En 2006, le Hamas a capturé le soldat israélien Gilad Shalit. Vous avez ensuite négocié pendant cinq ans avec le Hamas jusqu'à ce qu'il soit libéré en 2011. Le Hamas et Israël ont convenu d'échanger des otages israéliens contre des prisonniers palestiniens. Que pensez-vous de cet accord?
Gershon Baskin: C'est le meilleur deal que l'on pouvait obtenir – pour les deux parties. Il faut maintenant espérer que tout se déroule comme prévu, qu'Israël et le Hamas se mettent ensuite d'accord pour poursuivre le cessez-le-feu et l'échange, pendant cinq, six, sept, huit jours... jusqu'à ce que nous libérions tous les otages de la bande de Gaza.
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On dirait que vous avez beaucoup d'espoir?
Pas du tout. Après le 7 octobre, de nombreuses familles des otages m'ont contacté pour me demander de leur donner de l'espoir. Je n'ai malheureusement pas pu et ne peux toujours pas le faire.
Car la situation dans laquelle nous vivons actuellement – aussi bien les Israéliens que les Palestiniens – est tellement catastrophique qu'elle ne permet pas d'adopter une autre attitude.
Quels facteurs peuvent influencer l'issue de cet échange d'otages?
Il y en a beaucoup. Nous faisons face à beaucoup d'inconnues, beaucoup de questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre pour l'instant. Des questions techniques, par exemple: quand exactement Israël cessera-t-il de survoler la bande de Gaza avec ses drones? Le cessez-le-feu s'applique-t-il à l'ensemble de la bande de Gaza ou seulement à sa partie nord?
Et puis il y a encore d'autres facteurs qui sont contrôlés par le gouvernement israélien et les chefs du Hamas. Nous ne savons pas, par exemple, pourquoi l'échange a été retardé de 24 heures. Là encore, je ne peux qu'espérer. Espérer que les raisons qui ont conduit à ce retard ont été résolues, afin que les otages, enfants et femmes, puissent retourner dans leurs familles.
Avez-vous participé aux négociations de cet accord sur les otages?
Non. Mais deux jours après l'attaque du Hamas contre Israël en octobre, j'ai pris contact avec le Hamas, les Israéliens, les Qataris et les Égyptiens pour négocier précisément un tel accord. Mais cela n'a pas fonctionné. Malgré tout, je dis que ce deal, qui est maintenant fixé, est la solution de facilité. C'était un «no brainer», un jeu d'enfant.
Pourquoi un jeu d'enfant?
À mon avis, le Hamas n'a aucun intérêt à garder en otage des enfants, des femmes, des malades et des personnes âgées. Ils sont un fardeau, car le Hamas doit s'occuper d'eux. Il a surtout intérêt à détenir des soldats israéliens. Il peut en effet exiger davantage d'Israël en échange de ces derniers.
Malgré cela, il a fallu six semaines pour négocier ce «jeu d'enfant». Ce n'est donc pas si simple.
Oh non, ce n'est pas simple. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que rechercher ce type d'accord est la première et la plus simple des solutions: des enfants et des femmes inoffensifs contre des prisonniers inoffensifs. Mais dans un conflit comme celui-ci, il faut toujours du temps pour que deux parties qui ne se parlent pas acceptent un accord. Car ce faisant, elles se reconnaissent l'une l'autre.
Négocier avec une organisation terroriste est aussi peut-être une forme de légitimation de leurs actions?
Oui, tout à fait. Mais quand on veut sauver des vies innocentes, il faut négocier avec le diable. Pour moi personnellement, il n'y a personne avec qui je cesserais de négocier si j'avais une chance de sauver une vie innocente. Même si je légitimais ainsi des terroristes. Mais cela dépend aussi de la définition que l'on donne au «terrorisme». Ma définition personnelle est qu'une faction est terroriste lorsqu'elle utilise la violence contre des civils pour atteindre des objectifs politiques. De ce point de vue, l'État d'Israël – même si cela me fait mal de le dire en tant qu'Israélien – pratique aussi parfois du terrorisme d'État contre le peuple palestinien.
Votre travail est épuisant. Comment trouvez-vous la motivation de continuer?
