La Russie continue d'avancer dans l'est de l'Ukraine. Depuis la conquête d'Avdiivka à la mi-février, les troupes russes ont pris d'autres villages dans les environs. Elles doivent, cependant, s'accommoder de lourdes pertes, et pas uniquement humaines. Depuis le 17 février, l'Ukraine a en effet signalé la destruction d'un total de quinze avions ennemis. Et les experts ont une explication étonnante à cela.
Au moment de l'invasion de février 2022, le Kremlin avait engagé ses avions de combat directement sur le territoire ukrainien et avait dû se frotter à la défense aérienne ukrainienne. La Russie a ensuite changé de tactique: les avions se sont principalement élevés au-dessus de son propre territoire pour lancer des missiles sur des cibles en Ukraine. Ils n'ont que rarement pénétré dans l'espace aérien voisin, le cas échéant seulement à basse altitude et pour une courte durée.
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Selon le centre de réflexion militaire ukrainien Centre for Defence Strategies, la situation a évolué désormais:
Les analystes militaires du think tank américain Institute for the Study of War (ISW) parviennent à la même conclusion: «Les forces armées russes paraissent prendre des risques pour réaliser des gains tactiques dans l'est de l'Ukraine», peut-on lire dans le rapport de situation quotidien sur l'Ukraine du samedi 2 mars. Auparavant, la Russie avait toujours réagi aux pertes par une phase de retenue dans l'utilisation de ses appareils, poursuit l'ISW.
L'expert militaire Gustav Gressel livre lui aussi son diagnostic:
Selon lui, l'Ukraine tend en outre des «embuscades» à ses adversaires aériens.
Mi-février, les forces russes ont ainsi remporté un succès avec la conquête de la petite ville d'Avdiivka, aussi symbolique fût-il. La ville se trouvait sur la ligne de front depuis le début des combats dans le Donbass en 2014 et avait été transformée en forteresse par l'armée ukrainienne. En raison d'un grave manque de munitions, Kiev a finalement dû l'abandonner et battre en retrait. Selon les estimations de l'ISW, la Russie aurait eu une supériorité aérienne dans la région, en particulier dans les derniers jours avant la conquête.
La bataille, qui a duré des mois, a, toutefois, coûté cher. Un blogueur militaire a fait état d'au moins 16 000 morts du côté russe dans la bataille d'Avdiivka. L'Ukraine aurait en revanche perdu entre 5000 et 7000 hommes. Il n'est pas possible de vérifier ces informations de manière indépendante.
Depuis, Moscou continue d'avancer, essayant de profiter de l'élan de son succès pour repousser les troupes ukrainiennes. Selon l'ISW, les forces armées russes ont de nouveau misé sur le rétablissement de la supériorité aérienne qu'elles avaient acquise lors de la conquête d'Avdiivka. Il a apparemment été décidé que «la poursuite des opérations offensives avec un soutien aérien l'emporte sur le risque de perdre d'autres avions», écrit-il.
Mais selon des données ukrainiennes, la Russie aurait perdu 6980 soldats rien qu'au cours des sept derniers jours. Cela comprend aussi bien les morts que les blessés. Ce chiffre ne peut pas non plus être vérifié de manière indépendante.
Toujours d'après la même source, les quinze avions abattus sont douze chasseurs Su-34, deux chasseurs Su-35 et un avion de reconnaissance A-50, plus rare.
Un mois plus tôt, la Russie avait déjà perdu l'un de ces avions stratégiques. L'année dernière, une attaque de drone ukrainien sur le sol biélorusse avait en outre détruit un autre A-50. Ces appareils servent à surveiller l'espace aérien sur de longues distances et permettent donc de détecter d'éventuelles actions de défense aérienne du camp adverse.
Selon l'ISW, les pertes annoncées ne sont «pas négligeables», car la Russie aurait aussi perdu des pilotes bien formés. D'après les analystes militaires, Moscou dispose probablement encore d'environ 300 avions de combat Sukhoï.
Les experts s'accordent à dire que la Russie, en raison de sa grande population, a de nets avantages sur l'Ukraine en termes de mobilisation de soldats. En outre, le seuil de tolérance aux pertes serait bien plus élevé au sein des forces armées russes que du côté ukrainien, écrit le New York Times en se référant à des fonctionnaires américains. Néanmoins, la stratégie russe consistant à avancer au prix de lourdes pertes pourrait s'avérer désavantageuse à moyen et long terme.
L'analyste militaire russe Ruslan Puchow écrit qu'Avdiivka faisait partie d'une stratégie des «1000 piques». Son objectif: maintenir la pression tout au long de la ligne de front. Il s'agissait manifestement de «démoraliser» l'Ukraine et de l'inciter à commettre des erreurs qui pourraient conduire à des percées russes, selon l'expert. Et d'ajouter:
(Adaptation française: Valentine Zenker)