Lundi dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé dans une interview que ses forces peinent désormais à se défendre efficacement contre les attaques terrestres menées par les Russes. En cause, la pénurie de munitions qui frappe actuellement l'armée de Kiev.
En ce moment, sur le champ de bataille, les choses tournent effectivement en faveur de la Russie. C'est Moscou qui a réalisé les seules avancées territoriales recensées ces derniers mois. Des gains très limités et, surtout, ayant demandé un immense coût humain.
C'est ce que montrent des chiffres diffusés ce mercredi par BBC Russie et Mediazona. Selon les deux médias, plus de 50 000 militaires russes sont morts en Ukraine depuis le début de la guerre.
Il s'agit d'estimations très fiables, car elles incluent uniquement les victimes ayant pu être identifiées. Pourtant, précisément à cause de cette méthodologie, elles ne reflètent qu'une partie des pertes effectives. A titre de comparaison, des responsables américains faisaient état de quelque 120 000 morts en août 2023.
Au-delà du chiffre réel et global, qui restera probablement inconnu, les estimations de BBC et Mediazona permettent de voir comment les pertes sont réparties dans le temps. Ce qui en dit beaucoup sur les différentes phases traversées depuis le début du conflit. Comme indiqué en début d'article, la deuxième année de guerre a été nettement plus meurtrière que la première.
Plus spécifiquement, l'armée russe a subi un «pic brutal» du nombre de morts en janvier 2023, lorsqu'elle a lancé une vaste offensive dans la région de Donetsk. La bataille de Vouhledar (janvier-février), ainsi que la prise de Backhmout, en mai, et d'Avdiivka, début 2024, ont provoqué de nouvelles augmentations des victimes.
En cause: la tactique dite des «vagues humaines», ou du «hachoir à viande», employée par Moscou, consistant à envoyer sans relâche des vagues de soldats contre les positions ukrainiennes, dans l'objectif de révéler leur emplacement à l'artillerie russe et d'épuiser les adversaires. Son taux de mortalité était extrêmement élevé. Les militaires ukrainiens déployés à Bakhmout parlaient de «soldats à usage unique».
Autre indication confirmant la thèse des «vagues humaines»: au début de l'invasion russe, les morts étaient presque totalement des soldats professionnels. Un grand nombre d'entre eux ont été mis hors de combat, si bien que, dans les statistiques des victimes, ils ont progressivement cédé la place à des personnes ayant moins d'expérience. Des volontaires, des civils et, surtout, des prisonniers.
Les détenus sont essentiels au succès de la stratégie des «vagues humaines», commente BBC. Le groupe Wagner, responsable de la prise de Bakhmout, a été le premier à puiser massivement dans les prisons du pays et à envoyer ces recrues peu formées en première ligne. A la suite de son retrait des champs de bataille, le ministère de la Défense lui a emboîté le pas. Il a créé des unités de l'armée régulière composées presque exclusivement de condamnés, connues sous le nom de «Storm-Z».
Selon les calculs de BBC, les anciens prisonniers recrutés par Wagner survivaient en moyenne trois mois sur le champ de bataille. Ceux déployés par l'armée ne résistent que deux mois. Au total, BBC a pu identifier plus de 9000 détenus tués en Ukraine.
Les avancées russes de ces derniers mois montrent que la tactique des «vagues humaines» finit par porter ses fruits. Mais son prix en vies humaines est exorbitant.