté dans certaines villes. Au total, plus de 11 000 policiers et gendarmes étaient mobilisés, dont 4000 à Paris.
L'estimation la plus basse du syndicat remontait au 11 mars avec un million de manifestants dans le pays.
A Paris, la CGT a fait état de 300 000 manifestants, contre 31 000 pour les autorités.
Les cortèges ont été émaillés de heurts entre manifestants et forces de l'ordre, notamment à Lyon, Toulouse, Nantes et Rennes, mais plutôt moins que lors des dernières manifestations. A Paris, un CRS a été blessé, et du mobilier urbain dégradé, et la préfecture avait procédé à 28 interpellations à 18h45.
Le défilé parisien est cependant passé sans accrochage devant l'Assemblée nationale, les manifestants redoublant de huées et collant à même le sol, en lettres majuscules: «Ci-gît la démocratie». Signe de leur désillusion après les «passages en force» de l'exécutif au Parlement, malgré la tentative d'abrogation des oppositions.
«Le match est en train de se terminer, qu'on le veuille ou non», a déclaré le numéro un de la CFDT, Laurent Berger. Il a appelé les syndicats à «peser dans le rapport de force à venir» sur d'autres sujets comme les salaires ou les conditions de travail.
«Nous voulons de vraies négociations», a prévenu à ses côtés la dirigeante de la CGT, Sophie Binet. Soulignant que «les retraites resteront toujours un combat», elle a mis en avant l'objectif de «gagner des avancées concrètes».
«L'intersyndicale va rester unie», a-t-elle ajouté, jugeant «probable qu'il y ait d'autres manifestations au vu de la colère dans le pays».
Contrairement aux précédentes journées, peu de perturbations ont été recensées dans les écoles comme dans les transports, même si un tiers des vols étaient annulés au départ de l'aéroport de Paris-Orly.
Selon un mode d'action déjà employé par le passé, le courant électrique a été coupé dans une large zone des Hauts-de-Seine, près de Paris, qui abrite des sièges de médias dont la radio RFI et la chaîne d'information France 24.
Dans la même veine d'action coup de poing: le siège du Comité d'organisation des JO-2024 a été brièvement envahi par des militants CGT.
Le sentiment de lassitude était aussi visible chez les dirigeants politiques mobilisés contre la loi phare de ce second mandat de M. Macron.
«La lutte continuera», a promis le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon sans savoir «sous quelle forme», tandis que celle des Verts Marine Tondelier a estimé que le gouvernement n'avait «pas gagné».
Mais le camp présidentiel entend avancer, comme en témoigne la publication dimanche au Journal officiel des deux premiers décrets d'application, dont celui portant progressivement l'âge légal de la retraite à 64 ans.
Les oppositions tenteront donc jeudi de soutenir à l'Assemblée une proposition de loi visant à abroger la réforme, mais cette initiative a peu de chances d'aboutir.
Pour la droite, «le match est joué», a estimé le chef des sénateurs Les Républicains (LR) Bruno Retailleau.
La cote de popularité du chef de l'Etat rebondit légèrement, à 31% d'opinions favorables contre 29% lors des deux mois précédents, mais celle de sa première ministre Elisabeth Borne recule de 4 points à 26%, soit son niveau le plus bas, selon un sondage publié mardi. (ats)