Une boule de feu en plein cœur de Moscou a effrayé les habitants de la capitale russe dimanche 30 juillet au matin. Un drone a explosé dans une tour du quartier d'affaires de Moscou City, à quelques kilomètres seulement du Kremlin.
#Russian officials report a drone attack on #Moscow. One of the towers of the Moscow City complex was damaged. pic.twitter.com/g6yKOkTOuC
— NEXTA (@nexta_tv) July 30, 2023
La question de savoir qui est responsable de l'attaque reste ouverte. Comme lors de l'attaque de drones contre le Kremlin en mai, les Ukrainiens ne revendiquent pas l'attaque.
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Du reste, comme le constate l'expert militaire Carlo Masala sur Twitter, cette dernière met une nouvelle fois en évidence un point faible de la Russie:
Und wieder so eine Nacht die zeigt, wie sehr die russische Luftverteidigung (inklusive elektromagnetischer Systeme) nicht funktioniert.
— Carlo "Realism, Gedankenfetzen and Rants" Masala (@CarloMasala1) July 30, 2023
Les attaques réussies contre Moscou ne sont de loin pas les seules faiblesses que la Russie révèle. Les incursions sur le territoire russe en début d'année ont montré que la frontière terrestre russe n'est pas non plus invulnérable. A cela s'ajoutent les attaques répétées contre la Crimée et la quasi-mutinerie du chef de Wagner Evgueni Prigojine .
Sur le plan politique, le dernier sommet africain a été un désastre pour le chef du Kremlin: seuls 21 chefs d'État et de gouvernement ont répondu à l'appel dans la ville natale de Poutine, Saint-Pétersbourg. Lors du dernier sommet de ce type, il y a quatre ans, ils étaient encore deux fois plus nombreux.
La semaine dernière, les Ukrainiens ont percé les lignes de défense russes à Robotyne et ont avancé de quelques kilomètres en territoire occupé.
Chacune de ces piqûres est une mauvaise nouvelle pour le Kremlin. En les additionnant, elles renforcent l'impression qui perdure depuis les premières semaines de la guerre: Poutine sur la défensive.
Cette impression n'est pas fausse. Mais elle ne donne qu'une image incomplète de la situation. La mauvaise nouvelle, c'est que le chef de l'Etat russe a des projets à plus grande échelle.
Dans le Financial Times (FT), Alexander Gabuev, directeur du «Carnegie Russia Eurasia Center», à Berlin, cite trois points que Poutine vise:
La semaine dernière, le Parlement russe a voté une loi qui apporte à Poutine des centaines de milliers de nouveaux soldats. A partir du 1er janvier 2024, le service militaire obligatoire s'appliquera jusqu'à l'âge de 30 ans au lieu de 27 ans jusqu'à présent. Le portail indépendant Meduza calcule que le nombre total de conscrits augmentera ainsi de 700 000 hommes. Le Kremlin évite ainsi une nouvelle vague de mobilisation officielle qui vaudrait à Poutine de vives critiques en Russie.
Ces amendements ont été écrits «pour une grande guerre et une mobilisation générale», a commenté le chef de la commission de la défense à la Douma russe, Andreï Kartapolov. L'odeur de cette «grande guerre» se fait déjà sentir. Avec les nouvelles recrues, la Russie dispose de trois à quatre fois plus de soldats que l'Ukraine, écrit Alexander Gabuev.
Le Kremlin pense qu'il peut se permettre une longue guerre, poursuit Gabuev. La Chine fournit des composants importants pour l'industrie de défense russe et est en outre un bon client pour l'économie russe. Le Kremlin ne devrait donc pas manquer d'argent pour le moment — les sanctions occidentales n'y changent pas grand-chose.
Alors que la Russie a encore les caisses pleines grâce aux exportations de matières premières, la survie économique de l'Ukraine dépend quant à elle, des aides de l'Occident. Selon Gabuev, la fin du deal céréalier couplée aux attaques ciblées contre les infrastructures portuaires ukrainiennes a pour but de saigner le pays à blanc sur le plan économique.
En clair: plus l'Ukraine sera en mauvaise posture, plus il sera difficile pour l'Occident de maintenir les rangs serrés et de continuer à envoyer de l'argent et des armes.
Le jeu psychologique de Poutine avec l'Europe et les Etats-Unis accompagne l’invasion russe de l’Ukraine depuis le premier jour. Le principal instrument du Kremlin: la menace de l'arme nucléaire.
Maintenir cette menace et rappeler de temps en temps son existence aux politiciens occidentaux continuera d'être un élément central de la tactique d'intimidation. Toutefois, un élément nouveau est apparu ces derniers jours: les troupes Wagner à la frontière de l'Otan.
Selon le gouvernement polonais, plus de 100 combattants russes Wagner sont apparus depuis la Biélorussie à proximité de la frontière avec la Pologne. Le premier ministre Mateusz Morawiecki a tiré la sonnette d'alarme ce week-end, évoquant une possible attaque hybride sur le territoire polonais. Les mercenaires russes pourraient, par exemple, faire passer illégalement la frontière à des migrants ou se faire passer pour eux. L'objectif serait de faire monter la température politique en Pologne.
Dans le FT, le spécialiste de la Russie Alexander Gabuev rejette les espoirs de voir le chef du Kremlin vaciller en raison des nombreux revers, plus ou moins importants, subis ces derniers temps.
Selon Alexander Gabuev, toute stratégie occidentale à long terme de soutien à l'Ukraine doit tenir compte de cette réalité.
Traduit et adapté par Noëline Flippe