La défense ukrainienne à Kharkiv est sous pression: depuis vendredi, l'ennemi avance à un rythme soutenu dans cette région du nord-est du pays. Plusieurs villages ont ainsi pu être conquis le long de la frontière. L'état-major ukrainien a reconnu lundi des «succès tactiques» des troupes russes dans la région.
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L'offensive russe à Kharkiv était attendue: depuis le début de l'année déjà, les autorités ukrainiennes mettent en garde contre une opération dans la région. Dans ce contexte, la faible résistance rencontrée par les troupes de Moscou interroge.
A la télévision, le gouverneur de la région, Oleh Synyehubov, a qualifié la situation de «difficile». Elle est «compliquée», lui a fait écho le commandant en chef de l'armée, Oleksandr Syrsky. Le chef des services secrets militaires, Kyrylo Boudanov, a lui aussi été très clair dans une interview accordée au New York Times:
Et plus les heures passent, plus elle devient critique.
Lundi, le commandant en chef de la région nord-est a été remplacé sans explication. Malgré tous les avertissements, l'armée ukrainienne n'avait-elle pas suffisamment protégé sa frontière?
Selon la chaîne Telegram Deepstate, proche de l'armée ukrainienne, l'armée russe s'est déjà emparée d'une zone d'une centaine de kilomètres carrés. Dans l'est de l'Ukraine, où se déroulent actuellement les combats les plus violents, Kiev a placé ses installations de défense les plus développées. Il a donc fallu des mois aux assaillants pour obtenir des gains de terrain comparables.
Mais, dans la région de Kharkiv, les Russes ont attaqué depuis la frontière. Là, ils ne semblent avoir rencontré que peu de résistance. Denis Yaroslavsky, commandant d'une unité de reconnaissance ukrainienne, a déclaré à la BBC:
«En deux ans, il aurait dû y avoir des fortifications en béton de trois étages de profondeur à la frontière ukrainienne! Et il n’y avait même pas de mines», déplore-t-il, avant de lancer de graves accusations: «C'était soit un acte de négligence, soit de corruption. Ce n'était pas un échec. C'était une trahison.»
Dans la capitale, des voix nient en bloc: les Russes n'auraient pas encore fait de percée à Kharkiv. Le chef du Center for Countering Disinformation (CCD) ukrainien, Andri Kovalenko, a déclaré à l'agence de presse Interfax que cette prétendue absence d'installations de défense dans la région était le fruit d'une campagne russe de désinformation. Celle-ci a, selon lui, pour but de discréditer le commandement militaire ukrainien et de répandre la panique.
Selon Andri Kovalenko, «il est impossible de construire des lignes de défense directement à la frontière avec l'ennemi». Les équipements et les unités utilisés pour bâtir de telles installations y seraient tout simplement détruits, a-t-il poursuivi.
Et d'ajouter que la situation s'est certes considérablement détériorée, mais les combats ont surtout lieu dans la région frontalière.
L'armée ukrainienne a effectivement renforcé les lignes de défense dans la région de Kharkiv au cours des dernières semaines, mais pas directement à la frontière. Des images montrent de longues rangées de «dents de dragon», des structures en béton en forme de pyramide qui compliquent l'avancée des chars. On remarque aussi que des tranchées ont été creusées.
Selon l'armée ukrainienne, un réseau de points d'appui est désormais en place. Il forme une bande continue de tranchées et de fortifications. Chacune de ces bases est précédée de barrières, dont certaines sont même équipées d'engins explosifs. Derrière ces barrières se trouvent des positions de tir fortifiées.
Selon le gouverneur de Kharkiv, «des efforts à grande échelle dans des centaines d'endroits» sont actuellement en cours pour fortifier la région. Les conditions pour réaliser ces constructions sont extrêmement difficiles, car les ouvriers sont très régulièrement exposés aux tirs ennemis.
Un ancien officier ukrainien, qui se fait appeler «Tatarigami» sur X, qualifie la frontière de «zone grise», sans troupes ni défenses.
Il a toutefois ajouté que les Russes avaient entre-temps avancé en partie au-delà de la «zone grise».
En effet, les lignes de défense ukrainiennes seraient poreuses - surtout autour de la ville de Vovchansk, où se déroulent actuellement les affrontements les plus violents. Selon des informations concordantes, les troupes russes auraient déjà pénétré dans les quartiers périphériques de la localité et s'y livreraient à des combats avec la défense ukrainienne. Toujours selon Tatarigami, les troupes de Kiev ont déjà abandonné certaines des positions autour de la petite ville.
L'ancien officier attribue surtout cette situation à une erreur de leadership. Selon lui, l'attaque russe à Kharkiv était prévisible. L'abandon de position révèle que le commandement de la brigade en question n'a pas réagi de manière adéquate à la menace malgré les informations sur une attaque imminente.
L'ex-officier estime par ailleurs que le retard dans la livraison d'armes en provenance de l'Occident - notamment en ce qui concerne l'artillerie - favorise les avancées russes. En avril, après des mois de débats, les Etats-Unis avaient adopté un paquet de 61 milliards de dollars. Mais les munitions, les armes et les arrivent au goutte-à-goutte sur le front.
Au début de la guerre, en février 2022, les troupes du Kremlin ont rapidement progressé à cet endroit. Mais à l'automne 2022, l'armée ukrainienne a riposté par surprise, parvenant à chasser ses adversaires. Depuis, les Russes n'y ont plus fait d'incursion. Jusqu'à présent.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)