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7 octobre: les Israéliens retournent sur les lieux du massacre

Si certains ne sont de loin pas prêts à se retirer en bordure de la zone de guerre — pour d'autres, un retour chez eux, à proximité de la bande côtière, ne suffit pas.
Si certains ne sont de loin pas prêts à se retirer en bordure de la zone de guerre — pour d'autres, un retour chez eux, à proximité de la bande côtière, ne suffit pas.image: Felix Wellisch

Les Israéliens retournent sur les lieux du massacre et c'est le choc

A Gaza, la faim et les attaques israéliennes désespèrent les habitants. Au même moment, à quelques kilomètres de là, des Israéliens retournent dans leurs villages meurtris, cinq mois après l'attentat du Hamas.
06.03.2024, 18:5906.03.2024, 19:24
Felix Wellisch, Sderot (israël) / ch media
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Depuis la «Colline des journalistes» à Sdérot, proche de la bande de Gaza, la guerre n'est plus visible. A moins d'un kilomètre, la frontière se trouve entre des collines basses. Un jeune couple s'est installé sur deux chaises en plastique pour profiter de la vue, sous le soleil de l'après-midi.

Près de cinq mois après l'attaque terroriste du Hamas, l'armée a déclaré Sderot et 17 autres localités situées à proximité immédiate de la bande de Gaza comme étant «sûres pour un retour». Si certains ne sont de loin pas prêts à se rapprocher de la zone de guerre — pour d'autres, un retour à proximité de la bande côtière est nécessaire.

En Israël, il est difficile d'être plus proche de l'horreur de la guerre à Gaza qu'à Sderot. De l'autre côté de la frontière, plus d'une centaine de personnes ont été tuées jeudi, selon l'autorité sanitaire palestinienne, alors qu'elles se pressaient autour d'un convoi d'aide humanitaire. L'Autorité, dirigée par le Hamas, a accusé l'armée israélienne d'avoir tiré dans la foule. L'armée a indiqué que la majorité des personnes avaient été piétinées ou écrasées lors d'un mouvement de panique.

Coucher de soleil à Sderot, avec vue sur Gaza.
Coucher de soleil à Sderot, avec vue sur Gaza.image: Felix Wellisch

Ici, à Sderot, sur la rue Herzl, la plupart des boulangeries, supermarchés et restaurants ont rouvert. Asher Abitbol, kippa en crochet et boucles grises, charge des courses dans sa voiture.

«Bien sûr, nous devons repeupler la bande de Gaza»

A ses yeux, seule la présence de colons et de l'armée israélienne à Gaza apporterait le contrôle et donc la sécurité. Abitbol vit dans la colonie de Psagot, illégale au regard du droit international, en Cisjordanie occupée. «Nous accompagnons la sœur de ma femme lors de son retour, elle n'aurait pas osé le faire seule», confie-t-il. Mais selon lui, la région doit retrouver une certaine normalité.

Selon les médias, les aides financières diminueraient pour les personnes qui décident de repousser leur retour chez elles.

Les habitants des rues de Sderot continuent d'apprivoiser la nouvelle réalité. Le 7 octobre, des terroristes armés du Hamas ont pénétré dans Sderot. Dans la boulangerie, une mère portant le foulard bleu clair des femmes juives religieuses tient nerveusement sa fille par la main:

«Aujourd'hui, nous ne sommes qu'en visite et nous n'avons pas encore décidé si nous allions revenir»

La ville a été fondée en 1951. Les habitants du village arabe de Nejd, qui y vivaient auparavant et y pratiquaient l'agriculture, avaient été expulsés vers la bande de Gaza voisine lors de la guerre qui a suivi la création de l'État d'Israël en 1948.

Sderot a d'abord été un camp de réfugiés pour les Juifs expulsés des régions kurdes et d'Iran, puis du Maroc. A l'époque aussi, il s'agissait de sécurité: la ville faisait partie d'une ceinture de localités stratégiques destinées à sécuriser les frontières du jeune Etat israélien.

Les colons se mobilisent à la frontière de Gaza

Des responsables politiques israéliens de premier plan, comme le ministre des Finances Bezalel Smotrich ou le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, veulent poursuivre dans cette voie et s'installer dans la bande de Gaza.

Jeudi dernier, des dizaines d'activistes du mouvement des colons sont parvenus à franchir la frontière avec la bande de Gaza près de Sderot et à avancer d'un demi-kilomètre avant d'être ramenés par l'armée.

Le chef du gouvernement israélien Benjamin Netanyahou a souligné à plusieurs reprises que son pays n'avait «pas l'intention d'occuper durablement la bande de Gaza».

