Lorsque le ferry quitte l'île danoise de Bornholm, une alarme retentit soudainement. Ni la boussole ni la carte électronique de navigation ne répondent et les systèmes de secours sont également hors service. Le ferry est contraint de rester à quai jusqu'à ce que le dysfonctionnement cesse. Ces incidents se multiplient en mer Baltique depuis l'invasion russe en Ukraine.
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En octobre de l'année dernière, plusieurs navires de marchandises et ferries ont perdu le signal GPS dans le détroit du Grand Belt, une voie navigable importante. En décembre, les perturbations se sont étendues sur plusieurs jours et régions de la mer Baltique. Enfin, à la fin du mois de mars, des interruptions massives ont eu lieu dans la région entre l'est du Danemark, le sud de la Suède, le nord-est de l'Allemagne, la Pologne et les pays baltes.
Les avions sont aussi massivement affectés par ces perturbations. Selon des médias britanniques ayant récemment analysé des données aéronautiques, environ 50 000 vols commerciaux ont été touchés par des perturbations GPS depuis l'été. Les compagnies aériennes desservant l'Europe de l'Est ainsi que le Moyen-Orient sont concernées, a déclaré l'Agence européenne de la sécurité aérienne. On observe une forte augmentation des incidents.
Le gouvernement britannique a qualifié ces perturbations d'«extrêmement irresponsables» après qu'un avion transportant le ministre de la Défense Grant Shapps ait connu une perte de signal GPS près de l'enclave russe hautement militarisée de Kaliningrad, en mer Baltique. Mais le Royaume-Uni a également accusé le Kremlin d'être responsable d'interruptions à Chypre. Les experts soupçonnent que des brouilleurs russes en Syrie étaient actifs dans ce cas.
Car, pour la plupart des experts militaires, il est clair que l'armée de Poutine est à l'origine de ces perturbations. «Pour des perturbations aussi étendues, il faut d'énormes installations et des émetteurs», affirme l'expert en GPS Soren Larsen de l'Université technique du Danemark.
On sait maintenant que lors des interruptions de signal en décembre, la Russie menait des exercices militaires à Kaliningrad. Lors de ceux dans le Grand Belt, deux navires de guerre russes étaient à proximité. Un commandant des forces armées estoniennes a expliqué que la Russie «testait» les perturbations GPS en vue d'un potentiel conflit avec l'Otan.
Il existe deux variantes de perturbations GPS: le «jamming» qui bloque le signal et le «spoofing», plus dangereux, qui affiche un faux signal. Le navire ou l'avion est donc visible sur la carte, mais pas là où il se trouve réellement. Par exemple, des navires peuvent soudainement naviguer sur terre. Pour les grands avions, une panne seule n'est pas particulièrement dangereuse, car ils disposent de plusieurs systèmes de navigation. Cependant, cela peut entraîner des retards lorsque les systèmes sont vérifiés ou lorsque de faux signaux obligent à contourner des obstacles inexistants.
Pour les avions plus petits ou les navires, une défaillance du GPS peut avoir des conséquences plus graves. Les situations nécessitant une action rapide, comme les opérations de sauvetage où les hélicoptères et les navires doivent disposer de positions précises, sont particulièrement dangereuses.
Les associations de navigation en mer Baltique ont mis en garde contre les risques, notamment en cas de navigation involontaire sur des hauts-fonds en raison d'un signal manquant ou erroné. Dans de tels cas, les cartes marines et la navigation traditionnelle doivent être utilisées. En Allemagne, la formation des capitaines accorde d'ailleurs une attention accrue à la navigation sans GPS.
Pour l'heure, il est techniquement difficile de résoudre les pannes, sauf en recourant à des alternatives de navigation.
En effet, au-delà des appareils GPS embarqués dans les véhicules, les infrastructures civiles critiques, telles que le réseau de téléphonie mobile, qui est synchronisé via le GPS, sont aussi menacées. Soren Larsen met en garde contre les interruptions de service et plaide en faveur de la mise en place de systèmes de secours.
Traduit et adapté par Noëline Flippe