Alors Budapest? Mercredi, des rumeurs ont circulé selon lesquelles la capitale hongroise pourrait accueillir le sommet prévu sur l'Ukraine. Selon plusieurs sources médiatiques, le président des Etats-Unis aurait même téléphoné au premier ministre hongrois Viktor Orban lundi, lors de sa rencontre avec des dirigeants européens. Apparemment à la demande des chefs d'Etat, afin de pousser Budapest à revenir sur son veto concernant l'adhésion de l'Ukraine à l'UE.
Orban aurait alors proposé la capitale hongroise comme lieu des négociations entre Poutine et Zelensky.
Une telle proposition a probablement plu à Trump, qui entretient depuis des années des relations amicales avec l'illibéral Orban. Parallèlement, ce dernier bénéficie d'excellentes relations avec Moscou: une combinaison rare.
Selon Politico, le Secret Service étasunien préparerait déjà une rencontre à Budapest, citant des sources au sein du gouvernement. Ni la Maison-Blanche ni le gouvernement hongrois n'ont pour l'instant confirmé ou démenti l'information.
Auparavant, la Suisse était surtout envisagée comme lieu possible des négociations. Le président français Emmanuel Macron avait explicitement proposé Genève, et la Suisse s'était dite prête à accueillir de telles discussions. Un avantage décisif pour Genève: le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis avait assuré que Poutine bénéficierait d'une immunité malgré le mandat d'arrêt de la CPI, Genève jouant, en tant que siège européen de l'ONU, un rôle particulier.
Dernièrement, le chancelier autrichien Christian Stocker a également évoqué Vienne. Comme Genève, la capitale autrichienne est l'un des quatre sièges de l'ONU, mais il est peu probable qu'un sommet s'y tienne. L'Autriche est, par ailleurs, membre de l'UE et militairement engagée, mais pas politiquement neutre. Elle est perçue comme un soutien à l'Ukraine.
Actuellement, tous les signes semblent indiquer Budapest. Avant même les rumeurs récentes, Péter Magyar, dirigeant du principal parti d'opposition hongrois le Parti Respect et liberté (Tisza), avait proposé Budapest comme lieu de négociation, en se référant au Mémorandum de Budapest de 1994. Cet accord prévoyait des garanties de sécurité pour l'intégrité territoriale et l'indépendance de l'Ukraine, mais il a été bafoué en 2014 lorsque la Russie a annexé la Crimée et envahi le Donbass:
D'après Luca Flora Soltesz, analyste politique du think tank Visegrad Insight, Magyar a soit reçu des informations privilégiées, soit à un bon instinct pour savoir comment mettre Orban sous pression. Pour Orban, au pouvoir depuis 15 ans, l'enjeu est considérable: la tenue du sommet constituerait un véritable succès pour le premier ministre hongrois. L'analyste politique le souligne:
Mais Orban pourrait tout aussi bien faire une grosse erreur stratégique:
Parmi d'autres incertitudes, il faut également que le pouvoir ukrainien soit prêt. La Hongrie est loin d'être un terrain neutre et suit depuis des années une politique favorable à Moscou, s'opposant par exemple systématiquement aux sanctions contre la Russie et à l'aide militaire à l'Ukraine. De plus, selon Luca Flora Soltesz, le gouvernement hongrois instrumentalise de manière systématique la question des minorités hongroises en Ukraine pour attiser l'hostilité envers ce pays.
Dès le mois d'avril, Orban avait déjà reçu le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Budapest, lui aussi visé par un mandat d'arrêt de la CPI. Orban a alors annoncé la sortie de la Hongrie de la Cour pénale internationale. Celle-ci n'a pas encore été formellement réalisée, mais la Hongrie l'applique déjà de facto.
A Budapest, Poutine n'aurait donc rien à craindre. Depuis mars 2023, un mandat d'arrêt de la CPI pèse sur lui pour la déportation illégale d'enfants ukrainiens vers la Russie.
Traduit et adapté par Noëline Flippe