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Guerre contre l'Ukraine

Voici à quel point la guerre endommage la nature en Ukraine

Les combats endommagent les zones protégées, comme le parc de Djarylhatch.
Les combats endommagent les zones protégées, comme le parc de Djarylhatch. Image: Keystone/Wikimedia Commons

La Russie détruit ce trésor ukrainien capital pour l'Europe

L'Ukraine possède 35% de la biodiversité européenne. Les combats menacent cette richesse naturelle: de nombreuses zones d'intérêt écologique ont été endommagées, parfois de manière irréversible. Deux organisations formulent un premier bilan chiffré.
28.01.2024, 06:5629.01.2024, 12:06
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Dans moins d'un mois, la guerre en Ukraine va entrer dans sa troisième année. L'immense drame humain qu'elle génère ne semble donc pas prêt de s'arrêter, tout comme la destruction de la nature provoquée par les combats. Quelques mois après le début des hostilités déjà, l'ONU mettait en garde contre «l'héritage toxique» laissé par le conflit. Près de deux ans plus tard, les choses ne se sont pas arrangées, bien au contraire.

Pour la première fois, les conséquences du conflit sur la biodiversité du pays ont été chiffrées. Dans un rapport publié ce mardi, l'organisation basée à Genève «Zoï environment network» et le «Conflict and Environment Observatory» (CEOBS) ont fourni une première estimation du nombre de zones naturelles d'intérêt écologique affectées par les combats.

Ce terme désigne des endroits importants pour la biodiversité, indépendamment du fait qu'ils soient protégés ou pas. L'Ukraine en compte beaucoup. Une cinquantaine de zones humides d'importance internationale, huit réserves de biosphère de l'Unesco et plus de 140 zones clés pour la biodiversité ont été recensées dans le pays. Le rapport résume:

«L'Ukraine occupe moins de 6% de la superficie de l'Europe, mais possède 35% de sa biodiversité. Cela équivaut à plus de 70 000 espèces, dont beaucoup sont rares»
Zoï environment network et CEOBS

Soufre et acide sulfurique

Selon les deux organisations, environ 7,5% de ces zones importantes pour la nature ont été endommagées depuis le début de la guerre. Plus de 2000 d'entre elles ont été occupées de manière plus ou moins temporaire par les troupes russes et, parfois, elles coïncidaient directement avec la ligne de contact. Environ 19% des aires d'intérêt écologique échappent encore au contrôle de Kiev.

Lorsque des combats se déroulent dans ces zones, les conséquences pour la nature sont aussi diverses que tragiques. La détonation d'armes explosives, tout d'abord, entraîne «la formation de cratères, la perte de végétation et la dispersion d'éclats d'obus et de composés de munitions toxiques», explique le rapport.

Combats en forêt, dans la région de Donetsk. Environ 8% des zones d'intérêt écologique touchées par les incendies sont des forêts.
Combats en forêt, dans la région de Donetsk. Environ 8% des zones d'intérêt écologique touchées par les incendies sont des forêts.Image: 3rd Assault Brigade via AP

«Chaque tir libère du soufre provenant de la poudre à canon. Lorsqu'il réagit avec l'eau présente dans l'environnement, que ce soit sous forme de pluie, brouillard ou rosée, de l'acide sulfurique se forme», nous expliquait en mars dernier Nickolai Denisov, directeur adjoint de Zoï.

Les mouvements des véhicules militaires et la construction de tranchées accélèrent l'érosion et le compactage des sols, ce qui gêne les déplacements de la faune et perturbe les habitats. Le bruit provoqué par les explosions et les manœuvres mécanisées affectent également les animaux, dérangeant leurs habitudes alimentaires et reproductives. Des milliers de dauphins ont par exemple été tués par la pollution sonore provoquée par la marine russe en mer Noire.

