Un nouveau chapitre des relations germano-ukrainiennes s’est ouvert mercredi à Berlin. Pour en donner le ton, le chancelier Friedrich Merz a reçu le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une mise en scène soigneusement calibrée. Message clair: à l’hésitation d’Olaf Scholz, sous prédécesseur, succède désormais un soutien sans réserves à la cause ukrainienne.
Le contraste était visible. «Mon cher Volodymyr», a lancé Friedrich Merz. «Mon cher Friedrich», a répondu le président ukrainien, lors d’une conférence de presse conjointe aussi chaleureuse que codée. A un moment, le chancelier allemand a même pris le bras de son homologue pour lui signaler un souci de traduction – geste interprété comme un signe de proximité personnelle.
Cependant, une question qui était sur toutes les lèvres: l’Allemagne va-t-elle enfin livrer les missiles Taurus à l’Ukraine? Ce système à longue portée, capable de frapper des cibles stratégiques loin en territoire russe, a été bloqué par Olaf Scholz, craignant une escalade. Avant d’entrer en fonctions, son successeur, Friedrich Merz s'est prononcé en faveur de cette livraison.
Mais depuis, silence radio. Même lorsqu’il a récemment affirmé que l’Ukraine devait pouvoir frapper «bien au-delà de la frontière russe», le chancelier a rapidement tempéré: c'est déjà possible, selon lui, avec les systèmes fournis par l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Une affirmation dont on peut douter: les armes livrées jusqu’ici permettent tout au plus de frapper à 80 km derrière la ligne ennemie. Le Taurus, avec sa portée de 500 km, est dans une tout autre catégorie.
Mercredi, le propos de Merz s’est précisé: «l’Ukraine devrait bientôt être en mesure de produire elle-même des systèmes d’armes à longue portée». Ni Merz ni Zelensky n’ont mentionné le fameux Taurus. Le président ukrainien a toutefois précisé que, même si son pays devait prochainement fabriquer des missiles et des missiles de croisière longue portée, il aurait encore besoin de tels armements provenant de ses alliés.
Les nouveaux armements devraient être fabriqués en Ukraine, avec des composants provenant d’Allemagne, de France, du Royaume-Uni et d’Italie. Et surtout, «Il n’y aura aucune restriction de portée», a assuré Friedrich Merz. Une façon d’officialiser le soutien de Berlin à d’éventuelles frappes contre des cibles militaires situées bien au-delà du territoire ukrainien.
Volodymyr Zelensky s’est montré satisfait de cet accord. Selon lui, le seul obstacle au démarrage de la production est désormais le financement, qui proviendra en grande partie d’Allemagne. Friedrich Merz, pour sa part, a précisé que les détails ne seraient pas rendus publics.
Les systèmes pourraient être opérationnels «dans quelques semaines», a-t-on appris après la signature d’un accord formel entre les ministres de la Défense Boris Pistorius et Rustem Oumerov, mercredi après-midi à Berlin. Moscou a aussitôt dénoncé une «provocation».
L’accord vient renforcer la place de l’Allemagne comme pilier de l’aide militaire à Kiev. Sous Olaf Scholz déjà, Berlin figurait parmi les plus importants soutiens européens de l’Ukraine, aux côtés du Royaume-Uni – et loin devant la France, malgré les grandes déclarations médiatisées du président Emmanuel Macron.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder