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Poutine saborde l'économie russe mieux que les sanctions

Poutine coule son économie

Pour financer sa guerre contre l'Ukraine, Vladimir Poutine «invente» sans cesse de nouvelles taxes. La suspension des accords fiscaux, y compris avec la Suisse, pourrait y contribuer. Toutefois, ces impôts s'avèrent contre-productifs.
14.08.2023, 06:0314.08.2023, 07:49
Peter Blunschi
Peter Blunschi
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Les guerres sont coûteuses. Elles coûtent d'innombrables vies humaines et causent des souffrances indicibles. Et elles «détruisent» beaucoup d'argent. Cela vaut aussi et surtout pour la guerre de Vladimir Poutine contre l'Ukraine. Elle devait être terminée en quelques jours et dure depuis presque 18 mois. Cela met également à rude épreuve un Etat riche en ressources comme la Russie.

Rien qu'au premier trimestre 2023, le budget de l'Etat a enregistré un déficit de 2,4 billions de roubles - soit environ 26 milliards de francs - selon les données officielles. Alors que l'Ukraine est soutenue par l'Occident, le Kremlin doit lui-même voir comment financer sa guerre. Une conséquence logique est l'augmentation des impôts.

Mardi, Vladimir Poutine a fait suspendre par décret des accords fiscaux avec plus de 30 pays, dont la Suisse. Ils sont considérés comme hostiles par la Russie. Ces accords visent entre autres à éviter la double imposition. Avec cette suspension, la voie est libre pour la Russie de prélever des impôts supplémentaires.

Comme les recettes provenant de l'exportation de gaz et de pétrole diminuent, des entreprises comme Gazprom doivent payer des taxes et des impôts supplémentaires.
Comme les recettes provenant de l'exportation de gaz et de pétrole diminuent, des entreprises comme Gazprom doivent payer des taxes et des impôts supplémentaires.Image: keystone

Interrogé par l'agence Keystone-SDA, le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI) a indiqué que la Suisse avait «pris connaissance» de ce décret. Il s'inscrirait toutefois dans le schéma de ces derniers mois. Le gouvernement de Vladimir Poutine «invente» constamment de nouvelles taxes pour financer sa coûteuse guerre.

Voici comment Poutine veut financer sa guerre:

  • Le secteur des matières premières est la principale source de revenus de la Russie. Il se prête donc bien à de nouvelles taxes. Ainsi, Gazprom a dû verser l'année dernière un «dividende spécial» d'environ 20 milliards de francs. En avril, une augmentation des impôts pour les groupes pétroliers a en outre été décidée en compensation du plafonnement des prix à 60 dollars le baril décrété par le G7.
    Les recettes supplémentaires espérées n'ont toutefois pas été au rendez-vous, comme a dû l'admettre le ministère des Finances. En avril, les impôts ont été moins élevés que le mois précédent. La principale raison invoquée est la baisse des exportations. Les experts mettent en outre en garde contre le fait que les taxes supplémentaires nuisent à long terme au secteur pétrolier, car l'argent manque pour les investissements.
  • En juin, un nouveau «coup» a été donné. Les oligarques russes devaient s'acquitter d'un «impôt sur les bénéfices excédentaires» allant jusqu'à 10%. Le vice-chef du gouvernement Andreï Beloussov a prétendu que les oligarques avaient eux-mêmes proposé cet impôt spécial en tant que «grands patriotes». Mais en réalité, d'après le Financial Times, ils ont fait du lobbying pendant des mois pour un affaiblissement.
  • Fin juillet, Poutine a également signé une loi pour un «impôt sur le travail à domicile». Sont visés en premier lieu les Russes qui ont fui la guerre à l'étranger et qui continuent à travailler pour leurs employeurs russes. Ceux-ci doivent s'acquitter de l'impôt. Selon les données officielles, l'impôt devrait entrer en vigueur l'année prochaine.

La loi sur l'impôt sur les bénéfices excédentaires a été signée la semaine dernière par Poutine. Le dirigeant du Kremlin finance sa guerre en «cannibalisant l'économie productive de la Russie», ont écrit les économistes Jeffrey Sonnenfeld et Steven Tian de l'université de Yale dans le magazine Time. Selon eux, cela nuit davantage à l'économie que les sanctions occidentales.

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Les entreprises occidentales qui restent en Russie ressentent également la charge supplémentaire. Parmi elles, des sociétés suisses comme Japan Tobacco International (JTI), Glencore, Novartis ou Syngenta, dont le siège est à Genève. Elles «remplissent le trésor de guerre de Poutine», a critiqué une économiste ukrainienne dans le Sonntagsblick.

Les entreprises occidentales sont «complices de l'invasion de Poutine»

La Suisse serait en troisième position pour les entreprises étrangères en Russie, derrière les Etats-Unis et l'Allemagne. L'année dernière, les entreprises suisses auraient payé 275 millions de dollars d'impôts sur les bénéfices à l'Etat russe. Sonnenfeld, chercheur à Yale, a mis en doute ce chiffre dans le Sonntagsblick. Des erreurs se seraient glissées dans les données de Kiev.

Mais sur le fond, Sonnenfeld est dur comme fer. La présence d'entreprises occidentales en Russie est «une complicité avec l'invasion sanglante de Poutine». Cela changera peut-être avec la suspension des accords fiscaux. Et la collecte de nouvelles «taxes aléatoires».

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

World of watson: les impôts
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