Le dixième anniversaire de l'annexion de la Crimée, en mars 2014, valait bien un grand concert pop sur la Place Rouge de Moscou et un discours de Vladimir Poutine. Dans son allocution, le président russe fraîchement réélu a remercié ses électeurs et s'est vanté d'avoir «rapatrié» les territoires ukrainiens déclarés annexés par Moscou.
Pour lui, cela ne fait plus aucun doute: cette victoire écrasante est une validation de sa politique de guerre d'agression en Ukraine et de rupture avec l'Occident. Le chef du Kremlin semble tout-puissant. Du moins, en surface. Sous le règne de Poutine, le système politique russe s'est mué en dictature. Les opposants au régime sont emprisonnés, tués ou ont fui le pays depuis longtemps.
Les bulletins de vote plus que les votants ont parlé pour cette réélection, marquée par des urnes en verre, des soldats dans les bureaux de vote et des candidats triés sur le volet par le gouvernement - que Poutine a, par ailleurs, fait convoquer lundi au Kremlin pour des félicitations officielles. La Russie joue avec sa politique de terreur. Ce qui permet notamment d'expliquer les 87% des voix obtenues par le chef d'Etat sortant.
Ce résultat, le président russe compte bien l'utiliser pour poursuivre sa guerre en Ukraine. De l'autre côté du front, Kiev est en difficulté, par manque de munitions. Si l'Occident semble enfin prêt à réagir, compte tenu de l'évolution du conflit, il est tard. Trop tard? La situation est grave pour l'Ukraine.
«Le retour au pays s'est avéré plus difficile, plus tragique - mais nous l'avons fait, et c'est un grand événement dans l'histoire de notre Etat», s'est exclamé Poutine lundi à Moscou. «Main dans la main, nous allons avancer et cela nous rendra plus forts. Vive la Russie.»
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Malgré cet optimisme affiché, pour la patrie de Poutine, toutefois, rien n'est encore joué. Bien que son armée occupe désormais 19% du territoire ukrainien, les oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijia annexés par Moscou ne sont pas entièrement conquis. Il s'agit d'une lutte d'usure pour gagner le moindre kilomètre. Sur le champ de bataille, les choses évoluent peu malgré les problèmes massifs de ravitaillement côté ukrainien.
La propagande russe célèbre chaque prise du moindre bout de territoire comme une victoire immense. Selon Moscou, l'armée russe a pris le contrôle du village d'Orlivka sur le front dans l'est de l'Ukraine. Le village, situé à environ quatre kilomètres de la ville d'Avdiïvka, aurait été «libéré», explique mardi le ministère russe de la Défense. L'armée aurait «amélioré ses positions» dans la région.
Il y a un peu plus d'un mois, les troupes russes ont pris le contrôle d'Avdiïvka. Fin février, l'armée ukrainienne s'était retirée du village voisin de Lastochkyne et avait indiqué s'être retranchée derrière de nouvelles lignes de défense à Orlivka afin de stopper l'avancée russe.
La Russie gagne actuellement du terrain dans le sud-est parce que les positions défensives ukrainiennes ne sont pas solides. «Le problème des Ukrainiens est qu'ils n'ont commencé que tardivement à développer une bonne deuxième ligne de défense dans la région d'Avdiïvka», expliquait fin février l'expert militaire Gustav Gressel à t-online. «Les positions sont généralement déterminées directement par les troupes qui sont déployées sur place. C'est pourquoi les positions défensives ne sont pas aussi développées qu'elles devraient l'être.»
La Russie a actuellement l'opportunité d'exploiter ce «point faible» ukrainien pour gagner du terrain. Ce qui ne signifie pas que l'armée russe puisse surmonter à court terme les lignes de défense en aval. Une percée n'est pas encore en vue, du moins pas dans l'immédiat.
Malgré tout, le sentiment d'urgence en Occident est justifié. Les soldats ukrainiens rapportent qu'ils peuvent répondre à dix tirs d'artillerie russe par un seul tir. Le temps presse. Les Etats-Unis ne sont toujours pas fixés sur le sort de l'aide à l'Ukraine en raison du blocage des républicains au Congrès américain.
L'historien militaire Sönke Neitzel a expliqué dans le Morgenmagazin de la ZDF mardi que «l'Ukraine est maintenant probablement sous une pression croissante».
Début 2023, les soutiens occidentaux de l'Ukraine avaient décidé de livrer des chars, alimentant l'espoir d'une contre-offensive ukrainienne en été. Laquelle a fini par échouer, en grande partie à cause des lignes de défense russes.
L'Ukraine a prouvé à maintes reprises qu'elle avait encore des ressources, notamment lorsqu'elle a attaqué la marine de guerre russe en mer Noire, ou par ses incursions sur le territoire russe dans la région de Belgorod et de Koursk. Mais ce sont surtout les attaques ciblées sur les dépôts pétroliers qui impactent la Russie, comme le montrent les réactions de Vladimir Poutine. En raison des pertes de navires de guerre en mer Noire, il a limogé le chef de la marine Nikolaï Evmenov. Pour le maître de Kremlin, il s'agit de faire démonstration de sa puissance.