50 kilomètres au sud, à la frontière avec l'Egypte, se trouve la colonie agricole de Bnei Netzarim, construite par des colons évacués de la bande de Gaza en 2005. Les habitants ont transformé le sol poussiéreux du désert du Néguev en champs grâce à des systèmes d'irrigation et à des travailleurs immigrés thaïlandais, et vivent de l'agriculture.

A 16 kilomètres de là, à Rafah, deux tiers des quelque 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza s'entassent dans des conditions catastrophiques. En février, le Programme alimentaire mondial et l'Unicef ont annoncé que, selon des études menées dans des abris et des centres de santé au nord de la bande côtière, un enfant de moins de deux ans sur six souffrait de malnutrition aiguë.

Des critiques s'élèvent

Après l'incident mortel de la semaine passée, Israël est vivement critiqué. Le représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, a parlé d'un «bain de sang» et a déclaré qu'il s'agissait d'une grave violation du droit humanitaire international de priver des personnes de nourriture. Les organisations humanitaires de l'ONU avaient averti depuis des semaines que le désespoir des personnes affamées conduisait à des attaques violentes contre leurs convois d'aide et que d'autres points de passage vers le nord de la bande côtière devaient être ouverts de toute urgence.

Dans le supermarché du village de Bnei Netzarim, les rayons sont remplis. Sur l'aire de jeux, trois femmes sont assises avec leurs enfants. Tehila a 36 ans et a donné naissance à son septième enfant il y a deux semaines, son mari est en service de réserve à la frontière avec le Liban. «Nous sommes revenus deux semaines après le 7 octobre», dit-elle. Aujourd'hui, presque toutes les 140 familles seraient de retour.

Les femmes ont grandi à Kerem Atzmona, un avant-poste du mouvement national-religieux des colons de Gaza, dont font partie les ministres Smotrich et Ben-Gvir, qui était illégal selon la loi israélienne jusqu'à son évacuation. Il était situé à côté de la ville palestinienne de Khan Younès, dans laquelle des soldats israéliens opèrent ces jours-ci.

«Le peuple israélien doit maintenant comprendre que la terre là-bas nous appartient. Il ne peut y avoir de victoire sans que nous retournions à Gaza. Et nous sommes prêts»
Hodaya

L'accès au point de passage de Kerem Shalom, situé à mi-chemin entre Bnei Netzarim et Rafah, est bloqué par un checkpoint militaire. Pourtant, depuis des semaines, des membres de groupes religieux nationalistes parviennent régulièrement à s'infiltrer à proximité du point de passage et à bloquer les livraisons d'aide.

Les activistes appartiennent à la droite, mais leur demande de suspendre l'aide humanitaire jusqu'à ce que les otages soient libérés est soutenue par 68% des Israéliens juifs, selon un récent sondage de l'Israel Democracy Institute. Il est difficile d'évaluer l'efficacité des blocages. Selon l'ONU, les raisons de l'absence de livraison d'aide sont avant tout le manque de passages frontaliers, les combats militaires et l'effondrement de la loi et de l'ordre à Gaza.

Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits de l'homme reprochent à Israël, face à l'absence d'aide, de ne pas avoir respecté jusqu'à présent l'ordre de la Cour internationale de justice (CIJ) d'autoriser davantage d'aide humanitaire pour prévenir un éventuel génocide.

Doron Stamker garde l'entrée du kibboutz de Nir Yitzhak avec son fusil d'assaut.
Doron Stamker garde l'entrée du kibboutz de Nir Yitzhak avec son fusil d'assaut.image: Felix Wellisch

A huit kilomètres du poste frontière de Kerem Shalom, Doron Stamker surveille le portail du kibboutz Nir Yitzhak. «Jusqu'à présent, seuls quelques ouvriers sont revenus pour s'occuper des 600 vaches et des poules», explique le quinquagénaire.

Un fusil d'assaut est accroché à ses épaules et des impacts de balles sont visibles dans le mur de la maison de garde. «Nous ne devrions pas revenir tant qu'il y a des combats là-bas et qu'il y a encore plus d'une centaine d'otages», observe le membre de l'équipe de sécurité du kibboutz.

Stamker caresse sa chienne blanche Esa derrière les oreilles. Cinq de ses neuf collègues de l'équipe de sécurité ont été tués le 7 octobre. Un habitant du kibboutz est toujours retenu en otage à Gaza.

«Ce kibboutz ne sera plus le même et il n'y aura pas de paix»
Doron Stamker

Malgré tout, un État palestinien pourrait peut-être améliorer la situation. «Qu'ils soient là-bas et nous ici», prône-t-il. «L'important, c'est qu'il n'y ait plus de menace pour nous». Il n'y a qu'une chose dont il est sûr au moins: «La recolonisation n'est pas la solution».

Traduit et adapté par Noëline Flippe

Elle a 9 ans et documente Gaza comme une vraie journaliste
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