Mais même quand les combats se terminent, de gros problèmes persistent:

«Les résidus de munitions, les carburants et les huiles, les déchets militaires et la ferraille militaire contaminée, ainsi que les mines, tout cela crée des risques pour les personnes et la faune».
Zoï environment network et CEOBS

12 000 km carrés brûlés

Autre conséquence des combats: les incendies. Déclenchés par l'impact des armes explosives, ceux-ci ont touché environ un quart des zones d'intérêt écologique du pays, estiment Zoï et le CEOBS. Cela correspond à 1650 kilomètres carrés, soit le double la superficie occupée par la ville de Kiev. A titre de comparaison, la plus grande réserve naturelle de Suisse, le parc national, s'étend sur environ 172 km2. L'ensemble des quelque 800 réserves protégées par Pro Natura dans notre pays en totalise 259. Globalement, environ 12 000 km2 ont été touchés par les incendies en Ukraine.

Près de trois quart de ces feux se sont produits à moins de 30 kilomètres de la ligne du front, poursuit le rapport. Là encore, les conséquences sont nombreuses:

«Les incendies peuvent rendre les paysages plus exposés à l'érosion et à la colonisation par des espèces envahissantes. La perte de végétation réduit les habitats et les sources de nourriture».
Zoï environment network et CEOBS

Une ligne de front de 1200 km

L'étendue des dégâts reflète la nature du conflit, caractérisé par une grande ampleur géographique et une longue ligne de front. «En tant que conflit mécanisé de haute intensité, les dommages causés aux paysages et aux habitats ont été étendus», estiment les auteurs du rapport. L'été dernier, la ligne de contact dépassait les 1200 kilomètres, selon l'armée ukrainienne.

Les zones les plus touchées se situent donc là où les combats sont les plus intenses: dans le sud et l'est du pays. Les régions de Kharkiv, Lougansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson cumulent le plus d'incidents «graves», alors que la partie plus occidentale du pays a été presque totalement épargnée.

«Les écosystèmes steppiques du sud et de l'est de l'Ukraine ont été les plus durement touchés, mettant en péril les espèces végétales et animales qui y vivent.»
Zoï environment network et CEOBS

Plus de 1000 km2 de zones d'intérêt écologique ont été affectées dans les régions de Kherson et Zaporijia, 200 à 1000 dans les régions de Kharkiv, Lougansk et Donetsk. De plus, poursuit le rapport, la destruction du barrage de Kakhovka, en juin 2023, a eu un impact sur les écosystèmes d'eau douce, à la fois par des inondations en aval et par la dessiccation.

L'armée russe ne se limite pas à détruire ces habitats. Parfois, il semblerait qu'elle s'en serve à son avantage. C'est ce qui est arrivé à l'île de Djarylhatch, une zone protégée située dans le sud du pays et qui abrite un grand nombre d'espèces animales menacées.

Occupée depuis le début du conflit, cette réserve naturelle a été transformée en terrain d'entraînement militaire. Des tranchées, des entrepôts et des bunkers y ont été bâtis. L'armée ukrainienne a laissé entendre que la zone a été «délibérément choisie pour la protéger des attaques ukrainiennes».

Des cervidés sur l'île de Djarylhatch.
Des cervidés sur l'île de Djarylhatch.Image: Wikimedia Commons

«Les travaux de terrassement dans un endroit aussi sensible ont un impact sur la végétation, les mouvements de la faune et l'érosion», liste le rapport.

Comme aucun belligérant ne semble vouloir baisser les armes, la suite s'annonce compliquée. «Les zones d'intérêt écologique du pays continuent d'être fortement touchées par le conflit et, dans certaines régions, la perte d'espèces ou d'habitats sera permanente», prédisent les auteurs de la recherche. Et de conclure:

«La restauration de la nature doit être considérée comme une priorité, en raison des avantages qu'elle peut apporter à la société et à l'économie ukrainiennes, ainsi qu'à sa biodiversité».
Zoï environment network et CEOBS
L'effondrement du barrage de Kakhovka, en Ukraine
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L'effondrement du barrage de Kakhovka, en Ukraine
L'eau coule à travers ce qui reste du barrage.
source: sda / stringer
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