En 2005, le Hamas a pris en otage et tué le cousin de ma femme. C'était un homme dont j'étais très proche. Sa mort a été incroyablement douloureuse pour moi. Lors de ses funérailles, je me suis juré de faire tout ce que je pouvais pour empêcher que d'autres personnes innocentes soient tuées. Et c'est ce que je fais depuis 17 ans maintenant. Ce n'est pas mon premier choix de combat. Mon premier choix est et sera toujours de négocier la fin de l'occupation israélienne du peuple palestinien et de créer une solution à deux États.
Pensez-vous que le conflit changera d'une manière ou d'une autre si l'accord sur les otages peut être pleinement mis en œuvre?
Non.
Pourquoi pas?
Je ne peux pas imaginer un scénario dans lequel Israël mettrait fin à la guerre sans avoir atteint l'objectif qu'il s'est fixé, à savoir la destruction physique complète de la capacité du Hamas à gouverner. De plus, le Hamas détient encore 40, 50 ou 60 soldats, sans oublier les jeunes de plus de 18 ans, dont il pense qu'ils ont fait leur service militaire. Avec eux, il tentera d'obtenir la libération des 7200 autres prisonniers palestiniens détenus en Israël. Parmi eux, 559 personnes ont été condamnées à la prison à vie pour le meurtre d'Israéliens et 130 terroristes ont été faits prisonniers par Israël le 7 octobre.
Pourquoi le Hamas veut-il libérer tous les prisonniers palestiniens? Il ne semble pourtant pas se soucier de la mort de ses combattants.
Lorsque j'ai négocié la libération du soldat israélien Gilad Shalit en 2011, ce ne sont pas seulement les meurtriers du cousin de ma femme qui ont été libérés en échange, mais aussi Yahya as-Sinwar. Il s'agit de l'un des prisonniers du Hamas les plus haut placés qu'Israël ait jamais libérés dans le cadre d'un tel accord.
Depuis, il a réitéré sa promesse. C'en est devenu l'objectif de sa vie – plus important pour lui que sa propre vie. Il veut mourir en martyr. C'est l'idéologie du Hamas, que nous ne pouvons pas comprendre avec notre raisonnement occidental, démocratique et libéral.
Et vous comprenez cette idéologie?
Je peux au moins essayer de vous le faire comprendre par une petite histoire. Lorsque Yahya as-Sinwar est sorti de prison, il s'est marié et a eu neuf enfants. Sa femme serait actuellement à nouveau enceinte. Lorsque quelqu'un lui a alors demandé s'il ne voulait pas donner un peu de répit à sa femme, il aurait répondu: «Trois de mes enfants seront tués par Israël, trois de mes enfants finiront en prison et trois d'entre eux devront continuer ma vie après ma mort. C'est pourquoi j'ai besoin de plus d'enfants».
C'est horrible.
Oui, et c'est ce que tous veulent dire quand ils disent qu'Israël peut certes vaincre le Hamas militairement, mais ils ne peuvent pas vaincre les idées, l'idéologie du Hamas avec leur armée, avec la force. Les seules choses qui peuvent vaincre l'idéologie et les idées sont des meilleures idéologies et de meilleures idées.
Que signifie concrètement «de meilleures idéologies et idées»?
Cela signifie que la sanctification de la mort et du martyre doit être remplacée par la sanctification de la vie. Les Palestiniens doivent savoir qu'il existe une véritable possibilité de vivre pour la Palestine et pas seulement de mourir pour la Palestine. Et c'est là que j'appelle la communauté internationale à prendre ses responsabilités.
Dans quel sens?
Cela me met tellement en colère d'entendre les politiciens des pays de l'OCDE dire: «Nous soutenons la solution à deux États». Mais en même temps, pendant trente ans, ils n'ont jamais pris la peine de reconnaître le deuxième État: la Palestine.
Qu'ils accueilleront une ambassade palestinienne à Berne et qu'ils ouvriront eux-mêmes une ambassade en Palestine. Des efforts sérieux et honnêtes doivent enfin être faits, les promesses doivent être suivies d'actes, afin d'avoir un jour la paix au Proche-Orient. Nous ne pourrons pas combattre l'idéologie du Hamas avec de vaines paroles.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci