Le procureur Pierre Bayenet soutenait que ce prédicateur de 59 ans avait convaincu la défunte qu'elle était physiquement guérie. Statuant contradictoirement, les juges estiment qu'il n'y a pas de rapport de causalité entre le comportement de l'homme de foi et la mort de la septuagénaire des suites d'une décompensation diabétique dans la nuit du 7 au 8 août 2023, après une retraite spirituelle et de guérison.
En préambule, le tribunal a relevé que ni l'époux ni la fille de la défunte n'ont porté plainte. Il a décrit «une fervente catholique», «très croyante» voire «extrémiste», une femme d'une «grande naïveté» et «de caractère» qui ne supportait pas la contradiction. Souffrant du diabète depuis 2019, elle «vivait difficilement cette maladie contraignante.»
Pour la Cour, elle était «obnubilée par l'envie de croire et l'irrationnel en matière de santé», croyant être miraculeusement guérie d'une thrombose. Cette «propension à prendre des chemins alternatifs», doublée d'une «certaine méfiance envers le monde médical», l'avait incitée à pousser sa soeur à voir un exorciste pour régler ses problèmes psychiques, a-t-elle rappelé.
Quant au prévenu, les juges retiennent qu'il est avant tout un prédicateur et non un guérisseur. En grande partie filmée, la retraite qui avait eu lieu du 30 juillet au 4 août 2023 dans une église genevoise, avec l'accord de l'Evêque, portait sur l'enseignement de la Bible. Même s'il y a eu une séance de guérison, rien ne permet de dire qu'il est opposé à la médecine, selon eux.
La septuagénaire avait acquis la conviction qu'elle était guérie avant le 3 août, dans des circonstances qui ne sont pas connues, souligne le tribunal. Ce que le prévenu a dit et ce que la malade a entendu, compris ou encore déduit ne sont que des suppositions, selon lui. De plus, le dossier ne comporte aucun élément à même de convaincre qu'il lui a dit de cesser son traitement.
Malgré la dégradation de son état de santé, la septuagénaire était certaine que les symptômes liés au manque d'insuline, qu'elle avait qualifiés «d'attaques du Malin» dans un message, allaient disparaître, refusant que son mari appelle les secours. Sans vouloir l'accabler, le Tribunal correctionnel considère qu'elle a fait des choix délibérés, même s'ils n'étaient pas les bons.
Acquitté sur toute la ligne, le prédicateur, défendu par Me Shayan Farhad, va notamment recevoir plus de 42 000 francs pour réparation du tort moral en lien avec ses 422 jours de détention provisoire, depuis son arrestation à l'aéroport de Bruxelles en mars 2024. «Thank you», a répété l'homme en larmes, les mains jointes, à l'intention des juges. (mbr/ats)