Peut-être n'est-ce qu'une maskirovka, l'une des fameuses manœuvres de tromperie russes. Mais au vu des antécédents, tout porte à croire que Sergueï Tchemezov, dit la vérité. En début de semaine, le directeur du conglomérat d'armement public russe Rostec a été cité par différents médias comme affirmant que son pays n'utiliserait plus de chars de combat T-14 Armata contre l'Ukraine.
👉 Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine 👈
Tchemezov continue à affirmer que l'Armata est supérieur à tout autre type de char dans le monde en termes de fonctionnalité.
Ainsi, l'armée russe préférerait le modèle précédent T-90, moins cher, et aurait accéléré le développement de nouveaux types de chars plus efficaces, selon le PDG de Rostec à l'agence de presse Ria Novosti.
L'argument des coûts de Tchemezov est remis en cause par les experts occidentaux. En effet, Poutine vient de doubler le budget militaire russe pour le porter à 30% de toutes les dépenses de l'Etat et l'argent ne semble pas être un problème dans cette guerre. La fin du T-14 s'expliquerait plutôt par une erreur de conception.
En septembre 2023 déjà, l'agence de presse publique Tass annonçait, sur la base d'une source anonyme au sein de l'armée russe, que l'Armata allait être retiré du front. Une autre source confiait: «Les tests nécessaires sur le T-14 se poursuivent.»
Selon les informations russes, l'Armata a été utilisé au printemps 2023 en Ukraine comme appui de feu indirect, sans avoir été lancé sur la première ligne de combat. Cette utilisation «en deuxième ligne» correspond à des rapports antérieurs faisant état du mécontentement des équipages de chars russes en raison de sa grande vulnérabilité aux pannes.
La transmission, le système de conduite de tir et les systèmes optiques du T-14 sont considérés comme particulièrement problématiques. Toutefois, aucune preuve visuelle vérifiée n'est jamais apparue qui aurait effectivement confirmé l'utilisation en Ukraine. L'analyste militaire ukrainien Oleksandr Kowalenko qualifie l'Armata de «char pour suicidaires», car il est «totalement sans défense», notamment contre les attaques par des drones et des missiles antichars modernes.
Aujourd'hui encore, on ne sait pas combien de T-14 ont été construits. Selon les experts occidentaux, il y a eu au maximum deux douzaines de véhicules. Dans tous les cas, la naissance du «super char» présenté pour la première fois en 2015 lors de la parade de mai à Moscou est marquée par une série d'échecs. A l'origine, le Kremlin prévoyait de construire environ 2300 T-14 d'ici 2024 et de les introduire comme nouveau char standard de l'armée russe.
The CEO of the Russian Rostec corporation, Sergey Chemezov, has said that the T-14 Armata analog tank proved to be too expensive for the Russian war against Ukraine. It will not appear at the front.
— Anton Gerashchenko (@Gerashchenko_en) March 4, 2024
"Armata, actually, is a bit expensive. In terms of its functionality, it is, of… pic.twitter.com/ccTATwt7Rn
En avril 2020, le vice-chef du gouvernement russe et ministre de l'industrie Denis Mantourov a annoncé le début de la production en série pour 2021. Au cours de l'été 2021, celle-ci a été repoussée à 2022. Mais il n'y a jamais eu le moindre signe d'un démarrage réussi du programme de construction.
Au lieu de ça, de nombreux rapports de pannes et de défaillances ont circulé, notamment avant le défilé de la victoire de 2015 lui-même. De plus, le constructeur Uralvagonzavod a connu des problèmes financiers, ce qui a eu un impact négatif sur le développement du véhicule de 48 tonnes.
Le portail spécialisé Military Watch Magazine a rapporté, après l'invasion de l'Ukraine, comment les sanctions occidentales rendraient la production encore plus difficile. Néanmoins, le T-14 a encore été présenté l'automne dernier au forum russe de technologie militaire «Armée 2023» à Moscou comme un système d'armes d'avenir.
Lors du même événement, le marchand d'armes public Rosoboronexport avait déjà présenté en 2022 une version destinée à l'exportation, pour laquelle la Syrie aurait manifesté de l'intérêt. Mais après l'annonce du patron de Rostec, Sergueï Tchemezov, l'Armata devrait désormais être mis hors service rejoindre le musée des blindés.
Traduit et adapté par Noëline Flippe