Tout a commencé le 9 août. Ce mardi matin là, de violentes explosions se sont produites sur la base aérienne russe de Saki. Au moins neuf avions de combat ont été détruits, selon des images satellites dévoilées le lendemain.
Exactement une semaine plus tard, le 16 août, un deuxième coup a été porté. Près de la ville de Djankoï, un dépôt de munitions russe a explosé. Des vidéos de cet incident se sont répandues à la vitesse de l'éclair sur la toile.
Ein weiteres Video von gemeldeten Explosionen in der Nähe von #Dzhankoi , #Russia |n-besetzt #Crimea , Süden #Ukraine , wo es heute Morgen eine Explosion in einem gemeldeten russischen Munitionsdepot / Militärgelände gab. Via @sternenko
— Stephan Brock 🇩🇪🇪🇺 (@_StephanBrock) August 16, 2022
pic.twitter.com/7mmeeIHt3y
Depuis, la question se pose: qu'est-ce qui se cache derrière les explosions sur la péninsule de Crimée occupée? Ce qui intrigue c'est la distance de la base aérienne et du dépôt de munitions par rapport à la ligne de front – les deux se situent à environ 200 kilomètres. Malgré cela, il a apparemment été possible d'attaquer les cibles avec une grande précision.
La Russie a qualifié l'explosion sur la base aérienne d'«accident». Quant au dépôt de munitions détruit, cela serait dû à du sabotage, selon Moscou.
L'Ukraine, quant à elle, n'a toujours pas fourni d'explications claires. Cependant, un fonctionnaire anonyme a déclaré au New York Times qu'un «appareil» exclusivement fabriqué en Ukraine avait été utilisé sur la base aérienne russe de Saki. D'autres sources ukrainiennes ont affirmé que des forces spéciales de leur pays avaient fait exploser la base aérienne.
Le ministre ukrainien de la Défense Oleksiy Reznikov a également attribué les explosions aux forces spéciales ukrainiennes. Dans une interview accordée au Washington Post, il a déclaré que celles-ci s'étaient associées à des saboteurs et à des résistants et qu'elles affaiblissaient désormais les forces armées russes loin derrière les lignes de front. Selon Reznikov, aucune arme américaine n'a été utilisée lors des attaques.
Malgré les affirmations du ministre de la Défense, certains experts soupçonnent les Ukrainiens d'avoir détruit la base aérienne russe par une attaque de missiles. Les cratères visibles sur les images satellites sont si grands qu'ils n'ont probablement pas été causés par des explosifs placés, affirme par exemple Chuck Pfarrer, ancien chef de la Navy Seal Team 6.
Le fait que les explosions se soient produites en plein jour plaide également contre la théorie des forces spéciales, selon Pfarrer. Si un commando spécial avait pénétré dans la base aérienne, il aurait probablement dû le faire de nuit pour ne pas être repéré.
SAKI AIRFIELD STRIKE: The Washington Post was the first to publish the erroneous claim that the Saki airfield strike was carried out by a UKR Special Operation Force. Craters, and explosive placement are wholly inconsistent with a daylight commando raid. A Navy SEAL explains. pic.twitter.com/IkxiGXGArN
— Chuck Pfarrer (@ChuckPfarrer) August 14, 2022
La conclusion de l'ex-chef de la marine de guerre américaine n'est pas sans conteste. L'analyste de données Oliver Alexander fait remarquer que des munitions stockées pourraient être à l'origine des cratères. Il avance également une autre théorie: une munition dite «rôdeuse» pourrait avoir déclenché l'explosion.
On entend par «munitions rôdeuses» des drones capables d'attaquer une cible en explosant eux-mêmes. Les Etats-Unis ont récemment livré 580 de ces drones kamikazes à l'Ukraine. Mais Chuck Pfarrer maintient son opinion:
C'est là que les choses deviennent très intéressantes: les Ukrainiens n'ont officiellement aucun missile capable de voler jusqu'à la base aérienne de Saki.
Mais ce n'est que l'état officiel des choses.
On sait que l'Ukraine demande depuis longtemps la livraison de missiles dits ATACMS (Army Tactical Missile System). Ces missiles peuvent être tirés par le système de lancement de missiles M270 et par les HIMARS et peuvent, en outre, parcourir plus de 300 kilomètres. Cela les rend bien plus performants que les missiles GMLRS, livrés jusqu'à présent, qui n'ont qu'une portée d'environ 80 kilomètres.
Le missile ATACMS pèse environ 227 kg et atteint une vitesse d'environ 4,174 km/h. Il pose de sérieux problèmes aux défenses antiaériennes et n'est pas visible sur les vidéos.
Il y a un mois, Reznikov s'est montré confiant quant à la livraison prochaine de cette nouvelle «super-arme» par les Etats-Unis. Ceci alors que le «gouvernement de Biden» avait toujours exclu la livraison de missiles ATACMS à l'Ukraine. Une livraison qui risquerait de provoquer une escalade avec la Russie, selon le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan.
Néanmoins, la situation en Ukraine a évolué ces dernières semaines. Et le pays a prouvé qu'il était capable de gérer les systèmes d'armement ultramodernes venus de l'Ouest. Par exemple, à l'est de la ville occupée de Kherson, les forces ukrainiennes ont réussi a endommager fortement des ponts sur le fleuve Dniepr avec des tirs de missiles précis. Cette crainte est-elle donc toujours aussi grande du côté américain? Biden a-t-il décidé, au vu des succès ukrainiens, de livrer des missiles ATACMS?
En effet, depuis quelques jours, une vidéo circule sur les réseaux sociaux dans laquelle on peut vraisemblablement voir un HIMARS de l'armée ukrainienne. Le dispositif, installé sur un camion, a attiré l'attention des experts.
Pretty sure this is first visual confirmation of ATACMS rockets in Ukraine ~ pic.twitter.com/u64Ziy7O4u
— Tomaburque (@tomaburque) August 19, 2022
Lorsque les HIMARS sont équipés de missiles GMLRS – pouvant parcourir environ 80 kilomètres – six de ces derniers sont normalement visibles. Mais dans cette vidéo, la capsule de lancement est recouverte. Qu’en déduire? L'Ukraine a bien reçu les missiles ATACMS et souhaiterait cacher cette information, selon l'expert militaire Thomas C. Theiner. Il écrit sur Twitter:
L'ancien Navy Seal Chuck Pfarrer pense lui aussi que l'Ukraine est en possession de la super-arme. Selon lui, il s'agit de la première utilisation du missile par les forces ukrainiennes. La livraison des missiles ATACMS pourrait modifier considérablement le cours de la guerre. Kiev aurait, avec ces armes, la capacité de viser toute la péninsule de Crimée ainsi que son pont.
Les Etats-Unis, qui se sont toujours opposés à l'attaque de cibles en Russie, considèrent toutefois, la Crimée comme un territoire ukrainien.
Sur le continent européen, les missiles ATACMS existent depuis un certain temps déjà. La Roumanie en possède 54 et la Turquie et la Pologne en seraient également équipées. Il est donc possible que des missiles ATACMS soient livrés assez rapidement à l'Ukraine.