Après un scrutin entâché d'accusations de manipulation, la commission électorale russe a attribué au chef du Kremlin, Vladimir Poutine, un résultat record d'un peu plus de 87% des voix. C'est le meilleur résultat jamais obtenu par le président, qui entame ainsi son cinquième mandat.
Angela Stent est directrice du département de conseil du célèbre United States Institute of Peace à Washington D.C. et auteure du livre Le monde de Poutine. Cette experte en affaires étrangères souligne: Poutine a accordé autant d'importance à sa réélection parce qu'elle joue un rôle primordial dans sa guerre contre l'Ukraine.
Les observateurs craignent que ce résultat incite le chef du Kremlin, réélu pour six ans, à arracher encore plus de territoires à l'Ukraine. Poutine a déjà annoncé vouloir s'emparer complètement des régions ukrainiennes de Lougansk, Donetsk, Kherson et Zaporijjia, jusqu'ici que partiellement occupées. Une tentative d'occupation russe menace également Odessa, au sud du pays.
Du côté de la Russie, les experts s'attendent surtout à ce que la répression augmente. La liberté de la presse a disparu, les dissidents sont menacés d'emprisonnement s'ils critiquent la guerre ou l'appareil de pouvoir. L'opposition a été pour ainsi dire éliminée: les têtes pensantes sont dans des camps disciplinaires ou se sont exilées à l'étranger. Et la mort de l'opposant Alexeï Navalny semble avoir sonné le glas de l'espoir d'un changement politique en Russie.
Sur le plan de la politique intérieure, Poutine devrait profiter de sa réélection pour étouffer encore davantage les protestations de ses opposants. Des augmentations d'impôts ont également été annoncées pour financer les dépenses élevées causées par la guerre et les projets de politique sociale.
Le professeur de politique Andrei Soldatov du Center for European Policy Analysis à Washington, D.C., a expliqué lors d'une conférence de presse:
"The presidential vote of March 15-17 will certainly deliver the result that Vladimir Putin desires — not hard when you remove all serious contenders to prison camps, cemeteries, or irrelevance," @AndreiSoldatov and @irinaborogan https://t.co/AG1pm5bvXs
— CEPA (@cepa) March 16, 2024
Le manque de liberté et la mise au pas des médias sont considérés comme la principale base qui permet à Poutine de défendre son pouvoir.
La politologue Tatiana Stanovaya s'attend toutefois à ce que le Kremlin ait de plus en plus de mal à garder les rênes. Les positions de Poutine ne sont pas équilibrées, les objectifs de la guerre ne sont pas clairs – et il y a des atteintes perceptibles à la vie privée, écrit Stanovaya dans une analyse pour le groupe de réflexion Carnegie:
Pour rappel, de nombreux observateurs ont estimé que le vote de ce week-end était antidémocratique, car aucun véritable candidat d'opposition n'était autorisé à se présenter. De plus, la liberté de réunion n'existe pas en Russie et les médias contrôlés par le Kremlin disent tous la même chose, tandis que les médias indépendants sont persécutés politiquement. Les dissidents qui critiquent la guerre de Poutine contre l'Ukraine ou l'appareil du pouvoir risquent des peines allant jusqu'à l'emprisonnement dans un camp de travail.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci